Point de vue

De meilleures données pour une meilleure protection des frontières

15 octobre 2017
Par Inna Kuznetsova, présidente et directrice des opérations, INTTRA

 

Tout au long de son histoire, le transport maritime océanique s’est montré lent à adopter les solutions offertes par les technologies de l’information et de la communication (TIC). Paradoxalement, cette lenteur en fait également un secteur susceptible de tirer un énorme parti de l’innovation technologique. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles INTTRA a été créée en 2001 : afin de faire entrer le processus de réservation des conteneurs dans l’ère de la numérisation. Plus de 15 ans après sa création, INTTRA gère le plus vaste réseau de transactions numériques et représente la plus grande plateforme de l’industrie du transport océanique, offrant la possibilité à ses clients d’établir des relations commerciales avec de nombreuses parties et d’exploiter pleinement leurs données afin d’améliorer leurs activités commerciales. Nous amenons la technologie au secteur du transport, aidant par la même occasion les entreprises à réduire leurs coûts et à générer plus de recettes.

Et ça marche. Plus de 700 000 commandes de conteneurs sont passées par semaine à travers notre plateforme, engageant plus de 50 transporteurs. Nous gérons plus d’un quart du volume mondial de conteneurs, et avons une visibilité accrue sur près de 40 % du commerce international des conteneurs. INTTRA dispose ainsi de grandes quantités de données : informations sur la localisation des conteneurs depuis l’entrée dans le premier terminal jusqu’au point de livraison, codes du Système harmonisé (SH) et connaissements. Nous sommes, par ailleurs, conscients de la valeur des renseignements que fournissent ces données, tant pour l’optimisation des opérations qu’au titre de la protection des frontières.

Un moment charnière

L’industrie du transport maritime accroît sensiblement son rythme d’adoption de solutions TIC. Après une longue période de surcapacité et de prix volatiles, de nombreux acteurs du commerce maritime ont en effet décidé de revoir leur modèle d’entreprise et de se focaliser davantage sur la numérisation. La réservation et le suivi numériques des conteneurs, relégués encore au rang de service facultatif il y a peu, deviennent rapidement une nécessité au titre de la compétitivité, amenant l’industrie du transport à un moment charnière où la TIC devient un moteur important de la rentabilité à long terme.

En voici une bonne illustration. Il a fallu 15 ans au secteur pour numériser la moitié de toutes les réservations de conteneurs : selon une étude récente d’American Shipper, 51 % des chargeurs traitent encore les réservations de façon manuelle. Pourtant, dans le cadre d’un nouveau processus, à savoir l’application de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), le secteur a choisi la voie numérique. La Convention stipule qu’à partir du 1er juillet 2016, un chargeur est tenu de procéder au contrôle du poids total d’un conteneur rempli, soit sa masse brute vérifiée (MBV), avec signature agréée, avant de pouvoir charger le conteneur à bord d’un navire pour exportation. Fin 2015, INTTRA a présenté l’initiative eVGM (pour e-Verified Gross Mass ou masse brute vérifiée électronique) qui vise à promouvoir la soumission électronique de la MBV et à mettre au point des normes communes pour ce processus. Cette année, comme résultat direct de cette initiative entreprise avec les plus grands transporteurs et transitaires, la grande majorité des MBV est transmise par la voie électronique.

INTTRA a relevé plusieurs tendances qui seront déterminantes pour l’avenir du transport maritime océanique et nous les passerons en revue ci-dessous.

Tout d’abord, la force des acteurs du marché est souvent définie par la taille de leurs réseaux. Or numériser des connexions individuelles, de plus en plus nombreuses, avec chaque membre de son réseau serait une approche très onéreuse. Ainsi, dans l’industrie de la chaîne logistique, la numérisation rend incontournable l’émergence de plateformes et places de marché capables de connexions « plusieurs-à-plusieurs » et prenant en charge les coûts associés à l’échange de données informatisé (EDI) entre de multiples entités.

De plus, le fait de pouvoir entreposer les données dans un nuage informatique unique permettra de mieux intégrer les flux d’activités d’une industrie du transport, qui, du fait qu’elle utilise traditionnellement différents systèmes, rate l’occasion de procéder à une analyse plus complexe des informations disponibles et d’optimiser ses processus. Nous nous attendons à l’avenir à une convergence accrue de la traçabilité et de l’optimisation du mouvement des conteneurs pour les mêmes raisons.

Les nouvelles technologies seront utilisées pour accélérer le processus. Les « chaînes de bloc », par exemple, simplifieront les processus transactionnels et réduiront les coûts, dans la mesure où elles permettront d’envoyer des informations uniquement aux parties qui doivent être impliquées, dans le cadre de transactions sécurisées. Cette nouvelle façon de procéder pourrait permettre de ne plus travailler de façon cloisonnée, mais bien d’intégrer les flux d’activité opérationnels, financiers et informationnels, et d’aider les clients en débarrassant l’industrie d’un énorme coût, tout en lui permettant d’augmenter son efficacité. Certaines des expériences pilotes menées dans le secteur aujourd’hui incluent des projets tels que le consortium coréen sur les chaînes de bloc pour la conformité du commerce et celui de la Direction générale de la fiscalité et de l’Union douanière pour le partage effectif d’informations entre la douane, les ports et les services chargés du respect de la loi.

En outre, le suivi en temps réel des conteneurs, grâce à l’Internet des objets (IdO), sera crucial pour l’amélioration de la sécurité. Les dispositifs de traçabilité apposés aux envois permettront d’avoir des données de qualité et au moment opportun et de disposer d’un compte rendu inaltérable du mouvement des conteneurs ou des marchandises. Le maître-mot est ici encore efficacité. Le recueil en temps réel de données sur la température, l’humidité et l’inclinaison a déjà cours, bien que de manière limitée. Nous nous attendons à une utilisation accrue des dispositifs de traçabilité en temps réel au fur et à mesure que la technologie deviendra de plus en plus solide et que les frais y afférents diminueront.

À l’avenir, l’analyse de ces données offrira de nombreuses opportunités et de nombreuses utilisations afin d’assurer la sécurité aux frontières. Elle permettra notamment de créer des profils de risques pour le contrôle des marchandises, d’évaluer les risques sécuritaires et de planifier les opérations, et, enfin, de mieux répondre aux catastrophes naturelles. La douane et les services gouvernementaux peuvent accéder aux données de la même manière que les partenaires d’INTTRA, par le biais d’un réseau sécurisé et d’un portail fournissant des flux de données personnalisées sur la base des exigences et des autorisations de chacune des parties.

En y regardant de plus près, les données peuvent améliorer grandement les processus de présélection, et de suivi et repérage. Par exemple, une cargaison représentant une grande menace sécuritaire, comme les engrais et les produits chimiques ménagers, peut faire l’objet d’un suivi en utilisant de manière combinée les données tirées de l’historique d’un conteneur et les codes SH. D’autres informations plus spécifiques et détaillées, par exemple qui a touché et manipulé les conteneurs au cours de leurs nombreux arrêts en transit, promettent d’accroître la sécurité.

Le vol représente une autre préoccupation pour toute l’industrie du transport maritime océanique et tous les secteurs de la logistique. La localisation et la surveillance des marchandises à haute valeur, telles que les produits électroniques, représentent notamment un domaine prioritaire. Des sources multiples de données contribuent à identifier les ports et les parcs à conteneurs dont la sécurité est renforcée, par exemple en utilisant les données d’autres sociétés telles que CargoNet et Sensitech. En même temps, INTTRA dispose d’un bon aperçu des ports dont les temps d’immobilisation (c’est-à-dire le temps d’attente des conteneurs au port avant qu’ils ne puissent être transportés à leur prochaine destination) sont plus longs, augmentant ainsi les possibilités de vol. La cartographie de ces deux sources se révèle très prometteuse pour réduire les larcins.

L’analyse des données peut également être utilisée de façon effective pour s’attaquer aux risques dits non systématiques, une incertitude qui existe au sein de tous les secteurs commerciaux et industriels, et certainement au sein de l’industrie du transport et de la logistique. Certaines données permettent aux transporteurs de mesurer l’impact d’événements tels que les grèves portuaires, de se préparer aux risques inhérents à ces événements et de planifier l’utilisation des ressources.

Préparer l’avenir

Le transport maritime océanique entre dans une nouvelle phase importante, mue davantage par les réseaux et une interconnectivité accrue. Ceux qui adoptent pleinement la technologie et choisissent des partenaires forts pour favoriser l’innovation se retrouveront du côté des gagnants. INTTRA est convaincue qu’au cours des 15 prochaines années, la TI continuera de transformer le transport océanique, changeant les processus industriels, réduisant les coûts et améliorant la sécurité. INTTRA participera à ce processus et aidera ses clients à passer les différents caps du progrès technologique en matière de numérisation, qui aboutira à l’avènement de nouveaux modèles industriels.

Nous nous réjouissons de travailler en partenariat avec la communauté douanière et de fournir des données et des informations analytiques pour renforcer la sécurité aux frontières. Aujourd’hui, notre technologie d’analyse des données alliée aux données historiques sur le fret aide les clients à prendre des décisions permettant d’économiser du temps et de l’argent pour des envois futurs. Par exemple, nous leur offrons un récapitulatif sur le nombre de fois que l’heure prévue d’arrivée a changé depuis la première réservation et quels sont les ports où les temps d’immobilisation sont les plus longs, afin d’éviter des frais supplémentaires et des retards. INTTRA peut offrir des services similaires en matière de données, basés sur les besoins des douanes et des services gouvernementaux, dans l’objectif de renforcer la sécurité des frontières.

En savoir +
Joseph Funaro
Joseph.funaro@inttra.com
www.inttra.com