Comment les ports néerlandais se sont préparés au Brexit
22 juin 2020
Par Bas van Amsterdam, Conseiller, Communication d’entreprise, PortbaseLorsqu’il s’agit de faire le choix le plus rentable pour distribuer les marchandises, les gestionnaires de la chaîne d’approvisionnement du monde entier disposent de quatre possibilités de transport : navire de haute mer, avion, train ou camion. Mais pour la distribution européenne, il y a une autre solution efficace : le transport maritime à courte distance[1] (TMCD).
La plupart des navires TMCD transportent des marchandises sur le marché intérieur de l’Union européenne (UE), c’est-à-dire des « marchandises de l’Union » qui ont été fabriquées dans l’UE ou qui sont en libre circulation au sein de l’Union. Ces marchandises peuvent être transférées à l’intérieur de l’UE sans formalités douanières[2].
En outre, la plupart de ces navires sont construits pour transporter des conteneurs, et leurs itinéraires sont reliés à des liaisons commerciales mondiales avec la haute mer. En conséquence, les conteneurs arrivant de la haute mer d’Asie ou des États-Unis dans l’un des principaux ports à conteneurs européens sont parfois chargés sur des navires TMCD pour être livrés à des destinations proches et des ports plus petits.
Les ferries sont également de grands acteurs du secteur. Ils transportent des marchandises dans des remorques qui, contrairement aux conteneurs, se présentent sous différentes formes et tailles, et la cargaison peut être accompagnée ou non accompagnée.
Le transport maritime à courte distance a connu une croissance et un développement discrets, et plusieurs ports considèrent ce commerce comme une priorité. Parmi ceux-ci figurent des ports néerlandais dont les routes à courte distance rallient l’ensemble de l’Europe, et notamment les pays baltes et scandinaves, ou encore le Royaume-Uni.
Brexit
Compte tenu de l’ampleur des échanges commerciaux et des opérations logistiques entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni, la décision de ce dernier de quitter l’UE a fait l’objet de nombreuses discussions au sein de la communauté néerlandaise du commerce et de la logistique. Les négociations sur le type de relations commerciales que le Royaume-Uni entretiendra avec l’UE sont toujours en cours, mais, quel que soit leur résultat, le Brexit créera une nouvelle réalité pour les chaînes logistiques entre les deux pays : le Royaume-Uni deviendra un pays hors Union douanière de l’UE et des formalités douanières seront donc introduites dans le trafic maritime à courte distance.
Les exploitants de ferries et les terminaux maritimes à courte distance, ainsi que les importateurs, les exportateurs et les prestataires de services logistiques qui transportent des marchandises en provenance ou à destination du Royaume-Uni, devront s’acquitter d’obligations nouvelles. Or ils opèrent dans une chaîne logistique qui n’est pas encore adaptée à cette situation. Le secteur des ferries sera le plus durement touché car il n’a pas d’expérience dans le traitement des formalités douanières, contrairement aux navires TMCD, qui les connaissent mieux car ils transportent également des marchandises vers l’Islande et la Norvège, qui ne sont pas membres de l’UE.
À la mi-2018, un groupe d’entreprises établies aux Pays-Bas a lancé une initiative pour examiner cette question et fournir une solution en vue du traitement automatisé des formalités douanières pour les entreprises qui souhaitaient continuer ou commencer à transporter des marchandises en passant par les ports néerlandais après le Brexit.
L’initiative
Les entités qui constituent ce groupe et qui travaillent d’arrache-pied depuis deux ans sont Portbase (l’organisation à but non lucratif qui a construit le Système communautaire portuaire néerlandais, permettant le partage de données entre les entreprises et l’échange d’informations avec les gouvernements), Deltalings (l’organisation des entrepreneurs portuaires), des groupes d’intérêts tels que Fenex (l’association professionnelle pour le secteur du transit) et Evofenedex (l’association professionnelle représentant les entreprises exportant, important et transportant des marchandises), la Douane néerlandaise, les autorités portuaires d’Amsterdam et de Rotterdam, les exploitants de ferries et les terminaux maritimes à courte distance.
Dans les ports néerlandais, la gestion administrative des conteneurs transportés en haute mer est entièrement automatisée – et avec succès – depuis plusieurs années, grâce au Système communautaire portuaire qui relie 4 700 entités impliquées dans la chaîne logistique. Les données fournies par toutes les entités de la chaîne d’approvisionnement sont partagées et réutilisées pour diverses notifications et déclarations. La réutilisation des données entraîne moins d’erreurs, accélère le processus logistique et réduit la responsabilité et la charge administrative des différentes parties. Les informations issues des processus B2G sont utilisées pour faciliter les processus B2B, et inversement. C’est ce qui rend les ports néerlandais plus intelligents et plus efficaces.
Le Système communautaire portuaire est géré par Portbase, filiale des ports d’Amsterdam (25 %) et de Rotterdam (75 %), qui est également en charge de l’infrastructure portuaire numérique et des processus de base dans tous les ports néerlandais. Organisme sans but lucratif, Portbase fonctionne selon le principe du recouvrement des coûts et occupe une position neutre au sein de la communauté portuaire.
À l’issue de plusieurs études, les entités participant au groupe sont parvenues à la conclusion que le Système communautaire portuaire utilisé pour gérer le transport de conteneurs en haute mer pourrait être remanié pour permettre aux acteurs de la chaîne de transport à courte distance de fournir et de partager des données par l’intermédiaire du système.
Coopération avec l’autorité douanière
La coopération avec la Douane néerlandaise a joué un rôle important dans l’élaboration de la solution. Cette dernière est connue comme l’une des administrations douanières les plus modernes au monde, notamment en raison de sa gestion efficace des processus. Sa devise est « repousser les frontières : une supervision intelligente avec un minimum de perturbations dans la chaîne logistique. » En conséquence, les transporteurs de l’arrière-pays qui ont recours à la procédure de gestion automatisée via le Système communautaire portuaire sont confrontés à des retards minimes aux frontières. Cette approche efficace est d’une grande valeur tant pour le gouvernement que pour le monde des affaires et renforce la position concurrentielle des ports néerlandais. La Douane néerlandaise a participé pleinement au projet d’adaptation du Système communautaire portuaire, fournissant les informations nécessaires et menant un dialogue ouvert pour élaborer la solution.
L’approche
À la fin décembre 2018, les membres du groupe se sont mis d’accord sur le processus d’importation et d’exportation et ont adopté une méthode uniforme visant à assurer le bon déroulement des formalités douanières et un flux régulier de marchandises dans les ports néerlandais. Une passerelle numérique unique – via Portbase – devait être créée pour tous les terminaux, tant pour les navires TMCD que pour les ferries. Toutes les parties y ont investi beaucoup de temps, discutant de l’évolution de la situation presque toutes les semaines.
Résultat : elles sont parvenues à mener à bien une tâche difficile en un laps de temps relativement court. Les ajustements nécessaires pour convertir les méthodes de travail existantes et efficaces en matière de transport par conteneurs en haute mer étaient achevés avant la première date butoir du Brexit, le 29 mars 2019. Cette solution crée une frontière numérique pour le transport par ferry et le transport maritime à courte distance à destination et en provenance du Royaume-Uni, où le traitement des formalités douanières s’effectue de manière automatisée. Le report du Brexit au 31 janvier 2020 – et la période de transition de 11 mois qui s’ensuivra – laisse aux entreprises encore plus de temps pour se préparer.
État des lieux
L’étape suivante consistait à annoncer la solution qui avait été mise au point. Une campagne de sensibilisation sous le slogan « Get Ready for Brexit » (« Préparez-vous au Brexit ») a été lancée, et un site web a également été mis en ligne. À l’heure actuelle, 80 % du volume transporté entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas via les terminaux maritimes néerlandais ont été enregistrés auprès de Portbase. Cela concerne principalement les grands transporteurs et les transitaires de gros volumes.
Les ports néerlandais ont maintenant pour défi de mieux faire connaître la procédure opérationnelle, tant au pays qu’à l’étranger, pour qu’un plus grand nombre de parties s’inscrivent auprès de Portbase, en particulier les petites entreprises néerlandaises et étrangères qui ne sont pas connues et sont, par conséquent, difficiles à identifier et à atteindre. Au cours des prochains mois, les ports néerlandais et le gouvernement néerlandais – et plus particulièrement la Douane néerlandaise – devront cartographier les 20 % restants du volume et toucher les entreprises responsables de ce volume.
Conclusion
Les ports néerlandais sont prêts et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour assurer un flux rapide de marchandises, en mettant en place des infrastructures numériques et physiques modernes. La collaboration avec la Douane néerlandaise a permis d’établir un mode de travail solide et efficace dans les ports néerlandais. Cette histoire illustre clairement que lorsque les organisations privées et publiques unissent leurs forces et travaillent ensemble, elles peuvent élaborer des solutions satisfaisantes pour tous.
En savoir +
www.getreadyforbrexit.eu
[1] Le transport maritime à courte distance désigne le transport maritime de marchandises sur des distances relativement courtes, par opposition au transport intercontinental en haute mer. Dans le contexte de l’UE, il se définit comme le transport maritime de marchandises entre les ports de l’UE (et parfois aussi les pays candidats et les pays de l’AELE), d’une part, et les ports situés dans l’Europe géographique, ainsi qu’en Méditerranée et en mer Noire, d’autre part.
[2] Dans certains cas, le statut douanier des marchandises de l’Union doit toutefois être prouvé lorsque les marchandises importées ont été transportées en passant par une région qui ne fait pas partie du territoire douanier de l’UE.