Le moment est venu de passer à l’acte
24 octobre 2021
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l'OMDDans de nombreux pays, les statistiques indiquent une forte croissance des ventes en ligne et une hausse marquée des parts de marché du commerce en ligne par rapport au commerce de détail depuis le début de la pandémie. Dans son rapport COVID-19 and e-commerce: a global review, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement signale qu’en Amérique latine, par exemple, la place de marché en ligne Mercado Libre a vendu deux fois plus d’articles par jour durant le deuxième trimestre de 2020 que durant la même période l’année précédente. Elle rapporte également que la plateforme de commerce électronique africaine Jumia a fait état d’une hausse de 50 % de ses transactions durant les six premiers mois de 2020.
Les trois membres de la Global Express Association (DHL, FedEx et UPS) ont également enregistré une augmentation massive du volume des envois non documentaires qu’ils transportent. Durant la première vague de la pandémie, de février à juin 2020, ce volume s’est accru de 50 %. Cette augmentation était en partie due aux équipements médicaux (équipements de protection individuelle, masques, etc.) mais le gros des envois portait sur d’autres types d’articles.
Les consommateurs se sont tournés vers les achats en ligne, pour la première fois pour plusieurs millions d’entre eux, parce qu’ils ne pouvaient plus se rendre au magasin du coin. Certains observateurs estiment que bon nombre d’acheteurs retourneront dans les boutiques et les établissements de vente une fois qu’ils rouvriront, mais que beaucoup continueront d’acheter en ligne. En d’autres termes, les volumes des envois de marchandises achetées en ligne se maintiendront à un niveau élevé durant la reprise suivant la pandémie.
Il est plus difficile de trouver des données sur les ventes en ligne internationales mais les volumes semblent augmenter là aussi. Lorsque la flambée de COVID-19 s’est transformée en pandémie au début de l’année 2020, l’incertitude initiale et les perturbations intervenues dans les transports ont causé un fléchissement des ventes internationales en ligne mais, selon le fournisseur de solutions pour le commerce électronique transfrontalier eShopWorld, ces ventes ont connu un rebond en avril 2020 et n’ont cessé d’augmenter tout au long de l’année 2020 pour arriver à des sommets jamais atteints auparavant.
Il a d’ailleurs été souligné que le fait de faciliter le commerce électronique transfrontalier pourrait contribuer à la relance, à condition que l’accent soit mis sur le besoin de s’assurer que les plus petits commerçants puissent accéder aux opportunités d’exportation qu’il offre.
De nombreux pays ont établi des seuils en-deçà desquels aucun droit ni aucune taxe ne sont dus et en-deçà desquels seul un jeu de renseignements minimal est exigé pour les envois entrant sur leur territoire. Si la valeur du seuil varie énormément d’un pays à l’autre, dans la plupart l’explosion des ventes de produits matériels en ligne se traduit par un nombre croissant d’envois « de petite valeur » qui traversent les frontières. Il est essentiel de contrôler ce flux particulier de marchandises afin d’empêcher le mouvement des produits interdits ou faisant l’objet de restrictions et de détecter les envois qui ont été fractionnés et/ou sous-évalués pour éviter de payer des droits et taxes. Cependant cette tâche présente plusieurs défis.
Le problème est de trouver la manière de gérer ce flux de marchandises, où le facteur temps est déterminant, sans pour autant mettre à rude épreuve les capacités des organes de contrôle et des prestataires de services de logistique, et sans créer des procédures complexes ni une charge de travail trop lourde pour les petites entreprises et les individus qui ne disposent que d’une capacité limitée à répondre aux exigences de règlementations commerciales complexes.
Normes et matériel d’orientation de l’OMD
Afin de relever le défi, les Membres de l’OMD ont travaillé, par le biais d’un groupe de travail pluripartite sur le commerce électronique (le GT-CE)[1], à l’élaboration de normes internationales et de matériel d’orientation qui ont été rassemblés dans un Dossier sur le commerce électronique. Ce dernier comprend un Cadre de normes sur le commerce électronique transfrontalier ainsi que de nombreux outils pour étayer sa mise en œuvre.
Le Cadre prévoit 15 normes mondiales de base mettant principalement l’accent sur l’échange de données électroniques préalables pour une gestion efficace des risques. Le Cadre encourage également le recours aux programme d’opérateur économique agréé (OEA), aux dispositifs d’inspection non intrusive (INI), à l’analyse des données et à d’autres technologies de pointe à l’appui d’un commerce électronique transfrontalier sûr, sécurisé et durable.
Le moment est venu de passer à l’acte et de mettre en œuvre le Cadre. À ce titre, un vaste plan d’action de renforcement des capacités a récemment été ajouté au Dossier dans le but de guider les activités du Secrétariat de l’OMD dans les prochains mois. En outre des indicateurs clés de performance (KPI) ont été développés afin de permettre de suivre la mise en œuvre des normes de l’OMD et de déterminer les besoins en matière de renforcement des capacités.
En janvier 2021, le Secrétariat a commencé à organiser des ateliers régionaux pour s’assurer que les Membres de l’OMD se familiarisent davantage avec le contenu du Dossier. Ces ateliers ont compté sur la présence de représentants de l’Union postale universelle (UPU), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la Global Express Association (GEA) et d’interlocuteurs du commerce électronique.
Dans une prochaine étape, en 2022, des ateliers nationaux seront prévus pour les administrations qui auront notifié leur intention de mettre en œuvre le Cadre sur le commerce électronique, qui auront mené une évaluation en utilisant les KPI de l’OMD et qui auront introduit une demande officielle auprès du Secrétariat. Le Secrétariat a déjà accrédité 11 conseillers techniques et opérationnels sur le commerce électronique afin de lui permettre de donner une suite favorable aux demandes d’assistance dans ce domaine.
Principaux défis et thèmes abordés
Les ateliers régionaux ont été l’occasion de déterminer les domaines présentant des défis spécifiques. Parmi ceux-ci, citons la collecte de renseignements électroniques préalables sur les colis relevant du commerce électronique, l’amélioration de la conformité et de la qualité des données, la simplification des procédures de paiement des droits et taxes qui sont souvent trop complexes, et le renforcement des capacités d’analyse des risques. Les thèmes débattus ont notamment couvert l’élargissement de la notion d’opérateur économique agréé (OEA) pour y inclure les parties prenantes du commerce électronique, l’utilisation des technologies de pointe, et, enfin, la coopération avec les intervenants du commerce électronique que sont les places de marché, les centres de traitement des commandes, les zones franches ou encore les entrepôts francs.
Relever le défi ensemble entre pouvoirs publics et entreprises
Dans la lignée des ateliers régionaux, le Secrétariat a organisé, les 28 et 29 juin 2021, sa deuxième Conférence mondiale sur le commerce électronique transfrontalier, avec le soutien financier du Fonds de coopération douanière du Japon. Certains des intervenants ont souligné le dynamisme et la grande diversité observés dans différents pays au niveau des approches, de la législation et des capacités. Par exemple, la capacité à analyser les données à des fins d’évaluation des risques varie énormément entre les agences nationales et entre les pays. Par ailleurs, si la technologie sous-jacente permettant l’échange de données est similaire sur le plan de sa logique fondamentale, les exigences réglementaires diffèrent grandement d’une administration à une autre.
L’un des objectifs des ateliers et des conférences est de permettre aux douanes de partager leurs procédures et leurs régimes, ainsi que de mieux comprendre l’écosystème du commerce électronique et ses modèles d’entreprise. Il existe déjà d’autres forums au niveau national et de plus en plus d’administrations des douanes créent des groupes de travail avec les acteurs du commerce électronique tandis qu’elles revoient leurs cadres légaux et opérationnels. À plus haut niveau, les entreprises ont commencé à établir leur propre cadre de coopération avec certains gouvernements afin d’étudier de nouvelles politiques et règles à l’appui du commerce.
Contenus de notre Dossier spécial
Dans le cadre du dossier spécial de la présente édition, nous avons invité plusieurs administrations à partager les initiatives qu’elles entreprennent pour améliorer leur capacité de contrôle de la conformité des envois « de faible valeur ».
Nous commençons par un article de la Douane argentine qui explique comment elle est en train de revoir son cadre juridique, politique et opérationnel pour s’assurer qu’il soit aligné sur le Cadre de l’OMD sur le commerce électronique et sur les autres documents d’orientation de notre Organisation. L’article ne décrit pas les procédures en place pour gérer les flux de marchandises générés par les ventes en ligne en Argentine – les lecteurs intéressés pourront consulter, à ce sujet, la contribution de la Douane argentine dans le Recueil d’études de cas sur le commerce électronique de l’OMD. L’article se focalise plutôt sur les différentes étapes du processus de révision.
Vient ensuite un article du Service de la douane et de la protection des frontières (CBP) des États-Unis concernant deux programmes de test que la CBP a récemment menés. Le premier vise à déterminer s’il est possible d’obtenir certaines données préalables concernant les envois potentiellement éligibles pour une mainlevée dans le cadre de son régime d’entrée de minimis, et le second a pour but d’essayer une nouvelle procédure d’entrée pour ces envois.
Suit le Service de la douane de Corée (KCS) qui explique comment il utilise trois types de technologies pour améliorer ses capacités de ciblage, à savoir les chaînes de blocs, l’intelligence artificielle et le big data. Le KCS partage aussi les enseignements les plus intéressants qu’il tire de son expérience, soulignant notamment que les projets axés sur la technologie ne sont couronnés de succès que s’ils se donnent pour but de trouver des solutions aux problèmes concrets des agents de terrain et que le travail d’équipe entre les experts en TIC et les spécialistes de la douane est absolument essentiel.
Le dernier article est écrit par la Douane du Pérou. Elle y présente le nouveau régime de dédouanement pour les envois exprès, ainsi que la plateforme web et l’application mobile qu’elle a mises au point pour permettre aux importateurs de suivre leurs envois et d’acquitter les droits et taxes auprès d’institutions bancaires agréées. Le processus a non seulement permis à l’Administration d’améliorer ses procédures de gestion des risques mais aussi de réduire de manière significative le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises.
Même si la situation de chaque pays est unique, je crois qu’il est important de s’assurer que les expériences soient partagées et les initiatives expliquées. De plus en plus d’administrations des douanes cherchent à revoir ou à améliorer leurs cadres légaux et opérationnels dans la lignée des normes et des outils d’orientation de l’OMD. Je les encourage chaleureusement à nous contacter si elles souhaitent pa
[1] Le Groupe de travail était composé de représentants des pouvoirs publics, du secteur privé, d’organisations internationales, de parties prenantes du commerce électronique et d’instituts universitaires et de recherche.