Moments forts de la conférence de l’OMD sur le transit
15 octobre 2017
L’OMD a organisé, les 10 et 11 juillet 2017, une conférence mondiale sur le transit douanier, dans le double objectif de stimuler les débats sur la façon d’améliorer les régimes de transit et de faire la promotion des « Directives sur le transit » qu’elle vient de publier.
De nombreux intervenants et participants ont souligné l’importance d’un système de transit efficace. Des représentants de pays enclavés ont notamment expliqué comment leurs économies étaient étouffées par le coût des importations et des exportations, relevant que les frais de transport plus élevés faisaient plus que doubler le coût des transactions commerciales, en prix et en temps. Selon un expert, d’une manière générale, ces pays auraient un niveau de développement 20 % supérieur s’ils avaient un littoral.
D’autres statistiques ont été mises en avant. Par exemple, c’est sur le continent africain que les coûts du transport sont les plus élevés au monde : dans 12 pays d’Afrique subsaharienne, le transport représente 7 % de la valeur d’une exportation. Les longues distances à parcourir contribuent, il est vrai, à la situation, mais les difficultés rencontrées et les retards pris aux frontières jouent également un rôle. Par ailleurs, le commerce intrarégional est peu développé sur ce continent, représentant seulement 10 % de l’ensemble des échanges. Or, tout le monde s’accorde à dire que l’accélération de l’intégration régionale est en partie tributaire d’opérations de transit efficaces.
Directives
La conférence a permis à l’OMD de présenter ses « Directives sur le transit » qui offrent aux administrations des douanes des orientations claires et recommandent certaines pratiques pour la mise en place de régimes de transit efficaces. L’élaboration de ces 150 directives a été un effort collectif rassemblant experts des administrations des douanes et nombreuses autres organisations[1].
Les directives traitent de tous les éléments garantissant des opérations de transit efficaces :
- le partage efficace des informations, en interne et avec les pays voisins, sur la base d’un cadre juridique cohérent (directives 1 à 35) ;
- un système de garantie qui fonctionne correctement (directives 36 à 66) ;
- les redevances et impositions, qui doivent être raisonnables et correspondre au coût réel des services rendus (directives 67 à 72) ;
- la simplification des formalités douanières (directives 73 à 88) ;
- le recours à la gestion des risques pour repérer le fret devant être contrôlé, et la mise en place d’un programme de certification, tel que celui des opérateurs économiques agréés (OEA), permettant d’identifier les négociants qui respectent les règles (directives 89 à 92) ;
- le recours aux scellés douaniers et à d’autres mesures de sécurité pour garantir que les marchandises arrivent intactes au point d’arrivée du transit (directives 93 à 119) ;
- la gestion coordonnée des frontières (directives 120 à 131) ;
- l’amélioration de l’infrastructure physique (directives 132 à 135) ;
- l’amélioration de la transparence et de l’intégrité (directives 136 à 141) ;
- l’amélioration de la consultation avec les entreprises (directives 142 à 146) ;
- la mesure de la performance au moyen d’évaluations régulières (directives 147 à 150).
Chacun de ces éléments a été abordé lors de la conférence. Les participants ont fait état de certaines expériences au niveau régional et au niveau national. Leurs réflexions sur les difficultés liées aux opérations de transit, et sur la voie à suivre, sont rapportées ci-dessous.
Systèmes de transit intégrés à l’échelle régionale
Contrairement au dédouanement, qui se fait à un seul endroit, le transit nécessite un échange d’informations d’au moins trois endroits : l’endroit de départ du transit, l’endroit de fin du transit et l’endroit où se trouve le garant (pour valider et apurer les cautions). L’intégration des opérations de transit internationales dans une région ou le long d’un couloir commercial en une procédure unique et continue présente des avantages évidents, et plusieurs exemples de systèmes intégrés ont été présentés pendant la conférence.
L’Union européenne a fait part de son expérience quant à la construction de son « Nouveau Système de Transit Informatisé » (NSTI), qui est venu remplacer un traitement de documents sur papier exposé à la fraude. Le système, qui permet l’échange de messages en temps réel entre les pays, le suivi des marchandises et la gestion des garanties, de bout en bout, est une application autonome que toutes les parties doivent mettre en place. Ici, les systèmes informatiques des différentes parties sont connectés au NSTI, mais connecter différents systèmes de transit entre eux est un autre moyen d’atteindre le même objectif.
La Commission économique eurasienne a expliqué que la communauté régionale qu’elle représente, qui compte cinq États et couvre plus de deux millions de kilomètres carrés, était également en train de développer un système de transit informatisé. Sa mise au point, qui vise à réduire autant que possible l’utilisation du papier aux frontières et de permettre la pré-déclaration, a été entreprise en parallèle avec l’élaboration d’un nouveau code des douanes, en vue notamment de modifier les procédures de transit. Pour l’heure, les opérateurs peuvent choisir la procédure papier ou la procédure électronique, selon ce qui leur convient le mieux. À l’avenir, le système sera relié avec les pays d’Europe et d’Asie.
La Banque asiatique de développement a présenté dans les grandes lignes les différents projets visant à améliorer les procédures entre les 11 pays membres du Programme de coopération économique régionale pour l’Asie centrale, dont huit sont enclavés. Parmi les projets figurent la construction de l’infrastructure physique, ainsi que l’établissement de six couloirs de transport et d’un système de transit électronique unique sous la forme d’un système d’information autonome similaire au NSTI. Un prototype du système a été conçu afin de pouvoir en tester les fonctionnalités, plus précisément pour ce qui a trait à l’utilisation de la déclaration de transit unique et aux mécanismes de garantie globale. Dans la mise au point de ce système, le vrai défi est de faire coopérer les pays concernés de façon à simplifier les procédures et à améliorer la coordination aux frontières, ainsi que de leur faire mettre en œuvre des mécanismes de gestion des risques et des programmes OEA, étant donné que le système de transit électronique prévoit un mécanisme de garantie qui récompense les opérateurs économiques respectueux des règles.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) travaille aussi au remplacement des procédures manuelles et papier par un système de transit régional informatisé qui reliera les systèmes informatiques de tous les pays de la communauté. Étant donné que ces pays utilisent trois types de systèmes différents, il a fallu créer une interface pour permettre l’échange d’informations et de communications entre lesdits systèmes, et dès lors développer des messages standardisés s’agissant de leur structure et du format des données. Le système est en phase de test dans quatre pays.
Dans les pays qui ont ratifié la Convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets TIR (la Convention TIR), et qui ont adapté leur législation en conséquence, les opérateurs peuvent utiliser le carnet TIR pour transporter les marchandises par-delà les frontières au moyen de véhicules routiers et de conteneurs. Ce carnet est un document unique qui accompagne l’envoi le long de la chaîne de transit et qui permet aux fonctionnaires de vérifier la conformité de l’envoi. Seul système de transit mondial, le système TIR a été conçu pour aider à connecter les systèmes de transit nationaux de par le monde, sans nécessiter une harmonisation ou une intégration des procédures et systèmes. Le système TIR peut coexister avec d’autres régimes régionaux de transit. Les opérateurs peuvent choisir le TIR ou le NSTI lorsqu’ils transportent des marchandises de la Turquie vers l’Europe, par exemple. Les chiffres montrent que les opérateurs préfèrent utiliser un environnement informatique, et l’informatisation du TIR est donc une priorité. À cette fin, un système eTIR, actuellement en phase de test, a été mis au point (voir l’article consacré à ce sujet dans le numéro de février 2017 d’OMD Actu).
Un prestataire de services du secteur privé a également expliqué comment les opérateurs du secteur de la logistique pouvaient confier la gestion de leurs opérations de transit par route, par voie ferrée et par voie d’eau à son entreprise dans les pays où cette dernière agit en qualité de Principal obligé[2], principalement dans le cadre du transit commun et du NCTS. Grâce à une application web, les clients peuvent créer des déclarations de transit, les soumettre à n’importe quel système douanier et les suivre en ligne. L’entreprise organise et dépose en son nom la garantie requise, auprès d’une banque agréée, en faveur de la douane. Des garanties bancaires sont déposées dans chacun des pays concernés par l’opération de transit afin d’éviter les problèmes qui peuvent se poser si la douane d’un pays réclame une garantie émise dans un autre pays. Autre avantage pour la douane : elle ne doit traiter qu’avec un seul prestataire de services dans le pays, fiable et expérimenté, et bénéficiant d’une présence internationale.
Infrastructure matérielle et infrastructure « immatérielle »
Comme l’a fait remarquer un représentant du secteur du transport routier, l’infrastructure est un atout important, mais elle n’aidera pas à réduire les difficultés à la frontière en l’absence des pratiques et des politiques adéquates. Il convient de séparer les flux de transit des flux qui font l’objet d’un dédouanement à la frontière, et l’infrastructure doit également permettre de tenir compte de procédures telles que la pré-déclaration, ou d’un statut particulier tel que l’OEA pour lequel il faudrait prévoir des voies distinctes.
La Banque africaine de développement (BAD) a expliqué qu’elle consacrait 30 % de ses investissements au transport, son objectif étant de construire un réseau routier qui permettrait de dynamiser le commerce régional et d’intégrer les économies africaines. Quelque 47 pays participent actuellement à un projet de développement de l’infrastructure financé par la BAD. Il s’agit de travaux d’extension du réseau portuaire et aéroportuaire, d’aménagement des postes-frontières ou encore de la mise en place de postes-frontières dits à arrêt unique ou intégrés. Certains de ces projets sont des projets multinationaux transfrontières par essence, et d’autres sont des projets nationaux qui contribuent au transit, surtout le long des principales voies rapides. La BAD a toutefois expliqué qu’elle avait imposé comme règle que 10 % du budget alloué à un projet devaient être consacrés à des activités visant à modifier ou à améliorer le cadre réglementaire. Ainsi, par exemple, si un pays emprunte pour un projet de construction de routes, il doit allouer des fonds à la réforme de ses politiques relatives au transport.
L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a aussi souligné qu’il fallait travailler sur « l’infrastructure immatérielle » : harmonisation des documents ; établissement d’un manifeste de transit différent, sur la forme et sur le fond, de la déclaration de dédouanement ; capacités en matière de gestion des risques et mise en œuvre de programmes OEA offrant des avantages, tels que la simplification des procédures et des garanties bancaires, voire une dispense de garantie si cela est approprié.
Autre initiative dont il a été question : le poste-frontière intégré dont l’installation est soutenue par de nombreux donateurs, parmi lesquels la JICA. Un représentant de la Zambie, premier pays africain à avoir créé un poste-frontière de ce genre, en 2009, à sa frontière avec le Zimbabwe, a expliqué que ce mécanisme aidait à surmonter les difficultés logistiques à la frontière, par exemple concernant les heures de bureau. Certains pays, parmi lesquels le Laos et le Viet Nam, ont créé un poste-frontière unique sur leur frontière commune, où un espace commun de contrôle permet aux services des frontières des deux pays de mieux coordonner leurs contrôles.
De nouveau, si l’on a acquis beaucoup d’expérience dans l’établissement de l’infrastructure, il faut néanmoins encore travailler pour assurer la coopération et la communication afin de rationaliser les procédures et de mener des inspections communes. Bien souvent, il n’existe aucun outil de communication informatique ou, si ces outils existent, ils sont inutilisables en raison de coupures de courant, et certains pays doivent donc garder des procédures papier. Par ailleurs, les cautions régionales ne sont pas courantes, et les opérateurs doivent donc déposer des garanties dans chaque pays qu’ils traversent et attendre pour l’apurement. Enfin, certaines administrations exigent des documents établis dans la langue locale ou des certificats supplémentaires. Ce ne sont là que quelques exemples des problèmes que les opérateurs rencontrent.
La Banque mondiale a expliqué qu’un des enseignements tirés lors de la mise en œuvre des nombreux projets qu’elle a financés en vue d’améliorer les couloirs commerciaux est la nécessité de s’intéresser davantage à tout ce qui facilite les choses : processus, procédures, cadre juridique, investissement dans les personnes et dans leur capacité de gestion, et technologie de l’information. Pour cela, il faut analyser, passer du temps à réfléchir à ce qui doit vraiment être amélioré, utiliser l’étude de l’OMD sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises pour repérer les goulets d’étranglement, cartographier les processus et approfondir jusqu’aux détails les procédures de fonctionnement afin de se faire une idée claire et précise du nouveau modèle opérationnel envisagé, qui doit être solide et récompenser les bons comportements. Il est évidemment également nécessaire de recenser et de quantifier les risques. Lors de la conférence, certains participants ont estimé qu’il n’y avait pas de risque important de pertes de recettes, tandis que d’autres ont déclaré toujours faire face à une fraude massive en matière de transit.
Mesures de sécurité
Les participants ont également débattu des mesures à prendre pour garantir l’intégrité de l’envoi pendant le transit, et plus spécialement de l’utilisation de la détermination de durées limitées, d’itinéraires spécifiques ainsi que de scellés, y compris des scellés électroniques avec identification par radiofréquence (RFID) ou technologie de positionnement global par satellite (GPS). À ce sujet, il a été fait mention de l’expérience de la Douane jordanienne qui utilise un système de scellés électroniques pour suivre les marchandises transportées en transit et qui dispose d’équipes d’intervention mobiles qui interviennent lorsque quelque chose de suspect est détecté.
Les participants ont également discuté de l’acceptation des scellés étrangers qui reste difficile dans certaines régions, ce qui contraint les opérateurs à acheter des scellés différents le long de l’itinéraire de transit. Un représentant de l’Ouganda a présenté le système électronique régional de suivi du fret que son pays met en œuvre avec le Kenya et le Rwanda le long du Couloir Nord de la Communauté d’Afrique de l’Est. N’est utilisé sur le parcours qu’un seul type de scellé, ce qui élimine la nécessité d’installer et de désinstaller les scellés électroniques aux frontières des États partenaires, et permet le suivi des trajets de bout en bout le long du Couloir Nord. Ce système de suivi s’appuie par ailleurs sur du matériel de reconnaissance automatique des numéros de plaques d’immatriculation qui a été installé à l’entrée des ports et aux frontières.
Chemins de fer
Les particularités du transit douanier des marchandises transportées par chemin de fer ont également été présentées. Il n’existe aucun régime unifié au niveau mondial qui couvrirait le transport par voie ferrée comme pour le transport aérien et maritime, et les pays qui souhaitent autoriser des trains à traverser leurs frontières doivent signer des accords bilatéraux. Cela étant, deux organisations œuvrent à l’élaboration et à l’unification du droit des transports ferroviaires :
- l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires, qui a établi la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires et qui est essentiellement composée de pays européens ;
- l’Organisation pour la collaboration des chemins de fer, qui a conçu la Convention sur les transports internationaux par chemin de fer et la Convention sur les transports internationaux de voyageurs et qui réunit des pays d’Europe de l’Est.
Les experts ont expliqué que, pour permettre le développement du transport ferroviaire international, les administrations des douanes devaient se concentrer sur l’harmonisation des documents de transport et des normes techniques, l’utilisation de dossiers électroniques et la pré-déclaration électronique, ainsi que sur la simplification des procédures douanières. Les pays devraient par ailleurs adopter une approche plus large du développement de l’infrastructure ferroviaire afin de prendre en compte l’aspect régional.
Coopération
Il a été souligné à de nombreuses reprises que la mise en œuvre d’un régime de transit efficace nécessitait une collaboration à de nombreux niveaux. Au niveau national, il faut veiller à faire participer tous les acteurs concernés aux projets liés au transit. Sur ce point, en guise d’exemple, la BAD a fait remarquer que, dans la plupart des pays, les projets d’infrastructure étaient généralement conduits par le ministère des transports, et qu’il fallait ouvrir un dialogue avec les autres organismes sur les autres éléments nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de cette infrastructure, par exemple un poste-frontière intégré.
Entre les pays limitrophes, chaque partie doit avoir la volonté de collaborer et reconnaître ses responsabilités et ses devoirs s’agissant de la modernisation des opérations douanières, de la mise en œuvre de mesures efficaces de lutte contre la corruption, de la numérisation des procédures qui doit être fondée sur un système informatique solide et un système de sauvegarde (et qui implique un réseau électrique fiable).
« Nous avons à notre disposition les nouvelles Directives de l’OMD sur le transit et de nombreux modèles, mais qu’est-ce qui nous retient ? », a demandé un participant, ajoutant que « pour concrétiser les bonnes idées en actions, nous avons besoin d’une impulsion, d’une aptitude à motiver et à diriger, et nous devons créer une envie de changement ».
L’OMD espère que les débats auront donné aux participants l’envie d’avancer, et que les « Directives sur le transit » s’avéreront utiles à la conception de projets relatifs au transit.
En savoir +
www.wcoomd.org
[1] Agence des États-Unis pour le développement international, Agence japonaise de coopération internationale, Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque mondiale, Bureau du Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Conférence douanière inter-caraïbe, Organisation mondiale du commerce, Secrétariat d’intégration économique de l’Amérique centrale, Secrétariat général de la Communauté andine, Union africaine, Union européenne et Union internationale des transports routiers. Des experts du transit issus des communautés économiques régionales suivantes ont également participé à l’élaboration des directives : Communauté d’Afrique de l’Est, Communauté de développement de l’Afrique australe, Communauté économique des États de l’Afrique centrale, Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, Union douanière d’Afrique australe et Union économique et monétaire ouest-africaine.
[2] personne qui, le cas échéant par l’intermédiaire d’un représentant habilité, place des marchandises sous le régime du transit