Panorama

Coopération douane-police, l’expérience du Canada

28 juin 2016
Par Nada Semaan, première vice présidente, Agence des services frontaliers du Canada

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) fournit des services frontaliers intégrés à l’appui des priorités en matière de sécurité nationale et publique, et facilite également la circulation légitime des personnes et des marchandises. Afin qu’elle soit à même de remplir ce mandat, le Canada a développé un cadre législatif et réglementaire qui a favorisé l’établissement de relations de travail solides entre l’ASFC et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), la police fédérale du Canada. Ce cadre délimite clairement les rôles et les responsabilités de chacun des services, et permet une coopération efficace dans les domaines partagés.

En substance, l’expérience du Canada montre que, dans un monde interconnecté et interdépendant, où la demande en sécurité est accrue, les autorités douanières doivent collaborer de façon efficace avec leurs homologues des services de police. J’ai eu le plaisir d’animer une présentation sur ce sujet à l’occasion de la dernière conférence régionale sur les douanes de la région des Amériques et des Caraïbes, qui s’est tenue en Bolivie, en avril 2016.

Historique

L’histoire même de l’ASFC repose sur des principes de coordination et de partenariat. En 2003, l’ASFC a été établie en tant qu’organisation chargée de la gestion intégrée de la frontière. Les responsabilités relatives à la frontière, y compris celles concernant la douane et la perception des recettes, l’immigration, la salubrité des aliments, la protection des végétaux et la santé des animaux, ont été réunies. De là est née une organisation unique chargée d’administrer plus de 90 lois et règlements afin de gérer la circulation des marchandises et des personnes à la frontière du Canada. L’un des principes de base de l’ASFC est qu’une coordination à l’échelle du gouvernement est requise, que l’angle soit sécuritaire ou commercial.

Coopération ASFC/GRC

L’ASFC et la GRC sont tous deux partenaires au sein du portefeuille de « Sécurité publique Canada », ce qui signifie qu’elles relèvent du même ministre fédéral. La coopération entre les deux organisations commence aux plus hauts échelons, et la présidente de l’ASFC dialogue régulièrement avec son homologue, le commissaire de la GRC. 

© CBSA

L’ASFC et la GRC reconnaissent le rôle important que chacune d’elles joue. Leurs responsabilités et leurs rôles sont clairs et définissent leurs interactions, et elles aspirent à la plus grande coopération sur le plan stratégique, opérationnel et tactique. L’ASFC est principalement responsable des points d’entrée, tandis que la GRC est responsable de tout ce qui se passe entre ces derniers.

Les deux services tiennent des réunions de direction conjointes, discutent régulièrement des questions opérationnelles et interagissent au quotidien aux échelles régionale et locale. Le groupe de travail conjoint, dirigé par le vice‑président des opérations de l’ASFC et son homologue à la GRC, est un des forums qui permet aux deux organisations d’échanger des renseignements et de revoir les opérations conjointes.

Lorsqu’une coopération à long terme s’impose entre les douanes et la police locale, une entente officielle de collaboration est nécessaire pour établir clairement un cadre. Ces ententes s’appellent des ententes d’opérations policières conjointes (OPC). Récemment, une OPC a eu lieu dans le cadre de laquelle environ 700 agents des douanes et policiers ont été mobilisés pour mener une opération d’envergure contre un réseau d’importation de tabac, de trafic de stupéfiants et de blanchiment d’argent. Le montant des saisies de tabac et de stupéfiants effectuées dans le cadre de cette opération s’élevait à environ 5,3 millions de dollars canadiens. Cette opération conjointe s’est déroulée simultanément dans six pays de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud et de l’Europe, et a mené à l’arrestation d’environ 60 personnes liées au crime organisé. Il a été estimé que l’organisation criminelle concernée se serait livrée à la contrebande d’au moins 158 cargaisons de tabac. Cette quantité représente une fraude de plus d’un demi‑milliard de dollars canadiens en non‑paiement de droits de douanes et d’impôts aux gouvernements fédéral et provinciaux.

Le dialogue entre les deux services s’étend, en outre, aux interactions quotidiennes à l’échelle locale. Par exemple, lorsqu’en janvier dernier, des agents des douanes de l’aéroport international Pearson de Toronto, ont mis la main sur 110 kilogrammes de cocaïne, ils ont confié la marchandise aux agents de la GRC, selon les procédures en vigueur, afin que ceux-ci lancent une enquête et, si approprié, réalisent une livraison contrôlée.

L’ASFC collabore également à l’international avec ses homologues de la police fédérale pour mettre à profit les forces et les ressources respectives. Par exemple, le réseau international d’agents de liaison de l’ASFC, qui compte 44 agents dans 32 pays, travaille régulièrement avec ses homologues de la police fédérale à l’examen des questions ayant une incidence sur l’efficacité opérationnelle afin de protéger les frontières du Canada depuis l’étranger.

Protocole d’entente

Depuis sa création en 2003, l’ASFC a conclu de façon ponctuelle plus de 120 ententes avec la GRC. En 2012, les cadres supérieurs de l’ASFC et de la GRC ont convenu du besoin d’établir un nouveau PE général. Ce dernier comprend sept annexes portant sur des sujets particuliers, afin de consolider et de remplacer les 120 accords d’entente en vigueur entre les deux organisations. Ce nouveau PE général, conclu au début de 2014, améliore l’uniformité des interactions entre l’ASFC et la GRC à l’échelle nationale, précise les rôles et les responsabilités et sert de point de référence consolidé pour le personnel des deux organisations.

Stratégie frontalière conjuguée ASFC‑GRC

En juillet 2013, l’ASFC et la GRC ont signé une Déclaration de coopération qui souligne le souhait des deux organisations de renforcer la coopération sur les plans stratégique, opérationnel et tactique. La première Stratégie frontalière conjuguée a été adoptée en avril 2015 et rendue publique et diffusée sur divers sites web. Elle vise à faciliter les discussions sur des questions identifiées par les deux organisations, telles que l’officialisation des relations de travail pour établir des priorités et planifier conjointement, l’amélioration de l’échange d’informations et de renseignements, la mise à profit de l’infrastructure existante et l’officialisation des processus de formation et de détachement.

Leçons retenues et perspectives d’avenir

Il est certain qu’établir une relation solide et fluide avec un service de police n’est pas toujours aisé. Une relation de coopération repose sur la capacité des deux organisations à surmonter des obstacles, tels des cultures et des intérêts organisationnels différents, des barrières législatives, des difficultés technologiques et de financement, pour ne donner que quelques exemples.

Au fil de l’expérience que l’ASFC et la GRC ont acquise dans l’établissement de cette relation, il est devenu évident qu’une communication ouverte et libre est essentielle. Les facteurs de réussite de cette relation comprennent une volonté politique et une définition claire des responsabilités et des rôles respectifs des organisations qui leur permettront de veiller conjointement à la sécurité des Canadiens. Les retombées des efforts investis peuvent être considérables. L’administration douanière et la police fédérale pourront notamment être plus en mesure de remplir leur mandat conjoint.

Bien qu’il n’existe aucun modèle universel en la matière, déployer un effort concerté pour consolider les fonctions des services frontaliers et créer un cadre efficace de coopération entre la douane et la police est essentiel pour renforcer les capacités de gestion à la frontière et établir un juste équilibre entre mesures de facilitation et de sûreté.

 

En savoir +
www.cbsa-asfc.gc.ca