RPCV et PNR : deux sigles incontournables de l’agenda sécuritaire international
10 juin 2015
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général, Organisation mondiale des douanes
Dans cet article, je souhaiterais faire part de mes réflexions sur l’utilisation par la douane des renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) et des dossiers passagers (PNR), outils fondamentaux de soutien à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, d’une part, et à la facilitation des voyages internationaux, d’autre part.
Le terrorisme : une menace de tous les instants
Après les violences perpétrées récemment dans plusieurs régions du monde, le terrorisme continue d’être une préoccupation majeure de la communauté internationale. Le terrorisme, par nature, se mondialise et ses conséquences dépassent souvent les frontières. La douane, principal organisme chargé de contrôler la circulation transfrontalière des marchandises, des moyens de transport et, dans certains cas, des passagers, contribue dans une large mesure à contrer ces menaces et d’autres atteintes à la sécurité aux frontières.
Chaque administration ayant son propre mandat et ses propres compétences juridiques, il n’existe pas de modèle universel concernant les fonctions des douanes en matière de sécurité. Il existe néanmoins un fil conducteur commun qui sous-tend leurs missions : les douanes contribuent à la sécurité en mettant au jour la circulation de marchandises de contrebande dangereuses, susceptibles de soutenir concrètement ou financièrement le terrorisme et le crime organisé.
En outre, un nombre croissant d’administrations a une mission de sécurité plus vaste qui inclut aussi de faire respecter les interdictions de voyager. Cette mission est particulièrement importante vu les menaces que représentent les combattants terroristes étrangers. Face à ce phénomène, même si les contrôles à l’immigration ne sont pas forcément la fonction première de la plupart des administrations douanières, la douane est un partenaire très recherché en raison des informations dont elle dispose sur la circulation transfrontalière des marchandises et des personnes.
Utilité des RPCV et PNR
Il est largement reconnu que les outils d’aujourd’hui, tels que les systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV), permettent d’améliorer la sécurité globale du transport aérien international. À l’échelle mondiale, plusieurs systèmes de RPCV ont été mis en œuvre avec succès, apportant des avantages avérés en termes de sécurité, de facilitation et de respect des lois.
Ces dernières années, plusieurs pays sont allés plus loin, adoptant des lois pour exiger de la part des transporteurs, outre les RPCV, d’autres données sur les passagers sous la forme de dossiers passagers ou PNR (Passenger Name Records). Ces dossiers passagers contiennent des jeux de données plus vastes, pouvant être utilisés pour l’évaluation des risques.
Les compagnies aériennes sont ainsi désormais tenues, dans de nombreux pays, de soumettre les RPCV et les PNR aux gouvernements. Les autorités concernées – douane, service de l’immigration ou police – peuvent dès lors évaluer le risque que représentent certains voyageurs et donc lutter contre la criminalité transnationale.
En 2012, l’OMD a adopté la Recommandation relative à l’emploi des Renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) et des Dossiers passagers (PNR) afin d’assurer l’efficacité des contrôles douaniers. Cette Recommandation met l’accent sur la nécessité d’un contrôle efficace aux frontières des formes graves de criminalité transnationale, notamment du trafic illicite de drogues et d’autres marchandises de contrebande.
L’OMD considère les RPCV et PNR, qui font partie intégrante de son programme sur la sécurité, comme des éléments très utiles pour améliorer la sécurité aux frontières tout en facilitant la circulation de passagers représentant un faible risque. Leur utilisation profite à la fois à la douane et aux autres organismes aux frontières, aux transporteurs, aux autorités aéroportuaires et aux passagers eux-mêmes.
La Convention de Kyoto révisée tient d’ailleurs compte de cet aspect et intègre les RPCV dans son Annexe spécifique J1 (Voyageurs) en tant que « pratique recommandée ». Le recours à ces données a déjà largement porté ses fruits et devrait s’étendre à l’avenir.
J’encourage donc vivement les administrations des douanes à utiliser les RPCV et les PNR ainsi qu’à mettre en œuvre et à appliquer les instruments et outils de l’OMD dans ce domaine. Il ne faut pas oublier qu’une coopération plus étroite entre les douanes et d’autres organismes de lutte contre la fraude rendra les contrôles aux frontières plus efficaces, améliorera la sécurité et facilitera encore davantage le commerce légitime.
Directives
Les Directives relatives aux RPCV ont été établies à l’origine en 1993 par l’OMD, en collaboration avec l’Association du transport aérien international (IATA). L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) s’est ensuite associée à ce processus et le « Comité de contact » constitué des trois organisations a été créé. Afin d’aider leurs Membres respectifs à mettre en place ce système, les trois organisations ont élaboré conjointement les Directives OMD/IATA/OACI sur les Renseignements préalables concernant les voyageurs en 2003, en 2010 et en 2013. Ces Directives comprennent une partie explicative sur l’utilisation des RPCV, une liste maximale des données RPCV, ainsi qu’une annexe sur le message électronique EDIFACT/ONU internationalement reconnu (PAXLST) et un guide sur sa mise en œuvre. La dernière version des Directives comprend de nouvelles dispositions sur des aspects tels que la sécurité, la protection des données, l’assistance mutuelle administrative et les « RPCV interactifs », méthode plus perfectionnée de traitement des passagers dans les aéroports.
Les Directives sur les PNR ont été conçues par l’OACI en étroite coopération avec l’IATA et l’OMD. Elles comprennent actuellement un texte explicatif sur l’utilisation des informations des PNR et une annexe contenant une liste maximale de données PNR. Les Directives sur les PNR contiennent également un message normalisé d’échange des informations PNR. La première version des Directives sur les PNR a été publiée en 2006. La dernière édition est parue en 2010 en tant que document 9944 de l’OACI. La coopération entre les trois organisations aboutira dans un futur proche à l’association officielle de l’IATA et l’OMD au développement de ces Directives sur les PNR.
La notion de partenariat est ici d’une importance capitale et le Comité de contact sur les RPCV/PNR a, jusqu’à présent, parfaitement rempli sa mission de « clearing house », centralisant toute modification des normes de transmission à la fois des RPCV et des PNR. Les pays qui ont développé ou qui envisagent de développer un processus de transmission de données passagers sont ainsi invités à rejoindre le Comité de contact.
Nations Unies et G7
Les Nations Unies jouent bien évidemment aussi un rôle actif dans le domaine des RPCV/PNR. La Résolution 2178 de l’ONU, adoptée en septembre 2014 et créant un nouveau cadre politique pour une action internationale face à la menace générée par les combattants terroristes étrangers, en est l’un des principaux éléments moteurs. Cette Résolution, entre autres, « invite les États Membres à exiger des compagnies aériennes opérant sur leur territoire qu’elles communiquent à l’avance aux autorités nationales compétentes des informations sur les passagers afin de détecter le départ de leur territoire, ou la tentative d’entrée sur leur territoire ou de transit par leur territoire, à bord d’appareils civils », de terroristes.
Le G7, dans le communiqué publié suite à la réunion des ministres des Affaires étrangères qui s’est tenue à Lübeck, Allemagne, en avril 2015, appelle la communauté internationale à collaborer étroitement et à échanger les informations pertinentes, et plus particulièrement les renseignements préalables concernant les passagers conformément à la Résolution 2178, afin de détecter les mouvements des personnes désignées par le Comité du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce Comité, créé par la résolution 1267 et la résolution 1989 (2011), contrôle l’application par les États des trois mesures – à savoir le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et l’embargo sur les armes – instituées au titre des sanctions imposées par le Conseil de sécurité contre les personnes et entités inscrites sur la liste des sanctions contre Al-Qaida.
Partenariat OMD-ONU sur les RPCV/PNR
L’OMD et l’ONU entretiennent une étroite collaboration sur les RPCV/PNR. L’année dernière, le Président du Conseil de sécurité des Nations Unies m’a écrit pour me demander si l’OMD pouvait mettre à jour sa Recommandation relative à l’emploi des RPCV et des PNR. Il s’agissait de renforcer l’application des règlementations en vigueur, et notamment l’application efficace des interdictions de voyager et autres restrictions contre des personnes, en assurant la possibilité de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher les passagers indésirables d’embarquer à bord des avions ainsi que d’autres mesures préventives contre le terrorisme, et ce en temps voulu.
J’ai accueilli favorablement cette proposition et celle-ci a été soumise au Comité de contact sur les RPCV/PNR et au Comité technique permanent (CTP) de l’OMD. Lors de la dernière réunion du CTP, les Membres de l’OMD ont soutenu la proposition et l’insertion, dans la liste des actions que les Membres de l’OMD et les unions douanières ou économiques devraient prendre, d’une nouvelle action consistant à « appliquer efficacement les interdictions de voyager imposées par les Nations Unies à des personnes sanctionnées ». L’OMD a communiqué le texte remanié aux Membres ayant adopté la « Recommandation RPCV/PNR » pour approbation.
Conclusion
Dans le cadre des efforts qu’elle entreprend afin de concilier sécurité et facilitation des mouvements des marchandises et des passagers, l’OMD continuera de suivre de près tous les développements en matière de politique de sécurité et tiendra ses Membres informés des progrès qui seront accomplis en matière de RPCV/PNR, y compris de l’avancement de l’initiative OMD-ONU.