Questionner nos pratiques en matière de lutte contre la fraude, l’ambitieux ordre du jour du projet COPES
28 juin 2016
Par le service communication de l’OMDInitier un dialogue et entamer une réflexion autour des méthodes de travail utilisées dans la lutte contre la fraude, de la recherche d’une infraction à l’entreposage des actifs saisis en passant par la phase de constatation, de collecte et de préservation de la preuve, tel est l’ambitieux objectif des concepteurs du projet COPES de l’OMD.
Outre que toutes les administrations des douanes ne sont pas investies des mêmes prérogatives et des mêmes possibilités d’action en matière de lutte contre la fraude, toute violation de la loi est traitée par chaque Etat selon des règles de procédures qui lui sont propres. En d’autres termes, les procédures et pratiques relatives à la recherche, à la constatation et à la poursuite des infractions douanières, qu’elles soient pénales ou civiles, ne sont définies que par des textes nationaux.
L’objectif de l’OMD n’est pas de faire la démonstration ou la promotion d’une seule démarche de l’application des lois ou de la gestion de saisies, mais de présenter différentes méthodes et pratiques employées actuellement dans certains pays, applicables à tous les systèmes juridiques, et d’inciter les administrations à interroger l’efficacité de leurs procédures et pratiques, tant sur le plan opérationnel de leur mise en œuvre que sur celui des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi.
Il s’est agi dans un premier temps d’élaborer un recueil sur le sujet, intitulé « Recueil des pratiques opérationnelles douanières en matière de lutte contre la fraude et de saisie », dont les initiales en anglais ont donné le nom au projet : COPES pour Customs Operational Practices for Enforcement and Seizures. Publié dans une première version en mai 2012 dans les deux langues de travail de l’OMD (l’anglais et le français), le recueil a depuis été mis à jour en 2013 et traduit en arabe, russe, espagnol et serbe.
« Les saisies et autres mesures prises dans le cas de la lutte contre la fraude sont de l’ordre du quotidien pour toute administration douanière et des sujets dont nous discutons régulièrement dans le cadre des diverses réunions organisées à l’OMD. Il m’a semblé dès lors qu’il serait utile de travailler au sein de l’OMD sur un document qui rassemblerait des connaissances pratiques et des exemples en la matière afin d’améliorer nos méthodes et de renforcer notre rôle », explique David Dolan, le père en quelque sorte du projet COPES. Aujourd’hui directeur à la division chargée des organisations et accords internationaux du Bureau des affaires internationales du Service de la douane et de la protection des frontières des États-Unis à Washington, il était à l’époque attaché douanier à la Mission des États-Unis auprès de l’Union européenne à Bruxelles.
Un projet ambitieux
Quelles que soient les compétences d’une administration en matière de lutte contre la fraude, les douaniers de terrain, étant les premiers acteurs à intervenir dans une saisie, jouent un rôle majeur dans le succès potentiel des investigations et des poursuites. Les sensibiliser aux imbrications qui existent entre saisie, collecte de la preuve, investigation et poursuite est essentiel.
Concernant, par exemple, une fraude aux recettes ou une saisie d’argent liquide liée à un trafic de stupéfiants, il s’agira pour le ou les agent(s) qui réalisent la constatation de recueillir les éléments de preuve pertinents, dans les formes prescrites, de savoir les documenter, pour permettre ensuite des investigations et poursuites qui pourront conduire une juridiction à entrer en voie de condamnation. De même, les informations recueillies doivent être exploitées pour réaliser des constatations ultérieures.
Le recueil aborde tour à tour les questions liées au cadre législatif, aux procédures de saisie, aux requêtes et recours, à la preuve, à la gestion coordonnée des frontières, à l’éthique, à la sûreté et sécurité du personnel des douanes, aux ressources et à la performance. Il offre également des exemples et modèles de formulaires, listes de contrôle et autres fiches techniques, ainsi qu’un questionnaire élaboré afin d’aider les administrations à évaluer leurs régimes de saisie et de comprendre les domaines éventuels de révision et d’amélioration.
« Il s’agissait d’envisager ces questions selon une approche systématique en développant des normes internationales auxquelles les Membres et autres acteurs impliqués pourraient s’aligner. L’OMD est le forum idéal pour promouvoir de telles pratiques. Certaines mesures ou pratiques sont relativement simples à mettre en place, par exemple pour ce qui touche à la comptabilité (journal de bord, chaîne de conservation). A l’autre extrémité, certaines mesures exigeront des administrations qu’elles renforcent leur autorité légale et/ou reçoivent un équipement et des budgets appropriés », indique David Dolan.
Séminaires de formation
En 2014, l’OMD a pu assurer le financement du prolongement de ce projet et, en mars 2015, elle a engagé un chef de projet afin de développer de nouveaux matériels pédagogiques et d’en assurer la promotion puis la diffusion.
Des modules de formation ont été élaborés autour des thèmes suivants: le risque, le stockage et la disposition des saisies ; les sources d’information et l’échange de renseignement; la coordination avec d’autres services ; l’enregistrement et la documentation des informations ; la définition et les types de preuves ; la criminalistique, l’intégrité des preuves et leur traçabilité ; les techniques d’interrogatoire ; le rôle du procureur et la gestion d’un dossier.
Des séminaires rassemblant des représentants des douanes ont déjà été organisés dans presque chacune des six régions de l’OMD. Le déroulement des séminaires s’est articulé autour d’une présentation générale du projet COPES et de ses enjeux au regard des défis auxquels les administrations des douanes sont confrontées en matière de criminalité transnationale. La formation allie à la fois théorie et pratique. Par exemple, lors du séminaire organisé à Hong Kong, Chine, une visite des entrepôts et une présentation des méthodes de travail ont permis d’illustrer, entre autres, les parties du cours relatives aux bonnes pratiques en matière de placement sous scellés des marchandises saisies ainsi que les moyens mis en œuvre pour en assurer la traçabilité.
« Même s’ils constituent un public cible privilégié, il ne s’agissait pas seulement, au niveau régional, de sensibiliser des douaniers de terrain. L’objectif était de faire connaître la formation aux décideurs douaniers en charge de la formation et de la lutte contre la fraude, d’en promouvoir les atouts, et de convaincre de l’intérêt de la déployer en mettant en lumière les avantages qu’ils peuvent en retirer à court et moyen terme. Cette formation très interactive dispose de nombreux atouts. Si elle met à disposition des participants des outils pratiques directement utilisables, elle offre également un espace de discussion propre à faire émerger des méthodes en adéquation avec des besoins locaux spécifiques », explique Gilles Thomas, le responsable du programme COPES à l’OMD.
Selon lui, « la formation s’adresse à toutes les administrations, quel que soit leur périmètre de compétences. Elle veut constituer une ouverture pour les agents en resituant l’environnement douanier dans le contexte plus général de la chaîne répressive. Avoir une telle vision leur permet aussi de valoriser leur travail. »
Deux ateliers nationaux ont jusqu’à présent été organisés : l’un au Pérou, l’autre au Sénégal. Dans les deux cas, le personnel formé étaient des agents de terrain travaillant au sein d’équipes multidisciplinaires.
La cérémonie d’ouverture au Pérou a rassemblé en juillet 2015 plus de 100 participants. La première journée a permis aux experts de l’OMD de se familiariser avec les méthodes appliquées par les agences de lutte contre la fraude actives au Port de Callao, et d’adapter la formation qu’ils allaient dispenser le lendemain.
Au Sénégal, la formation a été dispensée en février 2016 aux agents de la Cellule Aéroportuaire Anti-Trafics (CAAT) de Dakar, créée dans le cadre du Projet Aircop de l’OMD dont l’objectif est de renforcer les capacités de lutte anti-drogue dans une vingtaine d’aéroports internationaux. Ici encore, les formateurs ont tout d’abord observé les méthodes de travail, avant de passer à une phase plus théorique.
« Ils nous parlent de leurs procédures, nous les confrontons aux standards et savoir-faire adoptés par les experts COPES et engageons un dialogue avec eux, regardons en détail quelle pratique pourrait être améliorée. La formation est très interactive. Il s’agit aussi de leur donner des clés pour qu’ils développent leurs propres techniques », explique Gilles Thomas.
« La plupart des douaniers formés sont très motivés. Ils savent trouver la fraude, mais pas forcément comment bien documenter leurs constatations ou ce qui fait une preuve et comment bien la recueillir », continue-t-il.
Procédure équitable
Longtemps, tout s’est passé comme si, en matière douanière, la fin justifiait les moyens, qui consistent en l’occurrence en un renforcement considérable des pouvoirs de l’administration, tant au niveau de la recherche et de la constatation de l’infraction douanière, que de sa poursuite, ainsi que de sa sanction. Aujourd’hui, le droit douanier est contraint d’évoluer dans un mouvement général de volonté de conformité aux principes des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le droit douanier ne peut plus être exclusif des autres droits.
Parallèlement à la promotion de l’utilisation de méthodes modernes et innovantes qui puissent contribuer à alléger les frais de fonctionnement des services de lutte contre la fraude et des coûts induits parfois par une saisie, l’OMD entend, via le projet COPES, insister sur la nécessité que les systèmes en place permettent de garantir un certain degré de « procédure équitable vis-à-vis » des parties impliquées ainsi qu’un degré élevé de transparence et d’éthique afin que les parties impliquées puissent choisir la bonne option à laquelle recourir pour procéder à la résolution de la question. L’OMD préconise également l’élaboration d’un code de conduite en matière de saisies dont un modèle est disponible en annexe du Modèle de Code d’éthique et de conduite qu’elle a développé pour ses Membres.
A suivre
Les activités de formation COPES se multiplieront dans les mois qui viennent. Les équipes de lutte contre la fraude participant au Programme de contrôle des conteneurs de l’ONUCD-OMD et au programme Aircop devraient notamment en bénéficier. Le recueil COPES en lui-même sera mis à jour et le matériel pédagogique servant à la formation complété et enrichi.
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enforcement@wcoomd.org
Par l’Agence France-Presse (AFP)
Quelque 9,5 tonnes d’ivoire saisies ces dernières années en Malaisie ont été brûlées le 14 avril 2016, un geste qui, espèrent les autorités malaisiennes, dissuadera les contrebandiers qui utilisent depuis longtemps ce pays d’Asie du Sud-Est comme point de passage.
L’énorme tas de défenses d’éléphants d’Afrique, dont la valeur marchande était estimée à environ 20 millions de dollars, a été broyé puis incinéré dans un four géant à Port Dickson, dans le sud du pays.
« C’est la toute première fois que nous détruisons de l’ivoire. Nous voulons envoyer au monde un message fort disant que la Malaisie ne transige pas avec la protection des espèces en danger », a déclaré à l’AFP le ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement, Wan Junaidi Tuanku Jaafar.
Le commerce international d’ivoire est interdit depuis 1989, à de rares exceptions près, afin de lutter contre le déclin de la population des éléphants d’Afrique qui étaient encore plusieurs millions au milieu du XXe siècle contre seulement 600 000 à la fin des années 1980. Mais le braconnage et la contrebande se sont poursuivis pour répondre à la demande principalement d’Asie, en particulier de Chine, où l’ivoire est très prisé à des fins médicales et pour fabriquer des objets de décoration.
La Malaisie, signataire de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), a saisi de nombreuses cargaisons d’ivoire de contrebande ces dernières années, transportées par voie maritime et aérienne. En mars, 159 kilos d’ivoire de contrebande avaient été saisi auprès de passagers d’un avion de ligne. Selon les autorités malaisiennes, 4 624 défenses ont été confisquées entre 2011 et 2014.
Les défenses d’éléphants brûlées provenaient de 11 pays d’Afrique, allant du Ghana à la Tanzanie, a précisé Wan Junaidi. Elles ont été détruites en public pour dissuader les contrebandiers et pour répondre aux questions soulevées par les organisations de défense de l’environnement quant au devenir de l’ivoire saisi. « Aucune des saisies réalisées ne doit disparaître dans la nature. Si nous n’avons plus besoin de garder l’ivoire comme preuve, nous le détruirons », a affirmé le ministre.
Des diplomates étrangers et des défenseurs de la nature ont participé à l’événement. « Nous avons hâte de voir ces bonnes intentions traduites dans les faits par l’application d’actions concrètes ciblant les facteurs qui ont fait de la Malaisie un point de transit dans le commerce international de l’ivoire », a déclaré Kanitha Krishnasamy, directeur du programme de l’ONG Traffic en Asie du Sud-Est.
Article publié avec l’aimable autorisation de l’agence de presse AFP dont le siège est à Paris, France.
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