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Renseignements préalables concernant le fret avant chargement : petit état des lieux

13 octobre 2017
Par Craig Clark, Branch Chief, Advance Data Programs and Cargo Initiatives, Office of Cargo and Conveyance Security, US Customs and Border Protection, Chef de division, Programmes des données préalables et initiatives relatives au fret, Service de la douane et de la protection des frontières des États-Unis, and Asha Menon, Administratrice technique principale, OMD

En octobre 2010, la police du Royaume-Uni retrouvait une bombe à bord d’un avion d’UPS après que des informations détaillées lui aient été transmises à travers les circuits des services de renseignement. Des tests ont révélé que si l’avion-cargo avait suivi son itinéraire initial, le dispositif – caché dans un colis adressé à une synagogue de Chicago – aurait explosé en plein air au-dessus de la côte Est des États-Unis. L’engin découvert au Royaume-Uni n’était que l’une des deux bombes à avoir été retrouvées. L’autre se trouvait à l’Aéroport international de Dubaï à bord d’un avion FEDEX. L’engin retrouvé à Dubaï avait voyagé à bord de deux avions de ligne sans avoir été repéré. Les deux bombes auraient pu détruire n’importe quel aéronef. Selon les services de renseignement, elles auraient été fabriquées par le réseau d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique basé au Yémen, information qui a suscité des craintes qu’un nouveau maillon faible dans la sûreté de l’aviation n’ait été découvert par les terroristes.

L’OMD a rapidement réagi à ces inquiétudes en diffusant un communiqué sur la sécurité du fret aérien en décembre de la même année, où elle soulignait à quel point il était essentiel de continuer à renforcer la coopération avec l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Association internationale du transport aérien (IATA) et les autres organisations internationales pertinentes. Cet appel a abouti à la création, en février 2011, d’un « Groupe d’experts techniques sur la sécurité du fret aérien » (GET-SFA) auquel participent des représentants d’administrations douanières, d’autorités de l’aviation civile, d’organisations intergouvernementales et du secteur privé.

Le Groupe d’experts techniques sur la sécurité du fret aérien

L’objectif sous-tendant l’établissement du Groupe était de renforcer la sécurité du fret aérien en promouvant une coopération effective au niveau national entre l’administration douanière, l’autorité de l’aviation civile et les autres parties prenantes, tout en délimitant clairement le rôle de chacun. L’idée était aussi d’exploiter les synergies entre les instruments, outils et programmes développés au niveau international par l’OMD, l’OACI et l’Union postale universelle (UPU), et, ainsi, de favoriser la normalisation des données exigées par chacune des autorités, l’alignement des programmes sécuritaires, le recours aux techniques de gestion des risques, le partage d’informations et de renseignements, et, enfin, une utilisation efficace de la technologie.

Deux thèmes revêtant une importance particulière sont au centre des discussions des réunions du GET-SFA aujourd’hui : d’une part, l’utilisation des renseignements préalables concernant le fret avant chargement aux fins de l’analyse des risques, et, d’autre part, la plus grande harmonisation possible des programmes de certification, tels que les régimes d’opérateur économique agréé (OEA) dans le domaine douanier et d’agent habilité (AH) ou d’expéditeur connu (EC) dans le domaine de l’aviation civile. Le présent article se focalisera sur le premier de ces sujets où des progrès sensibles ont été réalisés.

Du concept d’avant l’arrivée à celui d’avant le chargement

Après les incidents d’octobre 2010, les efforts se sont essentiellement concentrés sur la possibilité de changer le délai exigé pour la soumission de la déclaration et de passer d’un envoi avant l’arrivée de l’avion à destination, à un envoi avant le chargement de la marchandise à bord de l’aéronef. Cependant, les discussions initiales avec les interlocuteurs du secteur privé ont montré qu’il leur serait très difficile d’envoyer aussi tôt dans le temps l’ensemble des données exigées. Dès lors, plusieurs pays ont décidé de tester la soumission d’un jeu de données réduit et d’en jauger l’utilité pour garantir un premier niveau d’analyse permettant de répondre aux risques immédiats, par exemple à la présence d’une bombe dans un chargement. Les États-Unis ont ainsi lancé un pilote appelé ACAS (Air Cargo Advance Screening), l’Union européenne le projet PRECISE (Pre-loading Consignment Information for Secure Entry) et, enfin, le Canada a élaboré le PACT (Pre-load Air Cargo Targeting).

Au vu des avancées significatives réalisées dans le cadre des différents pilotes, le GET-SFA s’est donné comme objectif d’élaborer des normes internationales concernant les données échangées et a insisté notamment sur la nécessité d’une harmonisation en matière de données afin d’éviter les doubles emplois. L’expression « Renseignements préalables concernant le fret avant chargement » (RPCF-AC) a été adoptée pour y faire référence.

Ces normes pour la soumission de RPCF-AC par différentes entités dans la chaîne logistique du fret aérien, dont les opérateurs postaux, ont été ajoutées au Cadre de normes SAFE de l’OMD visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial en 2015. Le document stipule clairement que la soumission de renseignements préalables concernant le fret doit se faire « aussitôt que l’information est disponible mais au plus tard avant le chargement de l’avion ». Il établit, en outre, la liste dite 7+1 d’éléments de données à soumettre, qui sont nommément le nom de l’expéditeur, l’adresse de l’expéditeur, le nom du destinataire, l’adresse du destinataire, le nombre de colis, le poids brut, une description sommaire du fret, ainsi que l’identifiant de la lettre de transport aérien (c’est-à-dire de la lettre de transport aérien interne – LTA fille – et/ou de la lettre de transport aérien principale – ou LTA mère). Concernant ce dernier, l’identification du déclarant des données doit être fournie avec le numéro de la LTA fille et/ou de la LTA mère selon le modèle opérationnel du fret aérien. Toutefois, les envois postaux ne seront pas accompagnés d’une LTA fille ou mère puisqu’ils disposent de leur propre identification unique qui peut être utilisée de la même manière que les LTA pour identifier un envoi.

Mise en œuvre

Conscientes qu’elles ne pouvaient pas travailler sur ces questions de manière isolée, l’OACI et l’OMD ont décidé de créer un « Groupe de travail mixte sur les renseignements préalables concernant le fret » (GTM-RPCF) en 2014. Ce groupe est composé de 18 membres représentant à part égale les deux organisations internationales, ainsi que de six délégués représentant les interlocuteurs principaux. Le but du groupe est de dégager, sur la base des résultats des projets pilotes en cours, les meilleures pratiques concernant le partage et l’utilisation des RPCF-AC à des fins d’analyse des risques par la douane et les autorités de l’aviation civile.

Le GTM-RPCF est co-présidé par l’UE (représentant les douanes) et Singapour (représentant les autorités de l’aviation). Les Membres des douanes incluent l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, le Brésil, le Canada, les États-Unis, le Nigeria, la Nouvelle-Zélande et la Turquie tandis que le secteur de l’aviation est représenté par l’Afrique du Sud, le Canada, les États-Unis, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Sénégal et la Suisse. Les autres parties représentées sont notamment la Global Express Association (GEA), l’IATA, la Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés (FIATA), l’Association internationale du fret aérien (TIACA), et l’UPU.

Une démarche en deux temps a été adoptée au sein du GTM-RPCF. La première phase, qui s’est terminée en 2015, a porté sur l’étude des projets pilotes en cours et sur l’évaluation des coûts, des bénéfices, des défis et de l’impact sur la sûreté de l’aviation et sur ses opérations. La deuxième phase, toujours en cours, se centre davantage sur les aspects techniques liés à l’identification des éléments de données et aux processus et méthodes pour leur recueil, partage et utilisation. Seul un rapport intérimaire a été soumis en 2016, les membres du GTM-RPCF estimant que certains aspects de la deuxième phase exigeaient des travaux approfondis.

Progrès réalisés

En février 2017, lors d’une discussion sur les RPCF-AC, les délégués du GTM-RPCF ont convenu que le risque était encore bel et bien présent, bien que sept ans se soient écoulés depuis les incidents d’octobre 2010, et que les différents services devaient continuer à collaborer afin d’atténuer les risques potentiels que fait peser le transport aérien du fret. Par ailleurs, il a également été souligné que le succès des projets pilotes ne doit pas être mesuré de façon quantitative, c’est-à-dire à l’aune de la découverte d’un engin explosif improvisé dans un envoi. Un programme de RPCF-AC offre de nombreux avantages difficiles à mesurer. Il permet, par exemple, de gagner en visibilité sur la chaîne logistique, d’instaurer des liens de communication avec l’industrie, de garantir la prévention et une meilleure gestion des incidents, etc. Il constitue aussi un outil supplémentaire pour la détection d’envois suspects.

Le GTM-RPCF s’est réuni à cinq reprises jusqu’à aujourd’hui. Le prochain cycle de réunions se centrera sur la conclusion de la deuxième phase de travail et la publication d’un rapport final et complet. Entre-temps, l’UE a introduit en mai 2016 une nouvelle législation exigeant la soumission de RPCF-AC, qui devrait devenir effective en 2020. Dans le cadre des préparatifs pour en assurer l’application harmonieuse, un essai a été mené sur deux jours visant à tester la transmission des données avant chargement et des messages de réponse de la douane, en coopération avec la KLM Royal Dutch Airlines. Les données du système de KLM ont été envoyées vers une plateforme de test gérée par la Douane néerlandaise par le biais d’un logiciel que KLM a développé spécifiquement à cet effet. Les données ont été analysées par un moteur de risques, alimenté préalablement avec des profils de risque factices. Lorsque des problèmes liés à la qualité des données surgissaient ou que l’analyse des risques donnait un résultat positif, les envois identifiés apparaissaient à l’écran et le responsable désigné devait alors décider de prendre l’une de ces deux actions : envoyer une demande d’information ou une demande de contrôle. Un message était alors envoyé au système de KLM. Des simulations mettant en scène un transitaire dans le rôle de l’opérateur effectuant une saisie de données ont également été réalisées.

Les États-Unis ont également élaboré un texte afin de faire des prescriptions du projet pilote ACAS un régime règlementaire permanent. Entre-temps, leur projet pilote a été prorogé de douze mois supplémentaires, jusqu’au 26 juillet 2018. Le Canada, lui, continue d’affiner les concepts de son initiative pilote PACT. Enfin, un projet japonais a vu le jour en août 2016 avec la participation de quelques lignes aériennes. Il se fonde sur le recours aux éléments de données 7+1 et, en principe, sur la soumission de ces données le plus tôt possible avant que le fret ne soit chargé à bord d’un aéronef.

Résultat attendu

L’OMD aimerait souligner que le travail réalisé n’aurait pu voir le jour sans la coopération étroite et sans la bonne volonté de toutes les parties impliquées. L’OMD espère que le rapport final du GTM-RPCF pourra être soumis pour adoption aux délégués de la Commission de politique générale et du Conseil, lors de leurs sessions en juin 2018. Le rapport devrait passer par une procédure similaire au sein de l’OACI.

 

En savoir +
facilitation@wcoomd.org

Le partenariat OMD-OACI, une collaboration continue

Outre les travaux visant à affiner le concept de RPCF-AC, l’OMD et l’OACI ont lancé plusieurs projets basés sur un Plan d’action conjoint, qui a été rendu public pour la première fois en 2012 et qui a été révisé en 2017.

Publications

Une brochure intitulée « Acheminer le fret aérien dans le monde entier » a été publiée en 2013 dans le but de présenter les cadres réglementaires régissant la chaîne logistique internationale du fret aérien et postal, ainsi que le rôle et les responsabilités de l’OMD, de l’OACI, de l’UPU, de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), des autorités nationales et des acteurs du secteur de l’aviation. La deuxième édition inclut un nouveau chapitre sur les implications économiques liées au transport de fret aérien.

Ateliers

Un module conjoint de formation pour les fonctionnaires des douanes et de la sûreté de l’aviation visant à améliorer leur compréhension de la chaîne logistique internationale du fret aérien, de leur rôle respectif et de celui d’autres acteurs importants, a déjà été utilisé pour former les fonctionnaires dans des pays des régions Asie-Pacifique, Europe, Afrique du Nord, et Proche et Moyen-Orient.

Alignement des programmes sécuritaires

Dans le cadre du travail sur l’harmonisation des programmes de certification, par exemple entre programmes OEA et AH/EC, il est prévu de publier un document d’orientation qui offre un cadre permettant la comparaison détaillée des deux régimes de sécurité ainsi qu’un modèle de programme de sécurité conjoint OEA/AH. Un projet pilote doit être mené au Mexique et l’élaboration de ces outils suivra.

Conférences

Trois conférences conjointes sur la question du « Renforcement de la sûreté et de la facilitation du fret aérien » se sont tenues dans le but de stimuler les débats sur la façon dont les douanes, les autorités de l’aviation civile et les autres acteurs concernés pourraient travailler ensemble pour répondre aux préoccupations sécuritaires et dans le but d’identifier les solutions pratiques et durables permettant de relever les défis identifiés. Une quatrième édition de la conférence est prévue en 2018.