Dossier

Réflexions sur les domaines de travail considérés comme prioritaires par les Membres de l’OMD

16 octobre 2018
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l'Organisation mondiale des douanes

Lors des sessions du Conseil de 2017, les Membres ont entériné six priorités sur lesquelles le Secrétariat aurait à concentrer ses efforts : la facilitation des échanges, le commerce électronique, la sécurité, la coopération douane-administrations fiscales, les flux financiers illicites et la mesure de la performance. Lors de la session de juin 2018, ils ont examiné les progrès réalisés par rapport à ce programme de travail et ont décidé de la voie à suivre à l’avenir. Ce faisant, ils ont également débattu de possibles nouveaux domaines d’activités et ont adopté une nouvelle priorité : le réexamen de la Convention de Kyoto révisée. Dans le présent article, je passerai en revue chacun de ces sujets.

Facilitation des échanges

Pour aider les pays dans la mise en œuvre des dispositions de l’Accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des normes et outils de l’OMD pertinents, l’OMD propose une assistance technique personnalisée au titre de son Programme Mercator.

Au cours de l’exercice 2017/2018, 150 missions relatives à l’AFE ont été réalisées. Le Programme Mercator prévoit deux « modèles de relation » avec les Membres bénéficiaires. Le premier modèle, baptisé « Mon Programme Mercator », prévoit l’assignation d’un conseiller du Programme Mercator à un Membre bénéficiaire, le conseiller travaillant avec le Secrétariat pour mettre au point un plan pluriannuel qui s’attache non seulement aux aspects techniques mais aussi aux conditions habilitantes pour la poursuite d’un programme de réforme. Le deuxième modèle se centre plutôt sur l’exécution de demandes spécifiques et ciblées, formulées par les Membres. Il s’agit généralement d’une formation ou d’un atelier ayant trait à un aspect technique, comme l’étude sur le temps nécessaire à la mainlevée ou encore la gestion des risques.

Afin de suivre les progrès réalisés, un outil d’évaluation a été mis au point et tous les bénéficiaires du Programme Mercator ont été invités à procéder à un premier cycle d’évaluation afin de permettre au Secrétariat de présenter un rapport pour la fin 2018 sur les avancées du Programme Mercator.

Par ailleurs, la coopération entre Secrétariats de l’OMD et de l’OMC continue, les deux organismes discutant de la façon dont le soutien est apporté aux Membres dans le but de garantir la coordination avec les autres organisations internationales. Depuis mai 2018, l’OMD est également invitée à participer aux réunions du Comité de la facilitation des échanges (CFE) de l’OMC et peut ainsi contribuer aux discussions sur la mise en œuvre de l’AFE, au même titre que les autres organisations de l’Annexe D, à savoir le FMI, l’OCDE, la CNUCED et la Banque mondiale.

L’OMD continue également de mettre au point des outils pour appuyer la mise en œuvre de l’AFE, dont les derniers sont les « Directives sur les agents en douane » et le « document FAQ sur les liens entre les opérateurs économiques agréés tels que définis dans le Cadre de normes SAFE et les opérateurs agréés de l’article 7.7 de l’AFE ». Autre outil incontournable, le « Guide sur l’Étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises » a été mis à jour, notamment afin qu’il soit plus adapté aux exigences de l’AFE.

Examen de la CKR

Outre les activités menées au titre du Programme Mercator, un autre grand chantier dans les mois et les années à venir portera sur l’examen complet de la Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers (amendée), plus connue sous l’appellation de Convention de Kyoto révisée (CKR). La CKR, adoptée en 1999 et entrée en vigueur en 2006, compte à l’heure actuelle 115 Parties contractantes. Si ce nombre est assez significatif, l’acceptation des Annexes spécifiques de la CKR reste encore faible.

Si des Directives sur la CKR ont été mises à jour de façon continue et si plusieurs nouveaux outils et initiatives de l’OMD sont venus compléter la Convention révisée, les Membres de l’OMD ont décidé, malgré tout, qu’il convenait d’actualiser cet instrument, près de 20 ans après son adoption et le Conseil de l’OMD a approuvé la création d’un groupe de travail chargé de réviser la Convention.

 

Commerce électronique

Parmi les outils importants adoptés par le Conseil de l’OMD en juin 2018 figure le Cadre de normes sur le commerce électronique transfrontalier qui aidera les Membres de l’OMD à mettre au point leur cadre stratégique et opérationnel pour gérer ce type de commerce. Ce nouvel instrument sera aussi utile pour ceux qui cherchent à renforcer leur cadre existant afin de répondre de façon effective aux exigences que posent les modèles d’entreprise nouveaux et évolutifs.

Le Cadre met l’accent sur les données électroniques préalables aux fins de l’évaluation des risques avant l’arrivée. Durant ces 20 dernières années, l’OMD n’a cessé de plaider en faveur d’un environnement dématérialisé pour le commerce traditionnel. Il en va de même pour le commerce électronique. Les services de messagerie ou de courrier exprès soumettent déjà en grande partie des données électroniques préalables dans la lignée de ce que recommande le Cadre de normes, ce qui permet aux douanes de mener leurs évaluations de risque à l’avance. Toutefois, les opérateurs postaux restent à la traîne, bien que certains progrès aient été réalisés dans quelques pays qui ont bénéficié du plein soutien de l’OMD et de l’Union postale universelle (UPU).

L’OMD et l’UPU ont déjà mis au point les normes internationales harmonisées pertinentes et elles continuent d’encourager la mise en place de systèmes électroniques au niveau national. Les éléments de données qui peuvent encore être exigés afin de relever les défis et répondre aux risques associés au commerce électronique transfrontalier sont en cours de définition. Les deux organisations se chargent, par ailleurs, de mettre au point des orientations supplémentaires concernant l’échange de données électroniques préalables, notamment en matière de saisie et de qualité des données, ainsi que concernant les cadres légaux et opérationnels. Elles étudient également la possibilité d’organiser une conférence afin de mobiliser tous les acteurs concernés et de susciter un engagement fort en faveur du changement de la part des décideurs.

Bien que l’essentiel du Cadre de normes ait été élaboré, il reste encore un travail important à réaliser. C’est pourquoi le Conseil de l’OMD a accepté de proroger le mandat du Groupe de travail sur le commerce électronique afin qu’il puisse approfondir encore le Cadre, en finalisant les spécifications techniques, en proposant des solutions à des problèmes tels que la gestion des identités, par exemple, et en affinant d’autres éléments du Cadre tels que les définitions, les éléments de données, les modèles de recouvrement des recettes et les études de cas.

En outre, le Secrétariat de l’OMD est en train de mettre au point une stratégie de mise en œuvre à l’échelon mondial et un mécanisme de renforcement des capacités afin de garantir que ses Membres puissent appliquer rapidement et de manière harmonisée les normes édictées, tout en tenant compte du fait que la mise en œuvre devra parfois se faire d’une manière graduelle, sur la base des priorités et des spécificités nationales ainsi que de la disponibilité des ressources.

Le travail de l’OMD se centre sur le commerce électronique transfrontalier et les marchandises matérielles et vient compléter et étayer le Programme de travail de l’OMC sur le commerce électronique. Par ailleurs, l’OMD collabore activement avec d’autres organisations internationales pour appuyer leurs efforts respectifs dans le domaine du commerce électronique. Ces organisations incluent l’Organisation de coopération et de Développement économiques (OCDE), l’Organisation de l’aviation civile internationale et l’UPU, ainsi que les Secrétariats de la Convention sur la diversité biologique de la Convention internationale pour la protection des végétaux et de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

Sécurité

À la suite de l’adoption, en décembre 2015, de la résolution de Punta Cana qui rappelle le rôle de la douane dans la lutte contre le terrorisme, l’OMD a lancé son Programme sur la sécurité qui se centre sur cinq domaines de travail : le contrôle des passagers, la lutte contre le trafic de produits chimiques et de composants pouvant être utilisés pour la fabrication d’engins explosifs improvisés (EEI), le contrôle des échanges de nature stratégique, la lutte contre le trafic d’armes légères et de petit calibre (ALPC) et le financement du terrorisme.

Les travaux ont bien avancé dans certains de ces domaines, comme au niveau du Programme Global Shield auquel plusieurs résolutions des Nations Unies font référence, encourageant les États à y apporter leur soutien, ou encore au niveau du Programme sur l’application des contrôles aux échanges de nature stratégique, focalisé sur la prévention du trafic illicite de produits stratégiques (armes de destruction massive, conventionnelles et articles connexes).

L’OMD compte désormais deux projets régionaux qui visent à renforcer les capacités des administrations douanières dans la lutte contre les déplacements liés au terrorisme et contre les trafics. Tous deux bénéficient du soutien financier du gouvernement du Japon : le Projet sur la sécurité dans la région Asie Pacifique, qui a commencé en mars 2017 et dont les activités tournent à plein régime, et le Projet sur la sécurité dans la région d’Afrique occidentale et centrale qui a débuté en avril 2018.

Au cours de la récente session du Conseil de l’OMD et d’autres enceintes, quelques pays ont souligné le besoin d’approfondir l’examen du thème de la sécurité sur les bateaux de croisière compte tenu de la croissance que connaît le secteur de la croisière. En réponse à cette demande, l’OMD a convenu de réunir un groupe d’attachés douaniers en poste à Bruxelles afin qu’ils examinent les questions relatives au format et à la transmission des données préalables sur les passagers voyageant par transport maritime, dans la perspective d’une possible harmonisation de ces données. Les parties concernées, telles que l’Organisation maritime internationale (OMI), devraient participer également aux délibérations.

Enfin, le Conseil de l’OMD a adopté l’édition 2018 du Cadre de normes SAFE visant à sécuriser et faciliter le commerce mondial. Le version 2018 offre de nouvelles opportunités pour améliorer la sécurité et l’efficacité de la chaîne logistique. Il rehausse notamment les objectifs concernant le renforcement de la coopération entre les administrations douanières, par exemple à travers l’échange d’informations, la reconnaissance mutuelle des contrôles, la reconnaissance mutuelle des opérateurs économiques agréés et l’assistance mutuelle administrative. Par ailleurs, le Cadre SAFE appelle à une coopération douanière renforcée avec les services gouvernementaux chargés du contrôle règlementaire des voyageurs et de certains produits (comme les armes et les déchets dangereux), ainsi qu’avec les entités responsables des questions postales. Il comprend aussi à présent une liste exhaustive des avantages octroyés au titre de l’agrément OEA et établit certains bénéfices minimaux garantis.

Coopération douane-administration fiscale

Le Conseil et la Commission de politique générale de l’OMD débattent du concept de coopération entre le Fonds monétaire international (FMI) et l’OMD depuis quelques temps déjà. Comme le FMI est souvent sollicité par les ministères des Finances afin qu’il apporte son conseil sur les politiques douanières, l’OMD a entamé un dialogue avec le Fonds afin que ce dernier élargisse sa perspective des douanes au-delà de leurs fonctions fiscales et qu’il tienne davantage compte de leur rôle non fiscal.

Afin de revoir sa position, axée avant tout sur les recettes, le FMI avait besoin d’accéder à des jeux de données spécifiques et l’idée a donc surgi de mettre au point un outil d’enquête spécifique pour la collecte de données, baptisé ISOCA de son acronyme anglais (International Survey on Customs Administrations ou Enquête internationale sur les administrations douanières). La participation à l’enquête sera volontaire et aucun système de mesure, de classement ou de notation n’est envisagé. Cette enquête unique permettrait :

  • une réduction de la charge administrative pour les Membres, l’OMD et le FMI n’envoyant plus qu’un questionnaire basé sur une terminologie et des définitions communes et intégralement fondé sur les normes, outils et instruments de l’OMD ;
  • l’établissement d’un cadre de référence pour une meilleure planification et une assistance technique, et un renforcement des capacités personnalisés ;
  • la garantie d’une complémentarité d’expertise, quelle que soit l’assistance fournie ;
  • l’évaluation des progrès réalisés, l’enquête servant aussi d’outil pour obtenir le soutien du ministère de tutelle en faveur de la réforme douanière et de l’attribution de ressources.

Afin de poser un cadre pour cet instrument, un protocole d’accord (PDA) avec le FMI a été rédigé. À la demande de certaines administrations, un délai supplémentaire a été accordé aux Membres de l’OMD pour leur permettre d’apporter leur contribution au texte du PDA qui devrait être signé en décembre 2018.

L’OMD continue également de mettre au point des outils et de partager les meilleures pratiques concernant le renforcement de la coopération douane-administrations fiscales au niveau national. Sur la base d’un document conceptuel sur le rôle de la douane dans le recouvrement des taxes indirectes sur les marchandises importées, en juillet 2017, la Commission de politique générale a chargé le Comité technique permanent d’élaborer un document d’orientation. Les travaux à ce propos sont en cours et le Secrétariat continue de recueillir les pratiques des Membres et de dialoguer avec les organisations internationales pertinentes telles que l’OCDE. En outre, des recherches sont menées pour examiner les différents modèles de travail et leurs processus et exigences. Le projet de texte devrait être prêt pour décembre 2018. Par ailleurs, quelques nouveaux domaines sont en cours d’étude en vue de futurs travaux notamment sur l’utilisation de la technologie des chaînes de blocs pour améliorer les processus opérationnels, le recouvrement des recettes et la lutte contre la fraude et la criminalité.

Flux financiers illicites

Le rapport d’étude sur les flux financiers illicites (FFI), que les dirigeants du G20 ont demandé à l’OMD de rédiger, a été adopté par le Conseil de l’OMD. Fruit d’une longue coopération entre le Secrétariat de l’OMD, les Membres, des instituts de recherche et d’autres organisations internationales, le rapport se centre sur les actions concrètes à mener pour lutter contre les FFI. Il reprend une série de recommandations invitant les pays, en particulier, à s’assurer que la douane dispose du mandat et des ressources nécessaires pour lutter contre la fausse facturation, qu’elle ait accès aux informations et aux technologies adéquates à cet effet et qu’elle puisse coopérer avec les autorités fiscales, les cellules de renseignement financier et d’autres organes pertinents.

Le Secrétariat de l’OMD poursuit le dialogue avec l’actuelle Présidence du G20, à savoir l’Argentine, et avec d’autres Membres du G20 afin de mobiliser un large soutien en faveur du rapport d’étude et de garantir qu’il soit transmis aux organes de travail appropriés du G20. Sur la base du Plan d’action de l’OMD sur les douanes et la lutte contre les FFI, il a continué également d’apporter une assistance technique aux administrations douanières, les encourageant en même temps à se doter du mandat nécessaire pour enquêter sur les FFI ou à œuvrer activement en faveur de l’établissement d’un cadre de coopération avec les autorités concernées. En outre, des ateliers régionaux sur les FFI, ciblant les flux d’espèces et le blanchiment d’argent sous le couvert d’opérations commerciales, ont été organisés pour les pays d’Afrique orientale et australe et d’Asie du Sud-Est. Des opérations de lutte contre la fraude visant la contrebande d’espèces se dérouleront également vers la fin de l’année 2018.

Mesure de la performance

De nombreux Membres de l’OMD ont exprimé leurs inquiétudes concernant les initiatives de mesure de la performance de la part d’autres institutions telles que le rapport Doing Business du Groupe de la Banque mondiale. Suivant des discussions à ce sujet lors de la session de la Commission de politique générale de décembre 2016, le Secrétariat a entamé un dialogue avec la Banque mondiale et l’équipe de la Banque mondiale chargée de préparer le rapport a convenu de veiller à solliciter la contribution des douanes, en envoyant son enquête à toutes les administrations, donnant ainsi à la communauté douanière la possibilité d’apporter son éclairage dans le processus. Quatre-vingt-seize pays ont répondu à l’enquête et la Banque a l’intention de publier les résultats de cette année, avec les contributions des douanes, en octobre 2018. Un représentant de la Banque expliquera d’ailleurs le travail mené dans le cadre de l’enquête Doing Business à l’occasion de la session de la Commission de politique générale de décembre 2018.

De plus, un nouveau groupe de travail de l’OMD sur la mesure de la performance a été créé pour examiner la possible mise au point d’un outil de mesure de la performance exhaustif de l’OMD, qui couvrirait tous les domaines de travail de la douane. Le Groupe de travail a également été invité à analyser les conclusions de l’enquête du Groupe de la Banque mondiale et des moyens éventuels pour l’améliorer. Le Groupe consultatif du secteur privé de l’OMD a été invité à le rejoindre.

Travaux futurs

Je souhaiterais rappeler que la liste des domaines prioritaires sera revue et adaptée au cours des mois prochains, sur la base des discussions sur le Plan stratégique de l’OMD pour la période 2019-2022 qui s’ouvriront lors de la session de la Commission de politique générale de décembre 2018. Le Plan sera ensuite présenté aux sessions du Conseil de l’année prochaine pour approbation.

En me centrant sur les domaines prioritaires actuels, je n’ai mis en avant que quelques-unes des activités menées et résultats obtenus au cours des derniers mois. D’autres activités de l’OMD sont présentées dans les articles qui suivent, sous les rubriques consacrées à chaque Direction de l’OMD.

J’espère que le compte-rendu de ce que l’OMD a accompli et projette de faire dans les mois à venir et toutes les autres thématiques choisies pour la présente édition du magazine susciteront votre intérêt. Bonne lecture !