Le pollen : le puissant nouvel outil de la CBP dans ses travaux d’enquête
28 juin 2016
Par Marcy Mason, journaliste couvrant les questions relatives au commerce pour le Service de la Douane et de la protection des frontières des États-UnisLorsqu’en juin 2015 le corps partiellement décomposé d’une petite fille non identifiée est retrouvé sur une plage de Deer Island, une des nombreuses îles qui occupent la baie de Boston, le National Center for Missing and Exploited Children, organisme en charge des enfants disparus ou victimes d’abus aux États-Unis, fait tout de suite appel à Andrew Laurence. Expert médicolégal spécialisé dans le pollen travaillant au sein de la Customs and Border Protection (CBP), Andrew est l’un des palynologues médicolégaux les plus réputés au monde, et l’un des deux experts dans ce domaine que comptent les États-Unis. A ce titre, ce n’est pas la première fois qu’il collabore avec le Centre afin de déterminer les origines géographiques d’un enfant.
Sur les indices qui lui sont envoyés, il retrouve plus de 30 types de grains de pollen différents. La plupart des grains proviennent d’espèces végétales courantes dans le nord-est des États-Unis. « Il y avait beaucoup de pollen de pin, de chêne, de bouleau et un peu d’épicéa », raconte-il. Il identifie toutefois aussi un type de pollen un tant soit peu inattendu. Les vêtements et les couvertures de l’enfant contiennent, en effet, des grains de pollen de deux variétés de cèdre : l’une relativement commune dans la région, le cèdre du Liban, l’autre plus spécifique aux alentours directs de Boston. « Le Cèdre du Liban est apparu en Nouvelle-Angleterre au début des années 1900, lorsque l’Arboretum Arnold, une vaste plantation appartenant à l’Université de Harvard à Boston, en a importé une variété spécifique, et il pousse aujourd’hui dans toute la région. Toutefois, on ne trouve le deuxième type de cèdre qu’à l’Arboretum Arnold. Donc, j’ai su avec certitude que l’enfant venait de la région de Boston », explique l’expert.
En moins de deux semaines, il aboutit à des résultats probants. « Son aide nous a été précieuse », raconte l’agent Daniel Herman, détective de la brigade criminelle de la police d’État du Massachussets, qui enquêtait sur l’affaire. « Nous avions des centaines de pistes et d’appels de tout le pays. L’analyse du pollen nous a permis de dire que la petite fille avait passé une grande partie de sa vie dans la région de Boston. C’était un indice prometteur pour nous. Il nous a permis de réduire le champ de notre enquête et de mieux cibler nos efforts sur certaines pistes. »
Si l’analyse de pollen est utilisée à des fins médicolégales depuis plusieurs décennies, elle constitue une technique nouvelle en matière d’enquêtes criminelles aux États-Unis. La CBP étant la seule agence fédérale américaine à compter un palynologue médicolégal dans son équipe, elle s’est naturellement imposée comme chef de file dans l’utilisation de ce nouvel outil d’investigation.
Un domaine inconnu
La palynologie médicolégale est un domaine peu connu. Cette science consiste à utiliser le pollen et les spores dans le cadre d’une enquête sur un délit ou un meurtre ou pour déterminer la position géographique d’objets ou de personnes. Chaque plante se caractérise par un grain de pollen qui lui est propre et unique. « Il existe quelque 300 000 espèces de plantes dans le monde. Chacune produit son propre type de pollen. Chaque endroit au monde possède ainsi une empreinte pollinique unique, un peu comme une empreinte digitale », indique Vaughn Bryant, le père de la palynologie médicolégale aux États-Unis, qui travaille en tant que professeur d’anthropologie et directeur du Laboratoire de palynologie à la Texas A&M University.
L’une des raisons qui explique que le pollen soit si indiqué pour les enquêtes criminelles est qu’il est présent partout. « N’importe quel objet exposé à l’environnement accumule du pollen », indique Andrew Laurence. L’expert de la CBP est un ancien étudiant du Professeur Bryant et son protégé. « Nous pouvons analyser le pollen pour repérer l’environnement d’où provient l’objet ou les différents endroits par où il est passé. Par exemple, nous pouvons retracer le parcours d’un camion puisque, tout au long de la route qu’il emprunte, il accumule différents types de grains de pollen. Nous pouvons également analyser les vêtements et savoir où était un individu. Le pollen se dépose sur les vêtements et y reste pendant un temps certain, même après plusieurs lavages. Il s’incruste véritablement dans le tissu », explique-t-il.
On retrouve également du pollen dans les espaces intérieurs. « Les gens qui entrent et qui sortent d’un bâtiment accumulent du pollen », ajoute-t-il. « Ils en ramènent sur leurs vêtements et, donc, ce pollen passe dans l’air à l’intérieur. On peut retrouver jusqu’à 10 000 grains de pollen par mètre-cube d’air, ce qui équivaut à peu près à l’espace intérieur de votre frigo à la maison ».
Par ailleurs, le pollen est extrêmement résistant. Il reste intact et ne perd pas sa structure physique d’origine. « Dans de bonnes conditions de conservation, le pollen est pratiquement indestructible. Les grains de pollen peuvent dater de 20 ou 200 millions d’années, à avant l’ère des dinosaures, et même remonter à une époque aussi lointaine que l’apparition de la première vie végétale sur terre, il y a 450 millions d’années ».
Toutefois, l’analyse médicolégale du pollen n’est pas adaptée à tous types de situation. « Si un échantillon a été exposé à l’environnement local pendant quelques jours, il aura sans doute été fortement contaminé par le pollen local et il sera probablement difficile de déterminer d’où il provient », conclut le palynologue.
Racines historiques
La première enquête criminelle connue au cours de laquelle l’analyse du pollen a été utilisée de manière concluante remonte à 1959, en Autriche. Du pollen avait été retrouvé sur les semelles pleines de boue des bottes que portait un suspect, le plaçant à l’endroit où un homme avait disparu. Durant les années 1960 et 1970, d’autres enquêtes criminelles en Europe ont eu recours au pollen afin d’établir un lien entre les suspects et certains événements ou scènes de crime.
En Amérique, la palynologie se développe en 1975 lorsque Vaughn Bryant, alors botaniste étudiant le pollen sur les sites archéologiques, commence à l’analyser à des fins médicolégales. Le Département de l’agriculture américain (USDA) décide alors d’utiliser son expertise dans le cadre d’un programme de prêts bonifiés pour aider les apiculteurs des États-Unis. Vaughn Bryant s’occupe alors de prélever le pollen sur des échantillons de miel afin de vérifier que le miel est bel et bien produit aux États-Unis.
Sans le savoir, il se lance dans une énorme entreprise. « Je n’avais pas la moindre idée de ce dans quoi je m’étais embarqué », se souvient-il. « Je n’avais jamais analysé du miel auparavant et je pensais que ça serait plutôt facile. Mais je ne me rendais pas compte que, rien qu’en Amérique du Nord, il existe probablement entre 90 000 et 100 000 espèces de plantes différentes qui pourraient être utilisées pour leur pollen ou leur nectar. »
Après cinq ans passés à déterminer l’origine du pollen, il devient expert en la matière. Mais le prix du miel explose alors sur les marchés mondiaux, amenant l’USDA à mettre fin à son programme de subventions du miel. En 1980, Vaughn Bryant ne trouve personne prêt à l’engager pour ses compétences en palynologie médicolégale. « A l’époque, personne ne faisait de la palynologie médicolégale nulle part, si ce n’est en Nouvelle-Zélande », raconte-t-il.
Dans les années 1990, la palynologie médicolégale refait son apparition dans des pays tels que le Royaume-Uni mais les États-Unis restent à la traîne. Ce n’est qu’après les attaques du 11 septembre 2001 que le pollen recommence a être utilisé comme outil de criminalistique. Un des services du renseignement des États-Unis contacte alors le Professeur Bryant dans l’optique d’utiliser ses compétences à des fins sécuritaires. « Mon travail consistait à analyser des échantillons qui avaient été prélevés par les enquêteurs à des endroits où étaient passés les terroristes. Il y avait des échantillons de toutes sortes, prélevés sur des tapis, des individus, dans des habitations, sur des armes et même sur des bombes », se souvient-il.
Puis, alors que son travail avec les services du renseignement touche à sa fin, la CBP prend contact avec lui. « Nous ne disposions que de renseignements lacunaires sur le mouvement de stupéfiants. Nous voulions savoir plus spécifiquement d’où provenaient les drogues, comment elles étaient cultivées et comment les cartels fonctionnaient », explique Patricia Coleman, directrice par intérim du Bureau du renseignement de la CBP.
Des liens surprenants
Un des premiers échantillons de drogue à avoir été passé au crible par le Professeur Bryant provenait d’une saisie de 3 629 kilos de cannabis retrouvés dans un entrepôt de San Diego en Californie, en novembre 2011. L’entrepôt était relié à un tunnel qui traversait la frontière entre les USA et le Mexique. Deux semaines plus tard, 3 922 kilos de marijuana étaient saisis dans un ranch du comté de Starr au Texas.
« Les deux saisies ont été effectuées dans deux États différents, à plus de 1 600 kilomètres de distance l’une de l’autre, mais l’analyse des pollens a révélé des points communs entre les deux affaires », explique Steven Goldfarb de la Division de lutte contre les trafics illicites du Centre national de ciblage de la CBP. « Vu sous l’angle du renseignement, nous en avons conclu que c’était le même cartel de la drogue qui s’occupait tant du site de culture que de la distribution des envois de cannabis ».
La CBP a également fait une autre découverte étonnante. « Nous étions partis de la base que la marijuana qui passait par le Texas appartenait aux cartels qui contrôlaient les États au sud du Texas. Or, ce n’est pas ce que les indices nous ont révélé », ajoute Patricia Coleman. « Les analyses de pollen ont montré que les envois de drogue saisis au Texas venaient de Sonora, au sud de l’Arizona. »
Quelques mois plus tard, Vaughn Bryant mène des analyses sur un autre lot d’envois. Avec l’aide d’Andrew Laurence, cette fois. Entre mars et mai 2012, les agents de la CBP et de la patrouille frontalière avaient procédé à de nombreuses saisies de marijuana sur la frontière sud, près d’El Paso, au Texas. Plus à l’intérieur du territoire des États-Unis, les forces de l’ordre de l’État et la police locale avaient également saisi plusieurs envois similaires ainsi que du matériel agricole lourd utilisé pour dissimuler la drogue.
« Nous nous sommes dit qu’il devait y avoir un lien entre ces envois parce que les saisies de drogue passaient par les mêmes canaux », se souvient Steven Goldfarb. « Grâce à l’analyse du pollen, nous avons découvert que toute cette marijuana présentait un type spécifique de pollen, une sorte de marqueur distinctif qui vous saute aux yeux. Ce type de pollen vous renvoie généralement vers un endroit très précis. Dans ce cas-ci, il s’agissait de pollen d’armoise ».
Bien que les États-Unis comptent plus d’une centaine d’espèces d’armoise, seule une espèce est connue au Mexique et elle ne pousse qu’à quelques endroits isolés. « Nous avons pu déterminer de façon très précise la zone géographique du Mexique où la marijuana était cultivée », raconte Steven Goldfarb. « L’analyse du pollen a permis d’établir que ce trafic était lié à une importante organisation au Mexique qui faisait l’objet d’une enquête. » La CBP a partagé ses informations avec le gouvernement mexicain et, en juin 2012, les autorités mexicaines ont lancé l’assaut sur une ferme dans la périphérie de la ville Chihuahua, où elles ont saisi 400 kilos de marijuana et 13 sacs de graines de cannabis pesant près de 300 kilos.
De la marijuana et plus encore
Pendant plus d’un an, le Bureau du renseignement de la CBP a utilisé le pollen pour retracer l’itinéraire suivi par les envois de marijuana. « Puis, nous sommes passés à la vitesse supérieure. Nous ne nous sommes plus limités à la marijuana », raconte Patricia Coleman. « Nous nous sommes penchés sur le trafic d’autres stupéfiants comme la cocaïne, l’héroïne et la méthamphétamine. En fait, nous avons commencé à utiliser la science pour assembler un puzzle, en essayant de retrouver toutes les pièces, pour découvrir qui est impliqué, comment les drogues sont fabriquées, d’où elles viennent et quels itinéraires elles suivent. »
A ce stade, il est devenu évident que la CBP devait recruter un palynologue médicolégal à plein temps. « Une fois que nous avons commencé à obtenir des résultats, les choses se sont accélérées », se rappelle Patricia Coleman. « Nous ne pouvions plus répondre à la demande. Nous avions un vrai retard à rattraper ». Le Professeur Bryant a alors recommandé à la CBP qu’elle engage Andrew Laurence, qui partageait sa passion pour la palynologie médicolégale et qui s’était révélé être doué sur le terrain.
Ce dernier travaille à présent à plein temps dans le laboratoire de la CBP à Houston. Il a notamment travaillé sur une importante saisie de cocaïne à Detroit, dans le Michigan, en novembre 2013. La cocaïne avait été retrouvée dans un camion avant qu’il ne sorte du pays pour entrer au Canada. Le manifeste indiquait que le camion était passé par Salinas, en Californie. « Nous avons voulu vérifier que c’était bien le cas », explique Laurence. Le pollen a révélé que le camion était bien parti de Salinas, qu’il était remonté par la côte vers San Francisco, puis avait poursuivi sa route vers l’est, passant par le Nevada, l’Utah, le Wyoming, le Nebraska, l’Iowa et l’Illinois, avant d’arriver finalement à Detroit.
« C’était un drôle de parcours », se souvient Steven Goldfarb. « On s’est demandé pourquoi le camion avait fait tout ce détour par Detroit alors qu’on peut passer au Canada par l’État de Washington. Il était évident qu’il s’agissait d’un trafic de drogues et c’est ce qui nous a permis d’avancer dans l’enquête. » « Tout comme du côté mexicain de la frontière avec les États-Unis, il existe différents cartels au Canada qui contrôlent des régions spécifiques », ajoute-t-il. « Si nous relayons l’information à la police routière, cette dernière pourrait à l’occasion mener des activités de répression et endiguer le trafic de cocaïne passant par les États-Unis. »
Un autre résultat inattendu de l’analyse de pollen a trait aux petites embarcations de pêche de type Panga. Les cartels de la drogue utilisent ces embarcations pour transporter les stupéfiants en remontant la côte Ouest. « Au départ, les bateaux Panga quittaient le Mexique depuis la péninsule de la Basse Californie et ils naviguaient jusque dans la région côtière de San Diego », nous explique Patricia Coleman. « Mais en 2012, nous avons commencé à voir beaucoup de bateaux Panga plus au nord de la côte du Pacifique. »
Le Bureau du renseignement de la CBP a donc voulu se faire une meilleure idée de la façon dont les cartels opéraient en prélevant du pollen sur des bateaux abandonnés. « Nous avons analysé l’intérieur des bateaux en prélevant des échantillons sur les surfaces latérales et l’intérieur des moteurs et des capots », raconte Andrew Laurence. « Les bateaux contenaient beaucoup de grains de pollen de pin, beaucoup de chêne, un peu d’épicéa ou encore du sapin. Au Mexique, le sapin ne pousse qu’à très haute altitude dans les montagnes. Nous en avons déduit qu’ils chargeaient discrètement la drogue sur les bateaux à des endroits à haute altitude, puis remorquaient les bateaux pour les amener vers la côte et les mettre à l’eau », poursuit Patricia Coleman. « Une fois de plus, le résultat de l’analyse nous a permis de relayer ces informations au gouvernement mexicain qui a donc pu intervenir. »
Rejetés par la mer
Les analyses de pollen ont également aidé la CBP à retracer les itinéraires de ballots de marijuana et de cocaïne retrouvés sur les côtes de la Floride et du Texas. Dès 2011, la patrouille frontalière dans le secteur de Miami avait remarqué une augmentation soutenue du nombre de paquets de drogues retrouvés sur le rivage des Keys de Floride. Les statistiques pour l’État de Floride indiquent une multiplication par neuf du nombre de lots de marijuana rejetés par la mer entre 2014 et 2015. « Au cours de l’exercice 2015, nous avons retrouvé 40 paquets rejetés sur le rivage et, si la tendance que nous constatons pour le premier trimestre 2016 se poursuit, il faudra s’attendre à ce que ce nombre continue d’augmenter », raconte J.R. Shook, agent de la patrouille des frontières au sein de l’Unité du renseignement du secteur de Miami.
Lorsqu’elle en retrouve, la patrouille frontalière envoie des échantillons à Andrew Laurence pour analyse. « La majorité des paquets retrouvés sont des envois de marijuana en provenance des Caraïbes, en particulier de la Jamaïque. Ce qui nous a mis sur la voie, c’est que les échantillons contenaient énormément de spores de fougère. Il n’y a que quelques endroits où on trouve autant de fougères et l’un d’eux est Fern Gully, une section de route sinueuse très pittoresque en Jamaïque », explique Patricia Coleman.
« Avant les analyses de pollen, nous n’avions pas la moindre idée d’où venaient les drogues et lorsqu’un ballot était rejeté sur la plage, le Homeland Security Investigations, notre service des enquêtes de sécurité intérieure, le saisissait sans qu’il n’y ait d’enquête », indique J.R. Shook. « Aucun contrebandier n’était appréhendé, aucune information n’était saisie. Les drogues étaient tout simplement détruites », ajoute-t-il. « Avec l’analyse du pollen, nous sommes à présent à même de localiser le point d’origine des stupéfiants et les itinéraires et les méthodes probablement utilisés pour les faire entrer en contrebande sur le territoire national ».
Les services des États-Unis n’ont donc pas tardé à élargir la méthode d’analyse du pollen aux armes ou devises, voire aux affaires personnelles de délinquants ou d’autres personnes d’intérêt pour déterminer leurs itinéraires, leur point de départ ou leur origine notamment. « Nous nous penchons sur la possibilité d’utiliser l’analyse médicolégale du pollen pour les affaires relevant de la sécurité nationale », explique Patricia Coleman. « Nous examinons les itinéraires de certaines personnes entrant sur le territoire des États-Unis signalées par les systèmes d’analyse de risque», poursuit-elle. « Compte tenu de la question des combattants étrangers et des inquiétudes que suscite l’entrée de certains individus sur le territoire national, il s’agirait de déterminer si quelqu’un s’est rendu dans une zone de conflit, par exemple ».
Traiter et analyser le pollen
Le processus d’analyse du pollen est difficile et exige un travail intense. « Le traitement du pollen en soi est une procédure très longue. Il faut passer par de nombreuses étapes pour l’analyse chimique et il faut laver physiquement les échantillons. Normalement, il faut compter quatre à six heures pour analyser un échantillon, si tout se passe bien. Il faut notamment aspirer l’échantillon pour en extraire le pollen », explique Andrew Laurence.
Les complications sont nombreuses. Par exemple, si un échantillon de cocaïne n’est pas complètement pur, les impuretés devront être dissoutes. « Savoir ce que sont ces impuretés et ce qui peut les dissoudre prend du temps. Parfois, l’échantillon présente beaucoup de sédiments qui piègent le pollen. Voilà qui ajoute de nombreuses étapes supplémentaires et nous fait perdre beaucoup de temps », poursuit l’expert.
Après l’analyse d’un échantillon, Andrew Laurence identifie le pollen au microscope. « Je m’assieds et je compte les grains de pollen. Le temps que cela prend dépend du nombre de grains présents dans l’échantillon, de la nature de l’échantillon, d’où il provient et du type de grains de pollen qu’il contient », explique-t-il. « Pendant que je compte, j’identifie le pollen et, si je retrouve plusieurs types de grains différents, je dois pouvoir les identifier tous et voir s’ils correspondent à des types de pollen connus, ce qui peut encore prendre beaucoup de temps. Si, en plus, je retrouve du pollen provenant de régions sur lesquelles nous n’avons pas beaucoup d’informations, ça peut prendre encore plus longtemps. »
L’un des plus grands défis auxquels il est confronté est celui de savoir ce qui pousse dans les différentes régions du monde. Dans certains pays comme les États-Unis, des études exhaustives de cartographie du pollen ont été menées. Ailleurs, comme au Proche et au Moyen Orient ou encore, en Amérique du Sud et au Mexique, les informations sont beaucoup plus rares. « Soit c’est dû à des raisons politiques, soit certains endroits sont difficiles d’accès, comme l’Amazonie », dit-il. Andrew Laurence et Vaughn Bryant utilisent également des recueils de référence, des bases de données, des livres, ou font appel à d’autres palynologues médicolégaux, mais ces derniers sont peu nombreux.
« On ne trouve qu’une poignée de palynologues médicolégaux dans le monde, cinq tout au plus », indique Jen O’Keefe, ancienne présidente de l’association internationale de palynologie. « Il est difficile de trouver des personnes possédant les bonnes compétences pour faire ce boulot. Il faut être très exigeant et précis. Il faut également avoir une mémoire d’éléphant pour reconnaître les formes et les tailles et se souvenir de la dernière fois qu’on a vu quelque chose. Et puis, il faut faire preuve de patience et d’endurance car il faut passer de longues heures assis derrière un microscope. »
Valeur médicolégale
« Que le pollen, cette petite particule microscopique, puisse avoir un tel impact sur une enquête criminelle, c’est tout simplement remarquable », conclut Patricia Coleman. « Parfois, l’analyse de pollen aboutit à des résultats que nous n’aurions jamais imaginés. C’est comme une nouvelle découverte, une nouvelle pièce du puzzle qui vient confirmer ou infirmer des renseignements existants », poursuit-elle. « Elle nous donne des preuves scientifiques irréfutables qui nous permettent de repenser la façon dont nous concevons les processus et tactiques des entreprises criminelles. Le pollen nous offre des possibilités infinies en tant qu’outil médicolégal, et c’est ce qu’il y a de plus excitant. »
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