Pouvoir, c’est vouloir : Comment l’OMD renforce les capacités de contrôle des échanges de nature stratégique
17 juin 2020
Par James McColm, Malik Ghulam Ali, Adam Vas, Peter Heine and Debika Pal, OMDOn dit souvent que vouloir, c’est pouvoir mais l’inverse est tout aussi vrai : améliorer les capacités des administrations des douanes à comprendre et à mettre en œuvre les règlementations peut influencer leur volonté de les faire respecter. En mettant au point et en disséminant des méthodes et des outils visant à rendre les contrôles des échanges de nature stratégique effectifs et efficaces, l’OMD pourrait contribuer à faire en sorte que les administrations douanières soient davantage disposées à renforcer leurs contrôles dans ce domaine. Le présent article se penche sur la démarche de l’OMD en la matière et fait le point de ses réalisations à ce niveau.
Tous les pays doivent honorer divers engagements pris au niveau international au titre de la non-prolifération. Parmi ceux-ci figurent des traités, des sanctions et des arrangements multilatéraux informels qui, tous, impliquent certaines responsabilités pour empêcher la dissémination incontrôlée des technologies liées aux armes de destruction massive (ADM), notamment auprès d’organisations ou d’acteurs non autorisés ou non étatiques. L’un de ces instruments internationaux est la Résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en 2004 suivant les révélations concernant le réseau de prolifération d’Abdul Qadir Khan, et dans le contexte sécuritaire suivant les attaques du 11 septembre. La résolution constitue l’instrument allant le plus loin dans la définition d’une liste commune de mesures que les États doivent prendre concernant les contrôles des échanges de nature stratégique, dont elle appelle, du reste, à la pleine application d’ici à 2021.
Conformément à ce texte, tous les pays devraient donc avoir mis en place un système de contrôle des échanges de nature stratégique visant à gérer le transfert de matières, de technologies ou d’équipements sensibles susceptibles d’être utilisés dans des systèmes d’armement. Certains de ces produits ont des applications tant civiles que militaires et sont, par conséquent, désignés comme des produits à double usage. Les lois et règlementations nationales déterminent l’ensemble des marchandises qu’un pays considère comme stratégiques (généralement sous la forme d’une liste de produits, assortie d’une clause fourre-tout permettant aux pouvoirs publics de contrôler, dans certaines circonstances, des produits qui n’y figurent pas), et définissent, par la même occasion, le régime de licence imposé ainsi que les sanctions et les pénalités en cas de violations. Dans un système de contrôle des échanges de nature stratégique bien rôdé, les entreprises gérant une transaction introduisent une demande de permis ou de licence, conformément à la législation, et prennent de leur propre initiative toutes les mesures nécessaires au respect de leurs obligations. Toutefois, la conformité peut ne pas être parfaite et les services chargés de l’application des lois doivent détecter les cas de non-respect de la législation, prendre les mesures dissuasives qui s’imposent et, idéalement, empêcher toute violation.
La douane est généralement la principale agence chargée de s’assurer de la conformité des transactions à la frontière, sans pour autant être la seule. Selon la situation des pays, cette tâche est parfois difficile, surtout pour ce qui a trait aux produits à double usage. Comme l’explique Renaud Chatelus dans un article publié dans un numéro précédent du magazine, « La détection aux frontières de matières nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) par les portiques de détection de rayonnement, scanners et autres équipements de détection, relativement bien connue des services douaniers, ne constitue qu’une partie de l’éventail des contrôles à mettre en place. En effet, parmi les nombreux biens de nature stratégique, on compte beaucoup d’équipements ou de matériels industriels et scientifiques à double usage définis par des spécifications techniques qui apparaissent non pas sur des écrans de contrôle mais dans des documents techniques. » Les difficultés quant au contrôle des produits à double usage se font, en outre, particulièrement ressentir dans les pays constituant des points de transit ou de transbordement pour ce commerce, comme l’explique la Douane de Lituanie dans un article paru dans l’édition d’octobre 2019 du magazine.
Les échanges stratégiques à l’OMD
Lors de la 31e session du Comité de la lutte contre la fraude de l’OMD, en mars 2012, plusieurs administrations avaient pris la parole pour attirer l’attention des délégués sur les problèmes qu’elles rencontraient dans l’application effective des contrôles sur les produits stratégiques, appelant le Secrétariat de l’OMD à se mobiliser davantage pour les aider. Pour répondre à cette demande, une équipe d’experts avait été créée dans le cadre d’un « Projet sur l’application des contrôles sur les échanges stratégiques » (Projet ACES). Un Guide de mise en œuvre [i] et un programme complet de formation avaient été mis au point, des séances de formation avaient été organisées et, en 2014, une opération de lutte contre la fraude avaient été menée sous le nom de code d’Opération Cosmo.
Le projet est très vite devenu un programme à long terme. D’autres formations ont suivi, ainsi qu’une deuxième opération Cosmo, en 2018, qui représente à ce jour la plus grande opération jamais organisée par le Secrétariat de l’OMD, avec la participation de 114 pays et de nombreuses organisations internationales telles que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le Centre commun de recherche de la Commission européenne, le Comité 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, et INTERPOL.
Outils de renforcement des capacités
Selon l’ONU, le développement des capacités désigne le processus par lequel les individus, les groupes, les organisations et les sociétés développent leurs capacités pour : 1) assurer leurs fonctions essentielles, résoudre les problèmes et atteindre leurs objectifs ; 2) comprendre leurs besoins en matière de développement et y répondre dans un contexte plus large et de manière durable.[ii] Il s’agit donc d’un projet que les organisations mènent elles-mêmes et non d’un projet qui est mené à leur place. Certes, elles peuvent demander et obtenir une assistance mais le renforcement des capacités doit être entrepris par la structure cherchant à améliorer ses capacités.
Le programme de formations qui a été mis au point par l’OMD à l’intention des administrations souhaitant renforcer leurs capacités se compose de réunions préparatoires à l’adresse des cadres supérieurs abordant la manière de renforcer les contrôles, et de modules destinés au personnel de terrain couvrant les matières chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires ainsi que les produits et les équipements à double usage. Il inclut aussi des modules de formation sur l’application des techniques de gestion des risques et de contrôle a posteriori dans le contexte des contrôles des échanges de nature stratégique.
Le programme est conçu de manière modulaire et peut être adapté aux besoins d’une administration en matière de renforcement des capacités et au type d’échanges commerciaux qu’elle traite. Un « modèle de maturité » aide l’administration douanière à relever les failles dans son système national de contrôle des échanges de nature stratégique et propose des mesures qui peuvent être mises en place pour y remédier.
Il convient de noter ici que la douane intervient selon des pouvoirs et compétences qui lui sont conférés dans les règlementations nationales qui donnent effet aux obligations internationales d’un pays, comme une loi sur le commerce de produits stratégiques ou encore des ordonnances concernant les contrôles à l’exportation, où sont répertoriées les marchandises qui sont soumises à un régime de licence ou de permis à l’exportation délivrés par une autorité de réglementation tierce. Or certains pays ne prévoient pas de telles bases légales nationales pour retenir ou saisir les produits reconnus comme devant faire l’objet de contrôles au niveau international. Bien que la douane ait le pouvoir d’inspecter ces marchandises, en l’absence d’une législation nationale spécifique, dans ces pays, il lui est souvent difficile de prouver légalement qu’une restriction s’applique à un envoi donné.
Les responsables du programme sur l’application des contrôles sur les échanges stratégiques utilisent aussi le « modèle de maturité » pour orienter la formation. Par exemple, les administrations dont le système de contrôles repose sur un socle légal solide peuvent se diriger vers une formation visant à mettre à niveau les compétences de leur personnel opérationnel, tandis que les administrations ne disposant pas d’une législation nationale adaptée peuvent d’abord choisir de sensibiliser leurs cadres supérieurs et les décideurs, le but étant de permettre à ces derniers d’élaborer un plan en vue de l’adoption d’une règlementation adéquate.
Lors de l’évaluation des besoins en matière de renforcement des capacités, il est également nécessaire de comprendre la façon dont un pays pourrait être impliqué dans le commerce illicite de produits stratégiques, compte tenu des flux commerciaux qui s’y opérent. En effet, si tous les pays sont susceptibles de détenir l’un ou l’autre élément utilisé pour la fabrication des ADM, nous pouvons distinguer ceux qui fabriquent ou possèdent des ADM et/ou leurs éléments, ceux qui se spécialisent dans la fabrication des éléments, ceux qui conservent des stocks de ces éléments et encore ceux qui ne voient que passer ces éléments sur leur territoire, mais qui pourraient servir de points de détournement.
Pour fournir une vue d’ensemble de la situation et appuyer initialement l’opération Cosmo, un Atlas[iii] des échanges de nature stratégique a été mis au point par l’Argonne National Laboratory du Département de l’énergie des États-Unis et par le Centre commun de recherche de l’Union européenne. L’ouvrage liste, pour chaque pays, les importations et exportations réalisées pour les produits classés dans les positions du Système harmonisé[iv] (SH) associées aux biens de nature stratégique ainsi que les partenaires commerciaux correspondant à ces marchandises. L’OMD utilise ces informations pour personnaliser la formation en l’adaptant aux produits les plus pertinents pour les participants. Les administrations des douanes peuvent également utiliser cet atlas afin de cibler les entreprises qui doivent être sensibilisées sur la question ou qui doivent faire l’objet d’un contrôle, ou encore afin d’élaborer des profils de risque.
Formateurs ACES
Le Secrétariat de l’OMD ne dispose pas du personnel ou des ressources suffisantes pour mener des formations dans tous les pays qui demandent son assistance. Il compte à cet effet sur l’aide d’experts nationaux qu’il accrédite. Le processus de recrutement des experts se déroule comme suit : le Secrétariat envoie une lettre aux Membres de l’OMD les invitant à nommer un membre de leur personnel qui répond à un profil bien spécifique afin qu’il participe à un atelier d’accréditation ; à la fin de l’atelier, les participants sont évalués et ceux dont les connaissances et aptitudes sont validées sont invités à poursuivre le processus en participant à une mission de renforcement des capacités avec un expert déjà accrédité.
Invitée à décrire le processus de recrutement des experts du programme sur l’application des contrôles sur les échanges stratégiques (ACES), Vesna Vrachar, formatrice ACES de la Douane serbe, explique que ce dernier « est très complexe et exige une préparation approfondie et beaucoup de travail. Le programme de formation est très détaillé et les formateurs doivent assimiler un vaste ensemble d’ouvrages pratiques spécialisés. » Elle souligne aussi comment le fait de former les autres a contribué à renforcer sa propre compréhension de la problématique : « au cours de la formation ACES, nous essayons d’instaurer un dialogue avec les participants. Ils ne doivent pas seulement apprendre de nous ; nous aussi, nous avons énormément de choses à apprendre d’eux. La formation offre la possibilité de transférer nos connaissances et d’échanger nos expériences sur l’application des contrôles. » Leila Barrahmoun, de la Douane marocaine, achève actuellement son accréditation. Interrogée, elle fait observer à quel point elle a appris durant le processus et explique qu’elle s’est rendu compte qu’un « bon formateur doit non seulement être qualifié mais aussi ouvert d’esprit, patient et rassurant. »
L’OMD compte aujourd’hui plus de 100 experts accrédités ou pré-accrédités ACES dans plus de 50 pays. La formation peut actuellement être menée dans quatre langues, à savoir en anglais, en français, en espagnol et en portugais, et elle sera disponible en arabe fin 2020.
Le Secrétariat de l’OMD se donne pour objectif d’assurer l’égalité de genre dans le recrutement des formateurs. Durant son dernier atelier de formation des formateurs ACES, les femmes représentaient plus de la moitié des agents choisis pour poursuivre le processus d’accréditation. En septembre 2019, la proportion parmi les formateurs accrédités de l’OMD était de deux hommes pour une femme, mais, au cours des trois prochaines années, le Secrétariat espère arriver à une réelle parité entre les sexes dans son vivier d’experts formateurs.
Opérations de lutte contre la fraude
Les opérations contribuent à plusieurs objectifs. Elles représentent notamment pour les agences participantes une véritable mise à l’épreuve de leurs capacités individuelles et collectives.
L’opération Cosmo 1 a surtout permis au Secrétariat de sensibiliser les administrations des douanes à leurs obligations concernant les contrôles sur les échanges de nature stratégique et de mettre en lumière les défis opérationnels et les besoins en matière de renforcement des capacités. Les informations recueillies durant l’opération ont ainsi permis d’affiner la formation et les efforts de renforcement des capacités qui ont suivi. Elles ont aussi contribué à planter le décor pour l’opération Cosmo 2 menée en 2018.
Cette deuxième opération a permis aux administrations participantes de tester, une fois de plus, leur capacité à détecter les envois illégaux et de s’habituer à partager les renseignements sur les envois suspects en utilisant le STRATComm, la plateforme de communication sécurisée de l’OMD pour les cas impliquant les produits de nature stratégique.
De nombreux pays ont souligné à quel point les cours qu’ils avaient suivis durant la période de préparation précédant l’opération leur avaient été utiles, en particulier ceux sur les contrôles par audit, sur la gestion des risques et sur l’analyse des produits stratégiques. Beaucoup ont également apprécié d’avoir pu communiquer très facilement avec les autorités douanières d’autres pays à travers le STRATComm.
Les pays ont aussi fait rapport des défis qu’ils ont rencontrés, comme leur besoin d’améliorer leur gestion des risques concernant les produits stratégiques, l’absence de législations au niveau national, l’absence de soutien technique rapide et fiable en cas de questions, et le besoin de continuer à former du nouveau personnel aux contrôles sur les échanges de nature stratégique.
Enfin, Cosmo 2 a permis au Secrétariat de l’OMD de mieux comprendre les aspects pour lesquels les pays doivent passer de la théorie à la pratique de terrain, et d’établir, avec les pays participants, une feuille de route pour les travaux futurs.
Le Système harmonisé (SH)
L’un des plus grands défis auquel sont confrontées les entreprises et les douanes dans l’application de la réglementation sur les échanges de nature stratégique tient au fait que les listes de contrôle ne tiennent généralement pas compte des positions tarifaires douanières. L’inverse est aussi vrai : à quelques exceptions près concernant les réacteurs nucléaires ou l’une ou l’autre matière nucléaire, les tarifs douaniers ne tiennent pas compte des définitions des listes de contrôle (voir à ce sujet l’article de Renaud Chatelus, mentionné plus haut, paru dans l’édition d’octobre 2012 du magazine).
Pour pallier la situation, le Secrétariat de l’OMD a demandé au Comité du SH de l’Organisation d’introduire une série d’amendements à la Nomenclature du SH concernant les articles à double usage qui s’avèrent difficiles à classer dans le SH au niveau des codes à six chiffres ou qui sont classés dans des sous-positions résiduelles avec d’autres produits courants. Tous les amendements proposés ont été approuvés par le Conseil de l’OMD en juin 2019 et sont inclus dans la version 2022 de la Nomenclature du SH.
The following 16 dual-use goods now have their own six-digit position in the 2020 edition of the HS:
- Certain radioactive materials
- Micro-organisms and toxins
- Tow of Aramids
- Carbon fibres
- Crucibles of tantalum
- Bismuth of high purity
- Nuclear grade zirconium
- Hafnium and rhenium
- Biological safety cabinets (Class III)
- Freezer dryers and spray dryers
- Isostatic presses
- Industrial robots designed for handling explosives and radioactive materials
- Electron beam melting furnaces, plasma atomization and melting furnaces and vacuum arc remelting furnaces
- Radiation-hardened cameras, image intensifier (night vision) cameras and high-speed cameras
- Unmanned aircraft
- Mass spectrometers (spectrographs)
Mesurer l’efficacité du programme
Les données suivantes permettent de jauger l’efficacité du programme ACES et son impact :
- L’opération Cosmo 2 a mobilisé 114 pays, ce qui en fait l’opération de l’OMD la plus aboutie en termes de participation.
- Un réseau mondial de formateurs ACES a été créé pour appuyer les activités du Secrétariat.
- De nombreuses administrations ont commencé à former leur personnel sans l’assistance du Secrétariat et certaines écoles et académies douanières ont adopté le matériel de formation ACES mis au point par l’OMD.
- Le programme de cours de l’OMD et le guide de mise en œuvre sont utilisés par d’autres organisations qui forment les agents des services de répression de la fraude, notamment par l’Initiative de sécurité contre la prolifération (Proliferation Security Initiative ou PSI) et par les Programmes d’information sur le contrôle des exportations mis au point par l’Union européenne et les États-Unis.
- Certains pays ayant reçu une assistance ont pris des initiatives propres, créant par exemple une unité ou des cellules de ciblage spécialement dédiées à la non-prolifération, et menant régulièrement des formations et des opérations de lutte contre la fraude spécifiquement axées sur les produits stratégiques.
Deux expériences nationales, à savoir celle du Royaume-Uni et du Pakistan, illustrent bien l’impact qu’a pu avoir le programme dans certains pays.
Parmi les experts accrédités par l’OMD figurent des agents britanniques travaillant au sein de la Border Force, dans l’équipe de lutte contre la prolifération basée à l’aéroport de Heathrow, et au sein de l’Administration des recettes fiscales et des douanes (HMRC). Une fois leurs agents accrédités, les deux administrations ont décidé de lancer une campagne nationale de mise à niveau des compétences dans le domaine des contrôles des échanges de nature stratégique. Au cours de plusieurs ateliers de formation, les experts britanniques accrédités par l’OMD ont travaillé avec les agents de la Border Force déployés à différents ports et aéroports, ainsi qu’avec les agents du pôle de dédouanement national de la HRMC qui définissent et surveillent les profils concernant les produits stratégiques. Outre le matériel d’orientation et de formation de l’OMD, les formateurs disposaient des évaluations réalisées par le Service du risque et du renseignement de la HMRC concernant les risques inhérents à chacun des ports et des aéroports selon les marchandises qui y sont échangées. Ils ont dès lors pu adapter la formation selon les points d’entrée et de sortie où travaillaient les agents. La formation était exhaustive et s’est en outre attardée sur les procédures locales de rétention et de saisie, et sur les facteurs déterminants à l’échelon national et international qui imposent un contrôle effectif des échanges de nature stratégique.
Quant au cas du Pakistan, il illustre comment les efforts visant à améliorer les contrôles sur les biens stratégiques ont abouti à des réformes structurelles importantes dans certains pays. En juin 2016, un premier agent pakistanais participe à un atelier d’accréditation. Il est suivi par de nombreux autres dans les deux années qui suivent. L’administration met alors sur pied un impressionnant programme de formation sur l’application des contrôles sur les échanges stratégiques. Les nouvelles recrues sont systématiquement formées et le programme de cours sur le contrôle des échanges stratégiques est incorporé aux différentes formations dispensées aux agents en milieu de carrière et aux premiers échelons, qu’ils travaillent au niveau de l’administration ou sur le terrain en première ligne. Des ateliers nationaux sont également organisés, avec et sans l’assistance du Secrétariat de l’OMD. Ils réunissent cadres douaniers, fonctionnaires de terrain, importateurs et agents en douane. Fin 2018, 83 cadres douaniers, 299 douaniers de première ligne et 1 232 importateurs et agents en douane y avaient participé.
Grâce à la coopération de l’équipe de direction de la Douane, le 4 septembre 2018, une Unité nationale de non-prolifération (NCPU) est créée à Karachi ainsi qu’une Cellule de formation dans la lutte contre la prolifération qui est, elle, déployée au Centre national de formation. Dans la droite ligne des directives de l’OMD concernant l’application des contrôles sur les échanges stratégiques, l’Unité a pour mission de créer des équipes chargées de la non-prolifération dans tous les bureaux de douane locaux dédouanant les exportations, de mettre à jour le système national de gestion des risques, d’appuyer la Direction générale du contrôle a posteriori dans le choix des sociétés devant être contrôlées et dans la conduite des audits, et de coordonner les activités de renforcement des capacités dans le domaine de l’application des contrôles sur les échanges stratégiques.
Des équipes de non-prolifération ont déjà été établies aux deux plus grands ports de Karachi, où plus de 85 % des exportations du pays sont traitées. La NCPU analyse actuellement les données relatives au Pakistan dans l’Atlas des échanges stratégiques afin de mettre à jour le système de gestion des risques pakistanais, aide les équipes de non-prolifération à mener les inspections matérielles, soutient les bureaux sur le terrain en leur fournissant des renseignements, et agit en tant que point focal national de la douane vis-à-vis de l’autorité nationale de délivrance des licences, à savoir la Division des contrôles des exportations stratégiques (SECDIV) du ministère des Affaires étrangères.
Conclusion
La valeur ajoutée du Programme sur l’application des contrôles sur les échanges stratégiques a été reconnue par le Bureau des affaires du désarmement de l’ONU (UNODA) et par le Groupe d’experts sur la Résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Programme est devenu une référence mondiale, et, plus les pays l’adopteront, plus le système mondial de non-prolifération sera efficace.
Le succès du programme est dû en partie à sa souplesse : la formation peut être adaptée aux différents niveaux de maturité des systèmes de contrôle nationaux et l’accent peut être mis sur certains produits selon les priorités et les flux commerciaux existant au niveau national. Elle ne se focalise pas seulement sur les personnes appelées à en appliquer les principes mais s’adresse également aux décideurs responsables de la conception des systèmes et de l’affectation des ressources. Dans la mesure où l’application des contrôles sur les échanges de nature stratégique ne constitue pas habituellement une priorité pour les administrations douanières, il est en effet essentiel d’engager l’équipe dirigeante et de créer une volonté politique d’agir.[v]
On dit souvent que vouloir, c’est pouvoir, mais l’inverse est tout aussi vrai. Selon Morrissey et Verschoor, la perception des décideurs quant à leur capacité à lancer des réformes influe sur leur volonté à prendre des engagements[vi] . En offrant aux douanes un moyen de renforcer leurs capacités à contrôler les échanges de nature stratégique, l’OMD pourrait bel et bien inciter les administrations douanières à s’y essayer.
En savoir +
enforcement@wcoomd.org
[i] http://www.wcoomd.org/fr/topics/enforcement-and-compliance/instruments-and-tools/guidelines/wco-strategic-trade-control-enforcement-implementation-guide.aspx
[ii] Programme des Nations Unies pour le développement, Division du renforcement de la gestion et de la bonne gouvernance, 1998
[iii] http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC111470
[iv] http://www.wcoomd.org/fr/topics/nomenclature/overview/what-is-the-harmonized-system.aspx
[v] (PDF) Where There’s a Will, There’s a Way? Untangling Ownership and Political Will in Post-Conflict Stability and Reconstruction Operations. Disponible sur : https://www.researchgate.net/publication/265748234_Where_There’s_a_Will_There’s_a_Way_Untangling_Ownership_and_Political_Will_in_Post-Conflict_Stability_and_Reconstruction_Operations [consulté le 17 octobre 2018]
[vi] Oliver Morrissey et Arjan Verschoor, « What Does Ownership Mean in Practice? Policy Learning and the Evolution of Pro-Poor Policies in Uganda », in The IMF, World Bank and Policy Reform eds. Alberto Paloni and Maurizio Zanardi (Londres, Routledge, 2006)