Les laboratoires des douanes aux États-Unis: en première ligne pour lutter contre la fraude
10 juin 2015
Par Marcy Mason, journaliste couvrant les questions relatives au commerce pour l’Administration douanière et de protection des frontières des États-Unis (CBP)À la fin du mois de décembre 2010, une affaire judiciaire éclatait à Seattle portant sur du miel de contrefaçon. Chung Po Liu, un homme de 70 ans originaire de Bellevue dans l’État de Washington, se voyait condamné à un an et un jour de prison et sommé de payer la somme de 400 000 dollars d’amende pour avoir importé du miel chinois sous une fausse déclaration d’origine.
Liu avait en effet tenté d’éviter de payer quelque 2,9 millions de dollars de droits antidumping pour ce miel, qui avait transité par les Philippines et par la Thaïlande, où il avait été ré-étiqueté. Ce n’est pas seulement le trésor américain qui aurait eu à pâtir de la supercherie, la santé des citoyens américains était également en jeu. En effet, une partie du miel était contaminé.
Lorsque les envois sont arrivés au port de Seattle, des échantillons de miel ont été envoyés aux laboratoires de la CBP. C’est là que la véritable origine du miel a été percée à jour et qu’une contamination à la ciprofloxacine, un antibiotique considéré comme un additif alimentaire dangereux et interdit aux États-Unis, a été établie.
Peu de personnes en dehors des milieux commerciaux sont conscientes du rôle essentiel que jouent les laboratoires de la CBP en matière de protection des citoyens et de l’économie. Pourtant, le travail des laboratoires est extrêmement important afin d’éviter que les produits de contrefaçon ou de mauvaise qualité et tout autre type de marchandises douteuses n’arrivent sur le marché. « Pour déterminer si les marchandises sont frauduleuses, une analyse technique est nécessaire», explique Ira Reese, directeur exécutif de la Division laboratoires et services scientifiques de la CBP. « Ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire par un simple contrôle ou en jetant un rapide coup d’œil. Une analyse détaillée par des scientifiques est indispensable. »
Comme le souligne Ira Reese, « les produits ne cesseront d’être importés de façon irrégulière que si nous agissons pour arrêter ces envois. D’un point de vue juridique, il est très difficile de monter un dossier sans preuves matérielles ». Et M. Reese d’ajouter : « Nos laboratoires présentent les preuves matérielles nécessaires pour la continuation d’une enquête ou le déclenchement de poursuites judiciaires. Ils fournissent le raisonnement juridique ou le motif probable qui justifie la saisie des produits de façon à ce qu’ils n’entrent pas sur le marché des États-Unis et qu’ils ne finissent pas dans les rayons des magasins ».
Au fil des années, les laboratoires de la CBP ont analysé une multitude de marchandises suspectes. Dans les années 1950, ils commencèrent à procéder à des analyses sur les marchandises afin de détecter les contrefaçons et ce, au sein du Service douanier des Etats-Unis, un des ancêtres de la CBP. « Des enquêtes de grande envergure ont été lancées concernant l’importation de faux brandy constitué d’alcool mélangé à des arômes et à du colorant caramel », raconte Ira Reese. Au fil du temps, les laboratoires ont étendu leurs analyses à d’autres produits de contrefaçon ou non conformes. Toutes sortes de marchandises étaient analysées, y compris des vêtements de créateurs, des sacs à main, des chaussures, des bijoux, des parfums, des jouets, des ordinateurs, des médicaments et bien d’autres encore.
Marchandises dangereuses
Si les pertes économiques pour les entreprises américaines sont exorbitantes et représentent au bas mot des centaines de millions de dollars par an, il y a plus troublant encore : de nombreuses contrefaçons sont dangereuses.
« Les contrefacteurs utilisent n’importe quel matériel à leur disposition pour copier un produit licite, peu importe si c’est dangereux. Ce qui compte pour eux, c’est de se faire de l’argent », affirme Stephen Cassata, conseiller scientifique principal, travaillant au siège de la Division laboratoires et services scientifiques de la CBP à Washington D.C. « Ils ne paient pas de droits de licence à un titulaire de droits légitime et il n’y a pas de véritable contrôle de la qualité sur ces produits. Par exemple, vous pourriez porter des vêtements qui contiennent encore des solvants chimiques dans le tissu et qui risquent de vous irriter la peau. »
De fait, les dangers peuvent être plus grands encore. En 2007, les laboratoires de la CBP étaient sur le qui-vive lorsque des chats et des chiens ont commencé à mourir après avoir ingurgité de la nourriture pour animaux contaminée à la mélamine. « Ça a duré environ six mois », se souvient Ira Reese. « Au lieu d’inclure une protéine coûteuse dans leurs produits, ils ont utilisé de la mélamine, un produit chimique à bas prix intervenant dans la fabrication du plastique. Ça a coûté la vie à beaucoup de chiens et de chats, qui sont morts d’insuffisance rénale. »
Cette même année, les laboratoires de la CBP ont également découvert qu’un dentifrice contenait du diéthylène glycol, un produit chimique toxique présent dans l’antigel. « Les gars sur le terrain avaient des doutes sur ce produit et ils nous ont envoyé quelques échantillons », ajoute M. Reese. « Nous avons confirmé leurs soupçons. »
Les laboratoires de la CBP ont également découvert d’autres produits de contrefaçon extrêmement dangereux qui pourraient nuire aux consommateurs peu méfiants. « J’ai procédé à une analyse chimique sur un colis contenant des médicaments, qui avait été envoyé au labo de Chicago par l’un de nos agents », raconte Mike McCormick, responsable scientifique de la CBP. « Il y avait deux ingrédients actifs utilisés pour traiter le dysfonctionnement érectile dans un même comprimé, à savoir du citrate de sildénafil et du tadalafil, qui sont les ingrédients actifs du Viagra et du Cialis, respectivement. L’association des deux produits n’a pas été cliniquement testée ni approuvée, donc on ne connaît pas les effets que ce médicament pourrait avoir. »
De même, les laboratoires de la CBP sont directement confrontés à presque tous les problèmes d’ordre économique ou de sécurité impliquant des importations ou exportations potentiellement frauduleuses. Par exemple, depuis 2003, c’est-à-dire depuis que le Département du Commerce des États-Unis a institué un droit de douane antidumping sur certaines espèces de poisson dans le but de protéger l’industrie nationale du poisson-chat, le laboratoire de la CBP à New York teste les produits de la pêche pour identifier les poissons mal étiquetés.
Le problème est survenu à cause du pangasius. Ce poisson vietnamien, qui a une ressemblance frappante avec le poisson-chat, était vendu en-dessous d’une juste valeur marchande, avec des conséquences néfastes sur les ventes de poissons-chats américains. Afin de compenser cette concurrence déloyale, le pangasius avait été inclus dans la liste des espèces soumises à un droit antidumping, mais cette mesure a, à son tour, abouti à des fraudes sur l’étiquetage du poisson afin de le faire passer pour tout et n’importe quoi, de la sole au flétan en passant par le mérou.
Le laboratoire de la CBP de New York a d’abord eu recours à un examen des protéines pour identifier les poissons. « Nous examinions les protéines dans le poisson afin d’identifier le poisson-chat et les trois espèces qui étaient citées dans l’ordonnance antidumping », explique Laura Goldstein, directrice du laboratoire de la CBP de New York. Cette technique exigeait d’avoir sous la main des échantillons de chaque type de poisson de façon à pouvoir les comparer côte à côte avec les échantillons à l’examen pour vérifier si les protéines correspondaient.
Tests ADN
Avec le temps, le test des protéines est devenu désuet et le laboratoire de New York a découvert une technique plus avancée pour identifier les espèces : les codes-barres génétiques. Les espèces sont identifiées en utilisant un fragment d’ADN provenant du matériel génétique de l’organisme en question. Il est essentiel dans le processus de codage à barres d’ADN de disposer d’une base de données qui contient une bibliothèque des identificateurs d’espèce.
« Nous comparons les échantillons soumis au labo avec les espèces connues de la base de données », indique Mme Goldstein. « Nous faisons ce que l’on appelle un test ADN non humain. Il s’agit d’identifier une espèce plutôt qu’un individu, tandis qu’un test ADN humain vise à identifier un individu en particulier. »
La base de données contient les codes-barres d’ADN de plus de 2 millions de spécimens de plantes et d’animaux, y compris quelque 14 000 espèces de poissons, à l’exception des fruits de mer. « Lorsque nous utilisions notre ancienne technique, nous avions besoin d’échantillons authentifiés qui étaient très difficiles à obtenir, ce qui nous limitait », précise Mme Goldstein. « Maintenant, nous pouvons simplement prendre notre échantillon inconnu, le comparer aux spécimens dans la base de données et analyser les résultats. Nous pouvons identifier une gamme plus large de produits. » Le test ADN est également plus précis. « Soit, il y a correspondance, soit il n’y en a pas. C’est aussi simple que cela. Et les correspondances représentent un taux de probabilité de 98 % ou plus», ajoute Laura Goldstein.
Mais comment tout cela protège-t-il les citoyens américains ? « Nous examinons les espèces et essayons de voir si le produit est bien ce qu’il est censé être, s’il s’agit bien de ce qui est importé ou présenté à la vente », poursuit Mme Goldstein. « Nous analysons également le poisson pour détecter la présence de polluants tels que les antibiotiques et les antifongiques que nous ne voulons pas retrouver dans notre assiette. Dans certains cas, nous travaillons avec d’autres agences qui examinent les produits vendus ici, aux États-Unis. »
Ces derniers mois, des études à haut niveau concernant la fraude sur les produits de la mer ont particulièrement attiré l’attention des autorités sur les problèmes d’étiquetage des poissons. « C’est un éternel problème », explique Matt Fass, président de Maritime Products International, une société située à Newport News, en Virginie, qui importe, exporte et distribue des produits de la mer en provenance du monde entier. « Au niveau de notre secteur, nous avons fourni beaucoup d’efforts pour nous auto-réglementer mais la coopération avec les services gouvernementaux nous est très utile car ils peuvent utiliser des outils efficaces tels que les tests ADN. En tant que consommateurs, les gens devraient savoir ce qu’ils achètent et ce qu’ils mangent.»
Miel contaminé
Au début des années 2000, le miel est devenu un autre sujet de préoccupation pour les laboratoires de la CBP. « Les Chinois importaient du miel aux États-Unis à un prix très concurrentiel et ils mettaient en danger notre industrie nationale », explique Carson Watts, directeur du laboratoire de la CBP à Savannah en Géorgie.
En 2001, après que le Département du Commerce des États-Unis a imposé des droits antidumping élevés pour le miel chinois, certaines grandes entreprises américaines spécialisées dans le miel se sont tournés vers le laboratoire de Savannah. Les exportateurs chinois avaient trouvé le moyen de contourner les droits antidumping et les entreprises américaines souhaitaient que les scientifiques de la CBP protègent tant bien que mal le secteur au niveau national.
« À l’époque, nous n’étions pas capables de dire d’où provenait le miel importé », indique M. Watts. « Nous nous sommes rendu compte, par contre, que les Chinois utilisaient du chloramphénicol comme antibiotique pour éviter les maladies dans les ruches et ce produit se retrouvait dans le miel. Alors, la toute première chose que nous avons faite a été de procéder à des tests spécifiques pour détecter la présence de cet antibiotique dans le miel. S’il contenait du chloramphénicol, on était à peu près certain que le miel provenait de Chine. »
Le chloramphénicol étant interdit dans les produits alimentaires, le miel contaminé n’aurait pas été autorisé aux États-Unis. « Une petite partie de la population, si elle est exposée au chloramphénicol, risque d’attraper une affection que l’on appelle l’anémie aplasique, un trouble sanguin qui peut être mortel », explique Carson Watts.
Les exportateurs chinois n’ont pas mis longtemps à trouver la parade. « Pendant une courte période de temps, le chloramphénicol a disparu », se souvient Carson Watts. « Ils savaient que nous l’utilisions comme repère pour identifier le miel provenant de Chine. » Heureusement, avec le temps, le laboratoire de Savannah s’était déjà doté d’une base de données pour déterminer l’origine géographique du miel.
En effet, lorsque les entreprises apicoles américaines avaient visité le laboratoire quelques années auparavant, les scientifiques de la CBP leur avaient demandé leur aide. « Nous leur avons dit que l’une des spécialités du labo de Savannah était l’identification du pays d’origine sur la base d’une analyse des traces de métaux », précise M. Watts. Autrement dit, le miel pouvait être identifié en détectant simplement les traces de métaux présents tels que le chrome, le fer ou le cuivre. « Nous avons expliqué à ces entreprises que si elles nous aidaient à obtenir du miel de certains pays clés, alors nous pourrions être capables de développer un profil indiquant d’où provenait le miel. »
Ensuite, les exportateurs chinois ont commencé à transborder les cargaisons de miel par différents pays. « Le miel partait vers la Thaïlande, passait par la Malaisie, puis l’Inde et plusieurs autres pays », explique Carson Watts. Puisque les exportateurs chinois avaient changé leurs itinéraires de transbordement, le laboratoire de Savannah a dû obtenir des échantillons de miel de chacun des pays. « Nous les suivions littéralement à la trace dans le monde entier », se souvient M. Watts.
Changement de stratégie
Par la suite, les exportateurs chinois ont changé de stratégie. Cette fois, les envois venaient de Chine mais ils n’étaient pas déclarés comme du miel. Les documents d’expédition présentaient le fret comme du sirop de sucre. « Ils ont commencé à frelater le miel avec des sirops de sucre pour contourner les droits antidumping », explique M. Watts. Avec l’ajout de sirop de sucre, les tests sur le produit n’indiquaient plus qu’il s’agissait de pur miel chinois. Par ailleurs, si le pourcentage de sirop était suffisamment élevé, le fret ne pouvait plus être soumis aux droits antidumping.
Selon M. Watts, « l’ingrédient le moins cher pour frelater du miel est le sirop de maïs à haute teneur en fructose ». Tandis que les exportateurs chinois et les douaniers américains continuaient de jouer au chat et à la souris, le laboratoire de Savannah a découvert qu’il pouvait détecter ce sirop en identifiant les différences dans les atomes de carbone.
« Près d’une année s’est écoulée avant qu’une fois encore, les exportateurs chinois ne trouvent la parade et optent pour du sirop de riz à haute teneur en fructose », raconte M. Watts. Le pourcentage en sirop de riz à haute teneur en fructose était indécelable parce qu’il n’était pas possible de différencier les atomes de carbone du sirop de ceux du miel. Le Département du Commerce a alors modifié l’ordonnance antidumping afin qu’elle stipule que le miel chinois importé contenant du sirop de riz, quelle qu’en soit la quantité, soit soumis à des droits antidumping. Actuellement, ces derniers peuvent atteindre 2,63 dollars par kilogramme.
Très récemment, les exportateurs chinois ont adopté une nouvelle stratégie. Désormais, il ne s’agit plus d’envois de miel mais de sirop de riz à 100 % et les documents d’expédition sont corrects. Carson Watts précise : « La semaine dernière, nous avons analysé un échantillon en laboratoire et en effet, il ne contenait pas du tout de miel. En revanche, l’emballage du produit pour la vente au détail affirme qu’il s’agit de miel pur. Ils essaient de berner les gens purement et simplement ».
Des boulons non conformes
Les dangers occasionnés par les éléments de fixations et boulons non conformes et de contrefaçon ont été très médiatisés du milieu jusqu’à la fin des années 1980, période pendant laquelle ils ont été mis en cause pour de graves défaillances dans le domaine de la construction et de la mécanique, qui, dans certains cas, ont causé la mort de plusieurs personnes. En 1990, le Fastener Quality Act (loi sur la qualité des éléments de fixation) est entré en vigueur : cette loi exige que fixations et boulons répondent à certaines normes concernant leur résistance, leur dimensionnement et le marquage du fabricant.
Au laboratoire de la CBP de Chicago, on teste la résistance des éléments de fixations et des boulons à la traction en utilisant une machine universelle pesant environ 180 tonnes. « Il s’agit d’un grand poussoir à commande hydraulique sur laquelle on fixe la partie supérieure du boulon. Le dispositif peut soulever jusqu’à 200 tonnes », précise Ernie MacMillan, directeur adjoint du laboratoire de la CBP de Savannah. « Pour tester la résistance des boulons, nous tirons dessus jusqu’à ce qu’ils cassent. Quand nous en avons terminé, le boulon ressemble à un carambar ». Une des fixations les plus résistantes est un boulon de classe de résistance 10.9 mesurant 38 mm. « C’est assez solide pour soulever 17 grands éléphants d’Afrique sans casser », ajoute M. MacMillan.
Les laboratoires de la CBP analysent également la dureté des boulons, plus particulièrement au niveau de la surface. « Nous analysons la dureté de la surface des boulons car l’acier est traité à la chaleur. Quand le boulon est chauffé, la surface en acier peut gagner ou perdre des atomes de carbone. S’il perd en carbone, il devient trop mou. S’il gagne en carbone, il devient trop cassant. Le boulon doit en fait se situer quelque part entre les deux. »
Les boulons sont encore soumis à d’autres tests pour vérifier leur composition chimique ainsi que le marquage du fabricant. Selon Ernie MacMillan, « un élément de fixation ou un boulon est immédiatement suspect s’il ne porte aucune référence au fabricant. En soi, il s’agit déjà d’une violation du Fastener Quality Act, qui précise qu’il doit porter la marque du fabricant. Dès que vous en voyez passer sans marquage, vous savez qu’il y a un problème ».
Les laboratoires de la CBP apportent aussi assistance à d’autres agences gouvernementales. En 2010, les envois de miel provenant de Mongolie ont été passés au crible dans le but de confirmer le pays d’origine et il a été découvert que le miel provenait en réalité de Chine et qu’une partie des produits avait été contaminée par des antibiotiques. Les envois ont été saisis et l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (US Food and Drug Administration-FDA) a été avertie.
La FDA a tenté de contacter l’importateur mais l’envoi a été abandonné et aucun importateur n’a été retrouvé. Elle a donc ouvert une enquête. « Nous avons retrouvé des milliers de pages de documents frauduleux provenant de différents importateurs. C’est ce qu’on appelle des sociétés-écrans sans véritable adresse. Elles soumettent des statuts mais il n’y a personne qui les représente aux États-Unis. En réalité, elles sont en Chine. Les seules personnes présentes ici sont des transitaires et des courtiers à leur solde », explique Nicholas Lahey, enquêteur du service des opérations d’importation du district de Los Angeles au sein de la FDA.
L’enquête a toutefois permis de déterminer que ces entreprises factices passaient notamment par un petit groupe de transitaires. La FDA les a suivis de très près et, en 2012, s’est intéressée à un envoi de jus de pomme qu’un des transitaires gérait pour un client. « Figurez-vous qu’il ne s’agissait pas de jus de pomme chinois mais de miel chinois contaminé contenant des traces d’arsenic, de plomb et d’antibiotiques. », se souvient M. Lahey. « Nous n’aurions jamais analysé le jus de pomme si nous n’avions pas mené cette enquête, qui n’aurait jamais vu le jour, après tout, si les laboratoires de la CBP n’avaient pas voulu déterminer le pays d’origine de ces marchandises. »
Cela a encouragé la FDA à chercher plus loin. « Nous avons trouvé beaucoup d’autres entreprises qui importaient différentes marchandises et pas uniquement du miel. Il y avait des compléments alimentaires et d’autres produits réglementés par la FDA. Ça a déclenché une réaction en chaîne et tout cela, à nouveau, grâce aux résultats de tests menés par les laboratoires de la CBP deux ans auparavant », raconte Nicholas Lahey.
Du matériel électronique contrefaisant
Parmi les marchandises les plus sujettes à la contrefaçon analysées par les laboratoires de la CBP, on retrouve le matériel électronique. « Nous avons d’abord remarqué un problème de contrefaçon au début des années 1990, quand nous avons commencé à nous pencher sur les composants électroniques », se souvient Jenny Tsang, directrice adjointe du laboratoire de la CBP de San Francisco. « Par la suite, on n’a plus rien vu pendant un certain temps mais, ces dernières années, nous voyons passer beaucoup de puces, de routeurs, de commutateurs et d’autres produits électroniques de contrefaçon. »
Selon Mme Tsang, la réutilisation des puces est une technique particulièrement répandue. « De nos jours, on envoie les déchets électroniques en Chine ou en Inde afin de les recycler. Au lieu de jeter ces pièces, les contrefacteurs retirent les puces, grattent les marques d’identification d’origine délivrées par le fabricant et y apposent de fausses dates, de faux marquages et de faux codes produit pour les revendre en tant que produits neufs. »
« Nous avons aussi retrouvé beaucoup de composants qui étaient au départ authentiques mais qui ont ensuite été maquillés pour ressembler à des produits du même fabricant mais de bien plus grande valeur. Les contrefacteurs peuvent donc les revendre à un prix bien plus élevé. Il est presque impossible pour les consommateurs d’identifier à l’œil nu les produits électroniques contrefaisants», précise-t-elle.
Les dangers présentés par les ordinateurs, les routeurs et les puces factices sont bien connus. Selon la Electronic Components Industry Association (Association de l’industrie des composants électroniques), les faux composants électroniques et informatiques ont fait perdre environ 100 milliards de dollars par an aux industries de l’électronique et des technologies de l’information.
La gravité du problème s’étend bien au-delà des pertes économiques occasionnées aux entreprises américaines. « Non seulement les contrefaçons mettent la marque Cisco en danger mais elles mettent aussi potentiellement en danger tous les réseaux qui utilisent ces produits ainsi que les personnes qui entrent en contact avec elles », déclare Paul Ortiz, ancien directeur du département de protection de la marque Cisco Systems Inc., une entreprise leader dans le secteur de l’informatique en réseau.
« Si une puce ne répond pas aux normes, si sa température augmente ou si elle ne fonctionne pas correctement, elle peut représenter un problème de sécurité majeur. Les puces contrefaisantes présentes dans un ordinateur peuvent endommager l’infrastructure, ce qui pourrait potentiellement paralyser la fluidité des échanges et les systèmes de sécurité de notre pays », ajoute Jenny Tsang.
La menace des maliciels
Les experts craignent de plus en plus que des maliciels ne soient intégrés dans les puces électroniques. Les maliciels sont des logiciels malveillants spécialement conçus pour endommager ou perturber un système informatique. « Ils pourraient couper le réseau électrique d’une ville ou d’une salle d’opération. Les possibilités sont infinies », indique Mme Tsang. De même, ces maliciels permettent à un tiers d’avoir accès à des renseignements confidentiels concernant les personnes mais aussi l’État.
Le laboratoire de la CBP de San Francisco recourt à une série de techniques d’essai afin d’éliminer les produits contrefaisants. L’année dernière, le laboratoire a fait l’acquisition d’un nouvel appareil à rayons X lui permettant d’examiner jusqu’à mille puces à la fois. « Nous vérifions s’il y a des incohérences dans la configuration des puces », précise Jenny Tsang. Le laboratoire analyse également leur surface. « Nous utilisons plusieurs types de solvants. Nous menons des tests pour voir si le revêtement se décolle. C’est un des éléments indiquant que la puce en question pourrait être une contrefaçon. »
Si une puce, un composant ou un système de mise en réseau est soupçonné d’être contrefaisant, le laboratoire contacte le titulaire de droits. Par exemple, ajoute Mme Tsang, « s’il s’agit d’un produit Cisco, nous les consultons. Cisco dispose d’une base de données et chacun des produits porte son propre numéro de série, son numéro de modèle et son code de date. Si un seul de ces éléments ne correspond pas, on sait qu’on a affaire à une contrefaçon ».
La valeur ajoutée des laboratoires de la CBP n’est pas passée inaperçue. « Les scientifiques qui travaillent dans les laboratoires de la CBP sont aux avant-postes avec les agents de terrain et ils jouent un rôle capital », affirme Brian Donnelly, directeur de la sécurité pour la région des Amériques chez Pfizer, une des plus grandes sociétés pharmaceutiques au monde.
« Nous avons nos propres laboratoires et ils analysent les marchandises aussi rapidement que possible », ajoute Brian Donnelly, qui a également été pharmacien agréé et agent spécial du Federal Bureau of Investigation, « mais, lorsque le point d’entrée d’une marchandise correspond à une ville où la CBP compte un laboratoire, ce dernier est capable de fournir un résultat dans les minutes ou les heures qui suivent la découverte du produit ».
Malgré tout, il s’agit bien d’un combat de tous les instants et d’un processus en constante évolution. « Nous continuons à peaufiner nos techniques. Les laboratoires de la CBP ne restent pas les bras croisés », conclut Carson Watts, directeur du laboratoire de la CBP de Savannah. « Nous suivons de près ce qui se passe et répondons rapidement à toute évolution des techniques de contrebande et de la technologie. »
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