Dossier: Technologies de rupture

Détection automatisée : l’expérience de la Douane néerlandaise

12 octobre 2022
Par l’Administration des douanes des Pays-Bas

Dans le document Pushing the boundaries (Repousser les limites) où elle présente sa vision pour l’avenir, la Douane néerlandaise décrit son « objectif ultime », qui lui sert de point de mire face aux défis auxquels elle est et sera confrontée. Le plus grand porte sans doute sur sa capacité à faire face au nombre croissant de déclarations, et, partant, au besoin accru de procéder à des vérifications. Il nous faut en effet assurer à tout moment le bon équilibre entre les contrôles douaniers et la facilitation des échanges ; notre but est donc de mettre en place des contrôles robustes mais avec le moins de tracasseries administratives et de pression réglementaire que possible pour les entreprises, et avec des retards minimes pour les flux logistiques.

Avant tout, nous recherchons une solution qui nous permette de distinguer les échanges et les flux commerciaux émanant d’interlocuteurs fiables de ceux provenant d’acteurs inconnus. Dans le cadre de notre vision, nous voulons être capables de vérifier, pour tous les moyens de transport à l’entrée ou à la sortie du territoire douanier de l’Union européenne (UE), si les rapports et les déclarations exigés ont bien été déposés. La Douane pourra ainsi se faire une idée optimale de chaque conteneur et de chaque palette entrant ou sortant. Évidemment, nous ne disposons que d’un nombre limité d’agents et la mise à échelle continue de nos activités n’est pas une solution. Pour y arriver, nous comptons sur le traitement des informations puisées dans les déclarations ainsi que dans d’autres sources, en utilisant les technologies de l’information dernier cri.

Ensuite, nous recherchons une solution qui permette à l’Administration de mener globalement davantage de contrôles par rayons X, en améliorant notre capacité de traitement des images de scanographie. À cet effet, nous avons participé au projet ACXIS (pour Automated Comparison of X-Ray Images for Cargo Screening ou Comparaison automatisée des images obtenues par rayonnement pour le scannage du fret). Ce projet de recherche, financé par l’UE au titre du 7e Programme-Cadre, s’est déroulé de 2013 à 2017. Outre la Douane néerlandaise, ACXIS a compté sur la participation du laboratoire fédéral suisse de l’institut interdisciplinaire de recherche pour les sciences des matériaux et le développement de technologies (EMPA), du Commissariat français à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l’institut de recherche Frauenhofer-Gesellschaft, de Smiths Detection, d’APSS Software & Services et de l’Administration fédérale des douanes suisse.

ACXIS

Un des buts d’ACXIS était de mettre au point un système de soutien automatisé aux analystes d’images. Les participants ont travaillé dans leur domaine respectif de compétence pour livrer les divers composants requis pour créer le système. Certains ont ainsi travaillé sur la collecte de données, d’autres sur l’annotation des images, d’autres encore sur la mise sur pied d’algorithmes de reconnaissance automatisée des cibles (automated target recognition ou ATR) et sur leur entraînement avec des données en vue de créer des modèles. D’autres, enfin, ont travaillé sur le développement et le déploiement de l’infrastructure.

ACXIS a abouti à la mise au point du premier modèle d’apprentissage automatique capable de détecter les menaces et les anomalies dans les grands conteneurs maritimes. Le modèle a ensuite été déployé dans un environnement de test. Malheureusement, une fois le projet arrivé à échéance, les partenaires n’ont pas réussi à maintenir le contact, créant une situation où chacun est resté avec les composants sur lesquels il avait travaillé sans pouvoir en tirer parti.

Retour à la case départ

Depuis la fin du projet ACXIS, nous avons poursuivi nos travaux en vue de mettre en place un processus de développement comparable à celui établi dans le cadre du projet. Nous nous sommes donc concentrés sur la collecte et le stockage d’images radiographiques et de données liées à ces images, nous avons ouvert une Unité de science des données capable de construire des modèles d’apprentissage automatique, nous avons changé notre infrastructure informatique, nous avons coopéré avec les fournisseurs afin de déployer les modèles dans un environnement expérimental pour permettre aux analystes d’images de mener leurs essais et, enfin, nous avons tenu le personnel utilisant la technologie des rayons X au courant de toutes les évolutions intervenues dans ce cadre. Nous nous sommes très vite rendu compte que l’Administration ne produisait pas suffisamment d’images de marchandises posant une menace pour nous permettre de mettre au point des modèles. Heureusement, nous avons pu entamer une coopération avec nos collègues australiens, belges et brésiliens pour l’échange d’images radiographiques et des données qui leur sont liées.

Des images ont également été recueillies par les agents déployés aux scanners à rayons X. À l’avenir, ces douaniers devront également annoter les images, c’est-à-dire décrire ce qu’elles contiennent, mais durant la phase expérimentale, ce travail a été assuré par le personnel du laboratoire des douanes. L’Unité de science des données a ensuite élaboré des modèles de détection et de classification sur la base de modèles pré-entraînés (c’est-à-dire de modèles qui ont « appris » à résoudre un problème semblable à celui auquel nous voulons nous attaquer, sur la base d’un vaste jeu de données de référence). Sous la férule de la Direction des opérations, les fournisseurs de scanners ont installé les modèles sur les appareils utilisés par l’Administration. Parallèlement à cela, la Direction informatique a travaillé sur la mise au point d’une infrastructure informatique qui permettra de passer de la phase expérimentale à la phase opérationnelle.

La phase expérimentale est destinée à permettre à chaque direction de notre Administration et à chacun des fournisseurs de déterminer leurs exigences. Conscients du fait que chaque individu possède des connaissances spécifiques et que personne ne peut tout savoir, nous avons mis sur pied des mécanismes de coopération entre les unités douanières qui ne se connaissent pas, avec les fournisseurs et avec d’autres administrations douanières, ce qui nous permettra, par exemple, d’échanger des images radiographiques ou encore des conseils d’expert pour la mise au point de modèles.

Notre but est de montrer, à l’occasion de la Conférence et de l’Exposition de l’OMD sur la technologie, ensemble avec nos fournisseurs, comment les modèles que nous avons développés permettent à une machine de détecter la présence de comprimés cachés dans des enveloppes ou dans des colis. Les appareils ainsi équipés montrent deux types de résultats de sortie : un rectangle autour des articles suspects, qui apparaît sur l’écran de l’analyste au-dessus de l’image (modèle de détection) ou bien un score de probabilité concernant la présence de cachets sur l’image, qui peut ensuite être notifié au moteur de risque (modèle de classification).

Avancer grâce à la coopération internationale

Des résultats bien plus probants pourraient être atteints avec l’implication d’autres administrations des douanes. Imaginons que deux autres administrations se joignent au projet. Appelons-les les administrations B et C. Les trois administrations pourraient travailler ensemble sur la collecte et l’annotation des images radiographiques. Notre administration pourrait utiliser les images pour développer des modèles qui pourraient ensuite être installés sur nos appareils et sur ceux des administrations B et C, avec le soutien de leurs fournisseurs respectifs. Les administrations B et C pourraient faire de même. Chacune pourrait choisir de travailler sur des aspects spécifiques qui lui sont prioritaires ou qui lui posent des problèmes en matière de détection.

Pour qu’une telle coopération puisse voir le jour, certains critères doivent être remplis. Tout d’abord, les images et les métadonnées doivent être fournies dans le format de fichier uniformisé (UFF)[1] de l’OMD, qui est un format de fichier radiographique normalisé mis au point pour être utilisé sur les équipements d’inspection non intrusive (INI). De plus, les images radiographiques devraient être annotées d’une manière cohérente.

Ensuite, il est nécessaire d’harmoniser avec les fournisseurs la manière dont les algorithmes d’ATR sont déployés, par exemple lorsqu’il s’agit de définir la conteneurisation des modèles et de préparer les environnements logiciels pour permettre de connecter les modèles conteneurisés et les employer[2]. Comme dans le cas de l’UFF, ce travail pourrait être effectué sous la férule du Groupe d’experts techniques de l’OMD sur l’INI (GET-INI) qui est ouvert à tous les Membres de l’OMD et aux acteurs du secteur de l’INI.

Enfin, nous devons absolument nous mettre d’accord sur des méthodes uniformes de configuration d’un dossier sur les données sources, sur la formation et sur les algorithmes. Fournir de telles informations sera bientôt obligatoire, par exemple en vertu de la législation européenne. Cela permettra aussi de rendre plus aisée l’utilisation des modèles d’apprentissage automatique à plus grande échelle.

Impliquez-vous !

Nous encourageons les administrations des douanes à partager leurs plans et projets pour un usage novateur de la technologie et à recourir aux plateformes existantes pour proposer d’éventuelles collaborations. Même si nous ne partageons pas exactement la même stratégie, nous croyons que la coopération sera essentielle pour atteindre nos buts respectifs. Une administration des douanes ne dispose que de ressources limitées et ne peut donc tout faire à elle seule. Nous devrons également nous unir pour mettre au point des normes et des méthodes de travail harmonisées aux fins du développement et du déploiement de modèles d’apprentissage automatique. Ce travail est crucial pour faciliter le partage et la mise en œuvre plus larges de ce type d’outils. Nous appelons donc les autres administrations douanières à appuyer notre proposition de mener ce travail à travers le GET-INI.

En savoir +
Douane.DLK.Internationaal@douane.nl

[1] https://mag.wcoomd.org/fr/magazine/wco-news-89/vers-un-format-de-fichier-uniformise-pour-les-dispositifs-dinspection-non-intrusive/

[2] « Les conteneurs sont des unités exécutables de logiciel dans lesquelles le code d’application est empaqueté, avec ses bibliothèques et ses dépendances, de manière commune, afin qu’il puisse être exécuté n’importe où, que ce soit sur un ordinateur de bureau, dans un système informatique traditionnel ou dans le cloud » Cfr  https://www.ibm.com/fr-fr/cloud/learn/containers.