Dossier

Détection automatique: du concept à la réalité

28 juin 2016
Par Dr. Chen Zhiqiang, Président et Directeur général, NUCTECH COMPANY LIMITED

À l’occasion de la Journée internationale de la Douane en janvier dernier, le Secrétaire Général de l’OMD, Kunio Mikuriya, rappelait que la technologie de l’information et de la communication (TIC) s’impose désormais à tous les échelons de l’appareil douanier et qu’elle a transformé la manière de travailler des services répressifs et gouvernementaux dans leur ensemble.

La technologie, et plus particulièrement, les systèmes d’inspection non intrusive (non-intrusive inspection ou NII), permettent notamment aux autorités douanières de faciliter les échanges en contrôlant plus efficacement et rationnellement les marchandises. Ces dernières décennies, la douane est restée à la pointe de cette technologie et, en se dotant d’une multitude de systèmes sophistiqués de NII (généralement des systèmes de transmission à rayons X), est parvenue à accélérer la circulation, la mainlevée et le dédouanement des marchandises échangées à l’échelle planétaire, tout en renforçant sa capacité de lutte contre la fraude.

Aujourd’hui, cette capacité à détecter les cas de fraude pourrait franchir une nouvelle étape grâce aux progrès réalisés par les techniques de détection automatique.

Talon d’Achille des contrôles de sécurité

Aussi extraordinaires soient-ils, les systèmes de NII doivent être opérés par des agents hautement qualifiés. Or, bien que le traitement des images ait énormément progressé au fil des ans, nombreux sont les pays qui ont un besoin criant d’experts capables d’analyser ces images.

Les contraintes que rencontrent de nombreuses administrations en matière de ressources humaines ne datent, d’ailleurs, pas d’hier et l’on ne se forme pas à la NII du jour au lendemain, loin s’en faut. La formation des analystes d’images, aussi doués soient-ils, est longue et doit être continue afin qu’ils puissent rester en phase avec les progrès fulgurants qu’enregistre la technologie NII.

Bonne nouvelle! Les technologies permettant l’interprétation des images existent bel et bien. Les fournisseurs de technologies de scannage planchent dorénavant sur des algorithmes qui permettent aux machines de reconnaître des objets. Les outils de détection automatique sont communément désignés par l’acronyme « ATR », Automatic threat recognition (localisation automatique de menaces), ou assisted target recognition (localisation assistée de cibles) et sont le résultat d’une intégration complète du Big Data, de l’informatique en nuage, de l’apprentissage automatisé et de l’analyse avancée des données.

Tirer parti des possibilités offertes

Le matériel NII est généralement utilisé de manière isolée. Les images radiographiques transmises par scanner sont utilisées une seule fois aux points de contrôle, où les agents de terrain sont appelés à les analyser et déterminer si elles révèlent la présence d’articles suspects. Une fois la décision prise, les images sont souvent archivées sur place ou enregistrées auprès d’un serveur à distance et ne seront plus utilisées par la suite. À l’ère de l’information, les professionnels considèrent que c’est là une perte énorme.

Assistés par un système informatique sécurisé, les fonctionnaires de la douane peuvent désormais recueillir, gérer et traiter de phénoménales quantités d’images historiques numérisées et se constituer une gigantesque base de données de référence, qui pourra ensuite servir à la formation et à la définition d’algorithmes d’ATR. La technologie ATR repose sur l’apprentissage automatique. Les algorithmes, programmés à partir de données tirées de l’expérience, sont capables de détecter des schémas particuliers dans toutes sortes d’images scannées aux rayons X.  Ils analysent la forme, la densité, la texture, voire même les numéros atomiques des images, pour formuler des règles de reconnaissance qui pourront ensuite s’appliquer à d’autres jeux d’images, indépendamment du système de NII qui a permis de les produire.

La nature d’un produit peut être identifiée automatiquement et symbolisée par une couleur qui renvoie au code dudit produit dans le Système harmonisé (SH). Pour prendre un exemple, il est facile de faire la distinction entre lait et boissons, sur la base de leurs traits distinctifs. À l’aide d’une machine qui comparerait l’image aux données reprises dans le manifeste, les agents de terrain seraient à même de s’assurer que ces données correspondent effectivement aux images envoyées par scanner.

Des connaissances plus pointues peuvent venir enrichir l’application. Par exemple, les algorithmes peuvent être peaufinés afin de permettre l’identification des marchandises qui font l’objet de transactions commerciales régulières et des filtres peuvent être installés pour éviter aux opérateurs de devoir sans cesse réinterpréter les images numérisées de marchandises communes. La machine peut également apprendre à détecter certains articles présentant un intérêt particulier, comme des cigarettes, des bouteilles d’alcool, des matières radioactives, des déchets solides, ou encore des pièces d’artillerie et des armes. Selon les besoins, la liste des articles ciblés peut être étoffée ou adaptée.

L’on peut concevoir des algorithmes qui, en comparant les particularités des différentes parties de l’image, détecteront et révéleront la présence d’anomalies (compartiment caché, par exemple). Qui plus est, cette technologie dispose d’une fonction de signalement des « conteneurs ISO non vides », grâce à laquelle les services peuvent détecter la présence de marchandises oubliées ou intentionnellement laissées dans des conteneurs, ou encore des différences de charge.

La machine apprend à partir d’interactions humaines et développe constamment ses capacités analytiques dans le but d’améliorer le travail de catalogage, de classement et de détection des marchandises. Elle affine donc ses compétences et, par ce travail incessant d’auto-développement, devient experte en interprétation d’images.

L’ATR peut également être utilisé pour décourager la corruption, ou les collusions entre agents et contrebandiers. En effet, quelle que soit la décision finale concernant la mainlevée d’un envoi, le système enregistrera toutes les occurrences dans une base de données en vue de contrôles ultérieurs et pourra même informer le centre de commande en temps réel.

Voies d’avenir

L’application ATR peut mémoriser les détails de milliers d’images de contrôle, les croiser pour vérifier les correspondances immédiates, extraire les caractéristiques de chaque image, y repérer les anomalies par rapport à des règles établies et faire des recommandations. Chargé de ces fonctions multiples et variées, un algorithme de reconnaissance automatique peut jouer le rôle de super cerveau qui aide les opérateurs humains à interpréter les images de manière plus opportune et précise.

Ce qui n’était à l’origine qu’un concept est devenu réalité. Décidés à lutter contre le commerce illicite de cigarettes et d’alcool, les autorités douanières des régions d’Asie-Pacifique et d’Europe sont en train de s’équiper de la technologie ATR. Dans un pays de l’Asie-Pacifique, le dispositif ATR permet de prédéterminer automatiquement si l’image de scannage fait apparaître des objets suspects, évitant de devoir interpréter des successions d’images correspondant à des produits connus et ne présentant pas de risques.

Un autre service douanier de la région a procédé à un essai de trois mois, qui a confirmé la capacité de l’application ATR à détecter la présence de cigarettes, avec un taux de probabilité de près de 88 %. Pour l’alcool, le taux de réussite est incroyablement élevé (93 %). Précisons que les taux de détection de l’application ATR seront encore meilleurs dans le futur étant donné que le processus d’apprentissage est continu et se nourrit de la base d’images, elle aussi en perpétuelle croissance.

 

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