Rendre la collaboration numérique possible : retour sur le Modèle de données de l’OMD, ses dernières évolutions et les orientations concernant sa mise en œuvre
24 février 2022
Par le Secrétariat de l’OMDEn octobre 2021, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) rapportait qu’en dépit des interruptions liées à la COVID-19, le trafic de conteneurs dans les ports internationaux se maintient à des niveaux records ou proches de ces niveaux[1]. Même si la croissance dans le mouvement transfrontalier des marchandises n’est pas répartie de manière uniforme entre les pays, il n’est plus possible pour une agence de contrôle aux frontières telle que la douane de gérer manuellement les processus d’importation, d’exportation et de transit sans créer de perturbations importantes pour le commerce transfrontalier.
Les administrations des douanes suivent les évolutions en matière de numérisation depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, à quelques exceptions près, toutes font rapport du fait qu’elles utilisent l’un ou l’autre système informatisé aux fins du dédouanement. S’il est un premier enseignement qu’elles ont pu tirer, c’est que la transformation numérique de la douane ne se produit pas du jour au lendemain mais qu’elle est plutôt le fruit d’un cheminement, durant lequel de nombreuses solutions de TI doivent être mises à l’essai, compte tenu de l’évolution ou de l’émergence des technologies, allant du logiciel de base autonome pour l’encodage des données tirées des déclarations en douane aux systèmes multi-modules sophistiqués basés sur le web.
Un langage commun – une nécessité
Si le but premier et concret du déploiement de la technologie numérique est peut-être de transformer les procédures papier en régimes électroniques, il est tout aussi essentiel de rendre les systèmes interopérables avec d’autres systèmes. Les systèmes informatisés déconnectés construits en silos ne permettront pas de se débarrasser des goulets et des inefficacités.
Selon le Modèle de maturité de la douane numérique de l’OMD[2], la capacité d’un système de TI à interagir avec d’autres systèmes au niveau national – soit au sein d’une même organisation, soit avec d’autre services gouvernementaux dans un environnement de guichet unique – et au niveau international est le premier indicateur permettant d’évaluer le niveau de maturité d’une administration des douanes dans le domaine de la numérisation.
Pour que des individus puissent bien communiquer, il est essentiel qu’ils parlent notamment la même langue. Il en va de même pour la communication entre systèmes informatiques. Un langage commun est nécessaire pour s’assurer que l’information circule sans solution de continuité entre les différents systèmes de TI. À cet égard, l’OMD a mis au point et tient à jour le Modèle de données de l’OMD, à travers son Équipe de projets chargée du Modèle de données (EPMD).
Le Modèle de données de l’OMD est un ensemble de jeux de définitions de données et de messages électroniques clairement structurés, harmonisés, normalisés et réutilisables visant à répondre aux exigences opérationnelles et juridiques des organismes chargés de la réglementation des flux transfrontaliers (dont la douane) et responsables de la gestion des frontières. En tant que norme internationale, le Modèle de données de l’OMD est organisé de sorte que les exigences de données relatives aux diverses procédures transfrontalières puissent être définies d’une manière simple, cohérente et harmonisée, malgré leur nature complexe, mais aussi qu’elles soient faciles à comprendre.
Interopérabilité
Le Modèle de données de l’OMD est un langage universel pour les régimes douaniers, qui facilite la collaboration numérique interservices tant au niveau national qu’international. Il a également été créé pour simplifier la tâche des opérateurs économiques afin qu’ils puissent satisfaire à toutes les prescriptions réglementaires.
Conformément aux dispositions de l’Annexe générale de la Convention de Kyoto révisée (AG – CKR), les administrations des douanes conservent le droit de déterminer quelles sont les données requises aux fins de la déclaration en douane. Par conséquent, tout pays qui utilise le Modèle de données peut demander des données différentes. Toutefois, tous devraient faire usage d’un langage similaire et avoir harmonisé la manière dont les données exigées doivent être soumises.
En d’autres termes, où la norme est utilisée, les opérateurs économiques peuvent soumettre les données exigées en suivant la même modalité. Ainsi, ils ne devront pas recourir à différentes méthodes pour satisfaire aux exigences, ce qui réduit fortement les coûts et la complexité que suppose le respect des formalités à l’exportation et à l’importation, puisque les opérateurs peuvent essentiellement utiliser le même système pour répondre aux besoins de différentes administrations.
Il est utile de rappeler que l’objectif premier du Groupe des Sept (ou G7), composé des sept plus grandes économies dites avancées, lorsqu’il a pris l’initiative de créer le Modèle et a chargé l’OMD, en 2002, d’en assurer la tenue à jour et le développement, était justement de garantir l’interopérabilité des systèmes informatiques de l’entreprise au gouvernement, comme décrit ci-dessus. En uniformisant les exigences en matière de données à l’exportation et à l’importation, les dirigeants du G7 voulaient accroître la compétitivité nationale de leur pays.
Dernières évolutions
Le Modèle de données de l’OMD, qui vise à permettre une collaboration numérique sans discontinuité, a été mis au point pour répondre à toutes les exigences devant être satisfaites en matière de données aux fins des procédures règlementaires transfrontalières dans le cadre d’un guichet unique. Afin de simplifier l’architecture d’un tel environnement, les éléments du Modèle sont organisés en petits éléments constitutifs appelés dossiers d’information (DI). Chaque dossier d’information est un sous-ensemble du Modèle se référant à un contexte spécifique.
Certains dossiers d’information, tels que ceux sur la déclaration en douane ou le rapport de fret, sont directement liés aux régimes douaniers et sont par conséquent tenus à jour par les organes de travail de l’OMD. D’autres dossiers d’information portent sur les données exigées et les processus entrant dans le champ de compétences d’autres organisations internationales. L’OMD coopère en continu avec ces organisations pour s’assurer qu’elles demandent la création d’un dossier d’information lorsque les processus de notification et de rapport sont en passe d’être numérisés. Récemment, l’Équipe de projets chargée du Modèle de données de l’OMD (EPMD) a travaillé avec les secteurs du transport maritime, de la sécurité alimentaire, de la gestion des déchets et de la poste.
Formalités portuaires
L’EPMD apporte son soutien à l’Organisation maritime internationale (OMI) pour la mise à jour du Répertoire de l’OMI sur la simplification des formalités et le commerce électronique (également connu sous le nom Répertoire FAL de l’OMI). Ce Répertoire est un outil destiné aux développeurs informatiques qui travaillent à la conception des systèmes nécessaires pour transmettre ou recevoir, via l’échange de données électroniques, les informations requises pour l’arrivée, le séjour et le départ de navires, de personnes et du fret, et pour pouvoir y répondre. Le Répertoire FAL harmonise les éléments de données exigés concernant les escales et normalise les messages électroniques dans le but de simplifier les échanges d’informations dans le sens navire-côte et de faciliter l’interopérabilité des guichets uniques, réduisant ainsi la charge administrative en rapport avec les formalités portuaires pour les bateaux.
Le travail de collaboration entrepris par l’OMI et l’OMD a abouti à l’alignement du Modèle de données de l’OMD sur le Répertoire, et notamment à la création d’un dossier d’information dérivé (DID) FAL de l’OMI. La mise à jour du DID FAL a été incorporée à la version 3.11.0 du Modèle, qui a été publiée en décembre 2021. En outre, les orientations pratiques pour la mise en œuvre du Répertoire FAL de l’OMI en utilisant le Modèle de données de l’OMD ont été achevées et publiées, avec notamment un Guide de mise en œuvre des messages qui offre des informations techniques complémentaires pour les exécutants.
Pour promouvoir le DID FAL de l’OMI auprès des autorités et opérateurs maritimes, l’OMD travaille depuis quelque temps avec l’Association internationale des ports (IAPH). Les deux organisations ont récemment décidé d’élaborer ensemble des Directives sur la coopération douanes – autorités portuaires, afin d’appuyer les efforts de communication et de promouvoir par ailleurs la convergence et l’intégration des guichets uniques douane – secteur maritime.
Certification électronique de la sécurité alimentaire
L’Équipe de projets chargée du Modèle de données de l’OMD a également apporté son soutien aux initiatives de numérisation dans le domaine de la certification de la sécurité alimentaire. Elle a contribué aux travaux du groupe de travail électronique du Comité du Codex sur les systèmes d’inspection et de certification concernant l’importation et l’exportation de produits alimentaires (CCFIS) pour mettre à jour les Directives pour la conception, la production, la délivrance et l’utilisation de certificats officiels génériques. Les Directives actualisées indiquent que le Dossier d’information dérivé (DID) CODEX du Modèle de données doit être utilisé comme modèle de base pour l’élaboration de certificats d’homologation dématérialisée des produits alimentaires dans la lignée du modèle de données de référence du CODEX. La Commission du Codex Alimentarius (CCA) a approuvé les Directives actualisées en novembre 2021 et les travaux pour aligner le DID du Modèle sur les exigences amendées du CODEX en matière de données ont commencé.
Envois postaux
L’Union postale universelle (UPU) et l’OMD ont mis au point conjointement le CUSITM, un message électronique normalisé ayant vocation à être utilisé par les opérateurs postaux pour transmettre aux autorités douanières des informations concernant un article expédié par la poste, et le CUSRSP, un autre message permettant aux douanes de répondre au message CUSITM. Les deux messages ont été alignés sur le Modèle de données de l’OMD et un DID afférent a été créé. Toutefois, ce DID n’a été inclus que dans l’Annexe aux Normes communes relatives aux messages.
En 2020, le groupe « Normalisation » de l’UPU a proposé que les deux normes de message soient revues pour inclure des données relatives aux processus de renvoi sur le fret avant chargement à des fins de sécurité. L’EPMD a non seulement aligné les DID du Modèle relatifs aux envois postaux mais a également exigé qu’ils soient inclus dans la partie principale des spécifications concernant les messages. L’objectif était de s’assurer que la douane et les opérateurs postaux utilisent le Modèle pour mettre au point des systèmes qui permettent l’échange de renseignements électroniques douane – poste. Cet élément revêt une importance cruciale pour les administrations des douanes, dans la mesure où elles peuvent dès lors traiter adéquatement les données provenant des opérateurs postaux et d’autres administrations douanières dans leur système de dédouanement automatisé ou de gestion des risques. Lors de sa réunion de novembre 2021, le Comité de contact OMD-UPU a approuvé les changements apportés aux Normes communes de message, ainsi que les Guides de mise en œuvre des messages.
Procédure de notification et de consentement relatifs au mouvement des déchets
La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination prévoit un système de contrôle concernant les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et autres. Les Parties à la Convention sont tenues de mettre en place une procédure de notification et de consentement dite procédure d’information et de consentement préalables (PIC). Le Secrétariat de l’OMD a entamé une collaboration avec le Secrétariat de la Convention de Bâle en vue d’examiner les possibilités de créer un système qui permettrait d’automatiser la procédure. Des projets pilotes sur l’échange électronique de renseignements et d’autres initiatives pourraient être lancés dans les prochains mois, en fonction des discussions de la quinzième Réunion de la Conférence des Parties à la Convention de Bâle, qui doit se tenir en juin 2022. L’utilisation de la « DangerousGoods Class » ou « Classe ProduitsDangereux »[3] (ID OMD 12C) pourrait être le point de départ pour pouvoir avancer dans ce domaine et faciliter la dissémination d’informations à travers et entre les environnements de guichet unique dans différentes juridictions, et ce de manière normalisée et harmonisée.
Le Modèle à présent disponible via une appli web
L’EPMD s’est engagée à publier des versions annuelles du Modèle de données de l’OMD afin de le tenir à jour. Une procédure de modification transparente a été mise en place pour permettre aux parties intéressées de proposer des changements au Modèle. L’OMD a publié la version 3.11.0 du Modèle en décembre 2021, qui est l’aboutissement du processus d’examen des demandes de modifications mené par l’EPMD de septembre 2020 à mai 2021.
Comme mentionné plus haut, outre l’incorporation des modifications demandées par les Membres, la version 3.11.0 offre pour la première fois deux nouveaux Guides de mise en œuvre des messages, l’un pour la mise en œuvre du Répertoire FAL de l’OMI et l’autre pour la mise en œuvre des Normes relatives aux messages OMD – UPU.
Les précédentes versions du Modèle de données de l’OMD ont été publiées sur le site Web de l’OMD en format téléchargeable. La version 3.11.0 est publiée en tant qu’application[4] web (appli), dans le but d’améliorer l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il travaille avec le Modèle. L’appli affiche les composants du Modèle de données de l’OMD et aide les utilisateurs à naviguer facilement à travers les différents objets de données du Modèle, tels que les classes, les éléments de données et les modèles d’information.
Conformément à la Décision du Conseil de l’OMD de décembre 2020, le Modèle de données de l’OMD est mis à la disposition de toutes les parties intéressées gratuitement. Les entités et individus souhaitant accéder au Modèle de données de l’OMD doivent se connecter à l’appli et consulter les conditions générales.
Directives sur la mise en œuvre
L’objectif ultime du Modèle de données de l’OMD est d’assurer l’interopérabilité des systèmes au niveau mondial. À cette fin, il devra être adopté par le plus grand nombre possible de Membres de l’OMD.
Pour accroître le niveau d’adoption du Modèle, il est essentiel que les instruments juridiques internationaux y fassent explicitement référence. L’examen complet de la Convention de Kyoto révisée (CKR), actuellement en cours, offre quelques possibilités en ce sens. L’EPMD estime qu’il est essentiel que le Modèle soit inclus dans le corps de la Convention, afin de pouvoir avancer sur le front de l’interopérabilité à l’échelon mondial.
Néanmoins, les Membres de l’OMD se sont déjà engagés à adopter le Modèle lorsqu’ils ont adopté la Recommandation du Conseil de coopération douanière relative à l’utilisation du Modèle de données de l’OMD. Cette recommandation demande aux Membres qu’ils :
- adoptent le Modèle de données de l’OMD pour identifier et définir toutes les données officielles exigées aux frontières dans le cadre des formalités préalables à l’arrivée et au départ et des procédures à l’importation, à l’exportation et en transit.
- utilisent les éléments de données de l’OMD, leurs noms et leurs numéros de référence (ID de l’OMD), leurs descriptions et les modes de représentation de leurs caractères (y compris les listes de codes suggérées) pour décrire et composer les messages électroniques.
- utilisent les messages électroniques normalisés décrits dans le Modèle de données de l’OMD pour les échanges de données électroniques entre les gouvernements ainsi qu’entre les gouvernements et les entreprises.
Les Membres de l’OMD qui envisagent d’adopter le Modèle peuvent prendre les mesures suivantes :
- Déterminer les domaines de mise en œuvre – le Modèle couvre de nombreuses procédures en lien avec la législation douanière (comme les importations, les exportations, le transit, le rapport de fret, le manifeste, ou encore les opérateurs économiques agréés), ainsi que les lois et réglementations sur le commerce (comme l’origine, les aspects phytosanitaires, la sécurité alimentaire, la santé animale, les espèces menacées, l’environnement ou les biens culturels).
- Déterminer les exigences en matière de données dans le cadre du processus choisi, ce qui implique de tenir compte de la liste des données requises pour chaque processus sélectionné. Cette étape pourrait être menée en examinant le cadre légal existant, qui peut inclure une liste des éléments de données dans l’une de ses Annexes techniques, les bases de données des systèmes d’informations existants ou encore les champs de données utilisés dans les formulaires papier. Lorsque le processus choisi implique différents organismes gouvernementaux, chaque agence impose généralement ses propres obligations en matière de données ; ces dernières devront être harmonisées. En d’autres termes, les exigences de données devront être regroupées sur la base de leur signification et de leur but, et les éléments de données similaires devront être rapprochés afin de n’en former plus qu’un.
- Cartographier la liste des exigences de données nationales (ou régionales) par rapport au Modèle de données de l’OMD et mettre au point un « Mon dossier d’information » (MDI) – les éléments de données choisis devront ainsi correspondre au Modèle. Les résultats de l’exercice de cartographie permettront de créer un MDI, qui deviendra un sous-ensemble du Modèle. Idéalement, tous les éléments de données devraient trouver leur pendant dans le Modèle de données. Dans le cas contraire, les éléments qui ne peuvent être appariés devront être repris dans le MDI en tant qu’extensions. En soi, le MDI pourrait révéler le niveau de conformité d’un jeu de données national par rapport au Modèle. Les « extensions » devraient être temporaires, ce qui implique que des solutions devraient être trouvées pour ces éléments de données.
- Appliquer le MDI au système informatique – le MDI fait fonction de schéma directeur en matière de données et devrait guider la conception globale des données du système. L’application du Modèle de données de l’OMD à un système informatique garantit que le système pourra recevoir et/ou produire des données qui sont conformes au cahier des charges du Modèle. Idéalement, cette étape devrait être entreprise une fois qu’il ne reste plus d’extensions dans le MDI, en vue de garantir une conformité maximale par rapport au Modèle de données de l’OMD.
Les opérateurs économiques
En mettant le Modèle à la disposition des opérateurs économiques gratuitement, l’OMD espère qu’un plus grand nombre d’entreprises l’adopteront. Si les opérateurs économiques doivent s’aligner sur le Modèle pour satisfaire aux exigences des organismes chargés de la réglementation des frontières, ils peuvent également l’utiliser pour leurs procédures commerciales. Bien que le Modèle n’ait pas été mis au point pour contribuer à la numérisation des documents commerciaux, il couvre bien certains des éléments de données que l’on retrouve dans ce type de documents, comme les factures, les listes de colisage ou encore les connaissements. Cet alignement permettra à l’information de circuler sans solution de continuité tout le long de la chaîne logistique, aux différentes parties prenantes de la chaîne logistique de réutiliser les données facilement et à tout un chacun d’améliorer l’intégrité et la qualité des données.
En savoir +
http://datamodel.wcoomd.org
[1] https://www.wto.org/french/news_f/pres21_f/pr889_f.htm
[2] Page 18, Guide sur la TI pour les cadres supérieurs http://www.wcoomd.org/fr/topics/facilitation/instrument-and-tools/tools/it-guide-for-executives.aspx
[3] Dans le contexte du Modèle de données de l’OMD, une classe est en l’essence un groupe d’éléments de données qui offre des informations détaillées ou spécifiques relatives aux transactions transfrontalières. La « classe ProduitsDangereux », par exemple, inclut les spécifications techniques des produits dangereux, leur type de polluant, leur point d’ignition, leur code réglementaire, etc.