Les douanes face à la COVID-19 : le cas de l’Ouganda
17 juin 2020
Par Kateshumbwa Dicksons, ancien Directeur général de la Douane d’OugandaAprès 14 ans de bons et loyaux services, Kateshumbwa Dicksons a quitté l’Uganda Revenue Authority il y a quelques semaines. Dans le présent article, il revient sur l’expérience de la Douane ougandaise face à la pandémie de COVID-19.
Depuis l’an 2000, l’Ouganda a connu des flambées répétées de fièvres virales hémorragiques : cinq épidémies d’Ebola et trois de fièvre hémorragique de Marburg. À chaque épisode, les taux de mortalité ont été estimés entre 25 % et 90 %. Aucun n’a pourtant abouti à la crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui avec la COVID-19 !
Les premiers cas de ce que le monde a ensuite désigné sous le nom de coronavirus (COVID-19) ont été détectés en Chine vers la fin de l’année 2019 et, en moins de trois mois, la maladie est devenue une pandémie touchant pratiquement l’intégralité du globe et affectant tous les secteurs de nos économies ! Pour citer la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), « jamais dans l’histoire du FMI nous n’avons vu l’économie mondiale s’arrêter de la sorte. C’est bien pire que la crise financière mondiale ».
Les gouvernements ont adopté plusieurs politiques et mesures pour endiguer la propagation de cette maladie hautement infectieuse et plusieurs ont décidé de mettre en place un régime de confinement de leur population. Après que de nombreux pays voisins ont confirmé la présence de cas de COVID-19, le gouvernement ougandais a commencé à prendre des mesures strictes pour réduire les rassemblements de personnes, en commençant par la fermeture des institutions d’éducation et l’interdiction pure et simple de tous les événements à caractère politique, culturel, social et religieux réunissant plus de 10 individus.
Lorsque le premier cas de coronavirus a été signalé le 22 mars 2020, d’autres mesures plus rigoureuses ont été adoptées, passant notamment par la restriction, puis la proscription de tous les déplacements internationaux et locaux de voyageurs et une interdiction de circuler la nuit (couvre-feu). Les activités des entreprises ont également été limitées aux services jugés essentiels et seuls les travailleurs des secteurs dits « stratégiques » ont obtenu la permission de sortir de chez eux pour exercer leurs fonctions. L’Ouganda adoptait ainsi pour la première fois des mesures radicales face à une épidémie.
La Douane étant considérée comme un service essentiel, nous avons dû continuer de travailler et relever de nombreux défis. Au sein de l’équipe de direction, nous avons décidé de commencer par faire en sorte que notre personnel soit bien protégé, avant d’assurer ensuite la continuité de la chaîne logistique et des affaires, tout en mettant l’accent sur une prudence extrême afin d’empêcher la propagation du virus. Sur base de notre propre expérience et de celle des autres pays membres de l’OMD, l’Ouganda a adopté les mesures qui suivent.
Personnel
On dit parfois que, si les leaders d’une organisation sont incapables de servir leur propre équipe, tant les clients que l’organisation en pâtissent. Dans la lignée des orientations des autorités sanitaires, nous avons décidé de travailler en personnel restreint dans les bureaux afin d’assurer une distanciation sociale entre les agents, en permettant à certains de travailler à domicile. Nous avons mis à la disposition des agents qui n’étaient pas confinés chez eux des équipements de protection individuelle adéquats, des désinfectants pour les mains, des installations pour leur permettre de se laver les mains, des thermomètres frontaux à infrarouge et des masques de protection faciale. Nous avons également dû nous assurer que les informations relatives à la COVID-19 soient relayées à notre personnel à travers tous les canaux de communication disponibles, notamment les réseaux sociaux.
Gestion des frontières et mouvement du fret
Les frontières et l’aéroport sont restés fermés au trafic des passagers ; seuls les mouvements de marchandises ont été permis, et uniquement suivant des modalités spécifiques. Les opérateurs de transport ont dû se soumettre à des tests de dépistage de la COVID-19 et le mouvement des camions a été contrôlé grâce au Système électronique régional de suivi du fret (RECTS) qui est un arrangement collaboratif passé entre les autorités douanières du Kenya, du Rwanda, de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda pour suivre de manière effective les camions en transit. Nous voulions par ce biais nous assurer que les opérateurs autorisés n’entrent pas en contact avec la population.
Appui à l’économie
L’Ouganda a introduit des allègements fiscaux et les exonérations fiscales ont été élargies à seize fournitures médicales en rapport avec la COVID-19. Nous avons également prévu une prorogation de la période accordée pour le paiement des droits, suspendu la vente aux enchères des marchandises ayant dépassé la période autorisée de séjour et dispensé les opérateurs des pénalités découlant des retards causés par la COVID-19 pour les marchandises en transit, dans les cas de dépassement de la durée de séjour pour les titulaires de carnet et de dépassement de la durée d’importation temporaire pour les véhicules automobiles.
Enseignements tirés
Entre le 22 mars 2020, date à laquelle le premier cas a été signalé, et le 20 mai 2020, l’Ouganda avait enregistré 145 cas de personnes infectées, dont 65 ont retrouvé la santé, et aucun décès. En comparaison, durant la même période, 2 455 cas étaient dénombrés au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est et 5 112 010[1] au niveau mondial. Sur la base de l’expérience du pays face aux épidémies, et en particulier face à la maladie dévastatrice de la COVID-19, l’Ouganda a su tirer quelques enseignements, que nous présentons ci-après.
La sécurité d’abord
Rien n’a plus d’importance que de préserver la vie. La douane étant un service de première ligne aux frontières et aux aéroports, les douaniers s’exposent constamment aux infections et à de nombreux autres accidents du travail, qui exigent qu’ils se soumettent régulièrement à des examens de routine pour vérifier leur état de santé. Il est nécessaire d’investir dans la sécurité du personnel au travail.
Une gestion collaborative
Un leadership efficace se fonde sur la collaboration et les synergies, en tenant compte de nos différentes spécialités. La COVID-19 a encore une fois souligné qu’il est nécessaire de construire des partenariats stratégiques et une relation de collaboration avec les autres services gouvernementaux, avec les acteurs du secteur privé et avec les autres administrations douanières. En Ouganda, après l’interdiction des déplacements de voyageurs à l’entrée et à la sortie du pays, les camionneurs sont devenus la plus grande source d’infection par la COVID-19. Le Système électronique régional de suivi du fret (RECTS) a énormément contribué aux efforts de l’Ouganda pour juguler la transmission de la maladie par ce biais. Il nous a aidés à réduire et à surveiller les contacts des camionneurs avec les communautés.
Exploiter la technologie
« Restez chez vous » : tel a été le plaidoyer lancé par les gouvernements de nombreux pays à leurs citoyens, dans un effort pour gérer la propagation de la COVID-19. La Douane ougandaise a pourtant dû maintenir une petite présence douanière pour faciliter le mouvement des marchandises, notamment des fournitures utilisées dans la lutte contre cette maladie.
En utilisant des plates-formes en ligne pour gérer les demandes et les questions des clients, en plus des systèmes de gestion douanière reposant sur Internet, la Douane a pu préserver une certaine forme de normalité, en mettant notamment à contribution ses effectifs travaillant depuis chez eux. Afin de compenser la réduction du nombre de ses agents autorisés à travailler sur le terrain, l’Ouganda a également recouru de manière accrue aux appareils d’inspection non intrusive (INI) et au RECTS afin de combler les lacunes.
L’adversité a montré à quel point il est essentiel d’investir davantage dans la technologie. La nouvelle normalité post-COVID-19 pourrait passer par une présence physique moindre et par moins d’interactions.
En attendant le retour de jours meilleurs
La pandémie de COVID-19 a montré que nous étions bien un village planétaire et a mis en lumière notre vulnérabilité collective face à de telles catastrophes. Il n’est pas déraisonnable de penser que cette épidémie ne sera pas la dernière. Par conséquent, je ne peux qu’encourager toutes les administrations des douanes à mettre à profit les enseignements tirés par les uns et les autres. L’histoire nous a appris que, quels que soient la durée de la COVID-19 et les dégâts qu’elle pourra causer, des temps meilleurs reviendront.
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[1] https://www.ubos.org/wp-content/uploads/publications/05_2020UBOS-BULLETIN-22-n.pdf