Focus

Faciliter le commerce électronique

29 août 2018

Grâce à la diffusion de technologies conviviales et à une couverture de plus en plus large d’Internet partout dans le monde, le commerce électronique connaît une croissance exponentielle. Le marché mondial du commerce de détail en ligne atteint aujourd’hui la barre des 1 000 milliards de dollars des États-Unis par an et devrait doubler d’ici quatre ans. Une partie de ces transactions traverse les frontières et bon nombre d’entreprises, en particulier de petites et moyennes entreprises (PME), profitent des opportunités offertes par Internet pour accéder à des marchés plus larges et élargir leur champ d’action afin de développer leurs exportations. Selon un rapport d’eBay sur les PME dans les pays membres du forum de la Coopération économique Asie-Pacifique, le vendeur moyen enregistré sur la plateforme de ventes exporte vers 36 pays.

Dans la déclaration sur le commerce électronique, adoptée par le Conseil de l’OMD en juin 2001, les Membres de l’OMD ont reconnu l’impact que pouvait avoir ce commerce sur le bien-être économique et social des nations. Ils estimaient que la douane devait développer une solution appropriée afin de réconcilier facilitation et contrôle et ainsi répondre aux besoins des opérateurs commerciaux. Cette problématique figurait aussi à l’ordre du jour des sessions du Conseil et de la Commission de politique générale de l’OMD en 2015, et les discussions à ce sujet se poursuivront dans les mois à venir.

Les Membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), présents à la Conférence ministérielle de Bali en 2013, ont, eux-aussi, relevé l’importance du commerce électronique dans le futur Programme de travail de l’OMC. La décision ministérielle de l’OMC (document WT/MIN(13)/W/3), stipule ainsi que « le Programme de travail sur le commerce électronique fera avancer les questions mises en évidence lors des discussions et les nouvelles utilisations du commerce électronique afin de renforcer les possibilités économiques/de développement, en accordant une attention spéciale à la situation des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés Membres et des pays les moins connectés. Il poursuivra l’examen des possibilités et des difficultés d’accéder au commerce électronique pour les micro-, petites et moyennes entreprises, y compris les petits producteurs et fournisseurs. »

La douane, le transport et la logistique sont des éléments essentiels dans la chaîne logistique mondiale. Le degré d’efficacité d’une administration douanière aura donc un impact significatif sur la capacité d’un pays à bénéficier d’une hausse des transactions transfrontalières dues à la croissance du commerce électronique. La douane est globalement au défi de travailler dans un environnement moderne reposant sur des outils électroniques et d’opérer ainsi de manière plus efficace et performante. Elle doit en particulier proposer un éventail de services électroniques pour que les opérateurs puissent traiter avec les autorités douanières entièrement par voie électronique, via des services simples et facilement accessibles. Cet article en présente quelques-uns et se penche sur les défis et les opportunités que génère le commerce électronique transfrontalier.

Un marché sans frontières

Outre les acteurs mondiaux traditionnels, Internet permet aux entreprises qui opéraient précédemment au niveau local ou régional d’accéder facilement aux marchés internationaux. De nouvelles applications, plates-formes et services rendent le commerce électronique plus accessible et l’entrée dans ce type de modèle commercial plus aisé. Les applications mobiles et le travail réalisé et livré à distance – le « micro-travail » par exemple – permettent aux sites de commerce électronique de gérer facilement de petites tâches comme la traduction de texte, le placement de balises sur des images et la modification du contenu d’un site de ventes.

Les tâches logistiques liées à la livraison physique de marchandises au-delà des frontières restent les mêmes : commande, expédition, paiement. En revanche, le paysage commercial change car il nécessite très peu d’intermédiaires, et voit apparaître, parfois, de nouveaux intermédiaires. Dans le système traditionnel, les marchandises sont importées en grandes quantités, par un intermédiaire, en une seule opération, et les hausses de volume ne sont pas particulièrement difficiles à contrôler. Dans le commerce électronique transfrontalier, ce sont des acheteurs privés (individuels) qui commandent des marchandises pour leur propre utilisation, via des réseaux informatiques, directement, sans passer par des intermédiaires. Ce phénomène engendre une fragmentation du trafic et sollicite davantage les ressources douanières.

Douane électronique

 

Dans un environnement de commerce électronique, où les processus logistiques et les différents acteurs qui interviennent dans la vente en ligne s’appuient sur les technologies informatiques, il s’agit pour la douane de s’orienter à son tour vers un mode électronique. Une telle « douane électronique » faciliterait le dédouanement d’envois de plus en plus nombreux, tout en garantissant l’efficacité des contrôles et de la perception des recettes.

Les « Directives de Kyoto sur la TIC » fournissent des informations détaillées sur la façon dont les douanes peuvent utiliser les technologies de l’information et de la communication pour améliorer leur performance et progresser vers un environnement plus électronique. Un autre document de référence publié récemment est le « Guide sur les TI pour les cadres supérieurs ». Une cartographie complète des outils et instruments relatifs aux TI est actuellement en cours à l’OMD.

Les principales applications et services que certaines administrations douanières ont déjà mis en place incluent :

Le traitement électronique – un environnement dématérialisé

Depuis le début du XXIe siècle, les services douaniers ont connu une transition rapide, les procédures traditionnelles sur papier étant progressivement abandonnées au profit de formulaires électroniques sécurisés. Ces services sont également encouragés à recenser les documents justificatifs accompagnant généralement les déclarations de chargement et de marchandises, à se pencher sur leur raison d’être et, éventuellement, à les supprimer, tout en mettant en place un environnement de guichet unique permettant le dépôt, le traitement et la mainlevée à partir d’un point d’entrée unique.

Traitement douanier automatisé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et flexibilité des horaires de travail

Le commerce électronique n’a de limite ni dans l’espace ni dans le temps. Les commandes peuvent être passées, confirmées et livrées à tout moment, sur l’ensemble des fuseaux horaires. La douane peut donc être amenée à faire fonctionner ses bureaux de dédouanement 24 heures sur 24 et 7 jours 7, ce qui implique un traitement automatisé avec un solide système de gestion des risques, ainsi que le redéploiement de personnel aux postes-frontières. Plusieurs Membres de l’OMD ont déjà mis en place un tel système pour des catégories spécifiques de chargements, à des points d’entrée et de sortie bien précis. Pour garantir le dédouanement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il est essentiel de pouvoir compter sur l’engagement et la participation active d’autres organismes publics et partenaires.

Paiement électronique des droits et taxes

Le paiement électronique est avantageux pour les contribuables comme pour les États. Il facilite la tâche aux contribuables dans la mesure où ils peuvent effectuer leurs paiements n’importe où, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et il garantit aux États un recouvrement immédiat des recettes et un rapprochement efficace, sans écart. Le paiement électronique non seulement accélère le paiement des droits et taxes et le dédouanement des importations, mais il baisse également le coût des transactions pour les opérateurs commerciaux et la douane, tout en soutenant le commerce électronique. De nombreuses administrations douanières ont engagé des initiatives dans ce sens, allant même jusqu’à rendre le paiement électronique obligatoire dans certaines situations.

L’article 7.2 de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges (AFE) stipule que « chaque Membre adoptera ou maintiendra, dans la mesure où cela sera réalisable, des procédures permettant de payer par voie électronique les droits, taxes, redevances et impositions recouvrés par les douanes à l’importation ou à l’exportation. » L’OMD a élaboré des outils tels que les Directives sur les TIC et le Recueil sur le guichet unique, afin d’aider ses Membres à mettre en place des systèmes automatiques de paiement électronique.

Calculateur en ligne des droits de douane

Un calculateur interactif en ligne, facilement accessible, donne des informations complètes et transparentes sur les droits de douane et les taxes aux vendeurs et aux acheteurs. Ces derniers peuvent ainsi connaître à l’avance, dès la négociation de leurs commandes, les montants qui leur seront prélevés et établir les provisions correspondantes. Le calculateur fournit également des informations sur les interdictions, sur les restrictions et sur les exigences en matière de licence. Ainsi vendeurs et acheteurs sont pleinement conscients de toutes les exigences dès la passation de leurs commandes.

Services mobiles

Pour suivre le principe du commerce électronique, « partout et n’importe quand », la douane a commencé à proposer plusieurs services mobiles, par exemple pour informer les clients de l’état de leur déclaration et leur donner les taux de change, ainsi que les montants des droits à payer. Certains systèmes permettent même d’enregistrer les demandes et d’informer directement les clients de l’état de traitement de leurs demandes et de la durée nécessaire à la mise en place des services demandés. Plusieurs services douaniers ont également opté pour des services mobiles de paiement des droits (MPay).

Remboursement et retour des marchandises

Dans un environnement de commerce électronique, le client est assuré de pouvoir retourner les marchandises commandées si elles ne répondent pas à ses besoins et exigences ou si elles ne correspondent pas aux spécifications, notamment en termes de qualité. Vu le volume croissant de petits paquets, il est impératif de rationaliser les opérations, par exemple de simplifier les retours quand le client est de bonne foi, ainsi que les annulations/remboursements de droits sur ces articles, afin d’alléger les tâches administratives et de réduire les coûts.

Inspection sur le site de l’opérateur, transferts et inspections menées par d’autres organismes

La douane pourrait envisager d’inspecter les marchandises et de les dédouaner sur le site de l’opérateur, ou de demander leur transfert vers un autre site et aussi d’organiser des inspections communes avec d’autres organismes, le cas échéant, pour éviter tout retard dans le traitement des chargements.

Renseignements préalables concernant le fret avant chargement

Pour renforcer la sécurité de la chaîne logistique du fret aérien, la douane est en train de modifier ces exigences en matière de renseignements préalables concernant le fret, passant d’une soumission « avant l’arrivée » à une soumission « avant le chargement ». Plusieurs projets pilotes sont en cours avec des opérateurs postaux. De ce fait, la nouvelle version du Cadre de normes SAFE de l’OMD, adoptée par le Conseil de l’OMD en juin 2015, intègre des normes sur la présentation de renseignements préalables concernant le fret avant le chargement par différentes entités de la chaîne logistique du fret aérien, notamment par des opérateurs postaux.

Version électronique des déclarations CN 22 et CN 23

L’OMD et l’Union postale universelle (UPU) ont travaillé ensemble pour mettre au point des messages électroniques permettant aux Postes de transmettre par échange de données informatisé (EDI) les données contenues dans les formulaires CN22 et CN23, qui font office de déclaration en douane pour le courrier international.

Système de déclaration en douane

Le Centre de technologies postales de l’UPU a développé un système électronique de déclaration en douane (SDD) sur la base du message EDI douanes-postes OMD/UPU. Deux sortes de message électronique font partie du processus SDD. Le premier remplace les documents utilisés pour la déclaration en douane. Le second, envoyé en retour par la douane, indique si un colis doit ou non être retenu en vue d’une inspection. Ce message peut aussi inclure d’autres données, telles que le montant des droits ou taxes dont l’expéditeur devra s’acquitter, en fonction d’un accord spécifique conclu entre l’opérateur désigné et la douane.

Régime de minimis et seuil pour procédures de dédouanement simplifiées

L’OMD a institué le régime de minimis dans sa Convention de Kyoto révisée (CKR) pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers. La CKR stipule, entre autres que « la législation nationale fixe une valeur minimale ou un montant minimal de droits et taxes ou les deux à la fois, en deçà desquels aucun droit ni taxe n’est perçu » (norme transitoire 4.13).

Dans le contexte du dédouanement, le seuil minimal est utilisé de deux manières : premièrement, comme un seuil de « valeur » en deçà duquel aucun droit ni taxe n’est perçu et aucune déclaration en douane n’est requise ; deuxièmement, comme un seuil de « déclaration » pour les marchandises nécessitant la présentation d’une déclaration en douane complète. Autrement dit, de nombreuses administrations douanières appliquent deux seuils de minimis. Les marchandises dont la valeur se situe entre les deux seuils font généralement l’objet d’une déclaration en douane simplifiée.

Les Directives de l’OMD aux fins de la mainlevée immédiate soutiennent le commerce électronique dans la mesure où elles fournissent à la douane et aux entreprises des orientations visant à accélérer le dédouanement aux frontières des marchandises transportées par des services de transport de fret et de messageries exprès. Les Directives prévoient également des procédures de dédouanement simplifiées pour les envois de faible valeur.

Opportunités et défis

Le commerce électronique peut être considéré comme une opportunité. Une opportunité pour la douane de réévaluer en permanence ses processus, de les réaligner et de les adapter en conséquence, selon des règles et procédures simples, cohérentes, transparentes, non-discriminatoires et faciles à respecter. Le dédouanement sera alors plus fiable, plus prévisible et plus rapide, et il garantira le respect des différentes exigences réglementaires.

« L’internet des objets » représente également une opportunité pour la douane car il donne accès à davantage d’informations utiles pour contrôler les marchandises et faire respecter les règles. Le commerce électronique est ainsi un environnement riche en données qui exige de solides capacités pour les traiter. La douane devra donc établir un modèle opérationnel capable de gérer des données volumineuses venant de tout le paysage industriel.

La douane pourrait aussi envisager d’aller au-delà du traitement électronique des déclarations, de la perception des droits et taxes et des contrôles basés pour les risques, et s’investir pleinement dans un environnement plus numérique dans lequel elle aurait recours aux technologies et à l’analyse des tendances pour accroître son efficacité. Les fonctionnalités d’analyse prédictive et les réseaux de coopération internationale douane-douane, combinés à des partenariats avec le secteur privé, pourraient permettre à la douane d’abandonner les contrôles de non-conformité au profit d’une prévention du commerce illicite, tout en facilitant davantage le commerce licite.

Outre un solide cadre juridique, la conclusion d’accords mutuels entre différents acteurs de la chaîne logistique afin de permettre la transmission des documents ou informations par voie électronique, l’amélioration de la qualité des données et l’existence d’une solide infrastructure de TI répondant aux exigences d’interopérabilité et de protection des données, sont autant de défis à l’accomplissement d’une telle vision.

Échange d’informations

L’échange d’informations porte sur deux domaines principaux :

  • Échange entre la douane et les intermédiaires du commerce électronique (marchés, transporteurs, transitaires, services de livraison express, opérateurs postaux et intermédiaires financiers)

Il existe déjà des cas où les informations douanières ne sont pas détenues par des sociétés relevant de la juridiction d’une administration douanière donnée. Avec Internet, les entreprises pourront établir un système commercial continu et sans frontières, et les informations douanières et autres informations réglementaires seront ainsi centralisées à un même endroit. Pour coopérer davantage avec les opérateurs commerciaux, la douane devra disposer d’un meilleur accès aux informations commerciales, directement ou indirectement liées à une transaction commerciale internationale, ceci à des fins de gestion des risques et de contrôle douanier. La coopération entre la douane et les services postaux ou services de messagerie exprès est particulièrement importante, non seulement pour permettre l’échange d’informations, mais aussi parce que le personnel de ces entreprises est généralement bien placé pour informer la douane des envois suspects.

  • Engagement/partenariat avec les vendeurs et détaillants en ligne davantage axé sur la facilitation que sur le contrôle

Dans le cadre du processus de vente et de livraison, le vendeur recueille un ensemble de données importantes : détails du produit vendu à l’acheteur, prix payé, lieu de livraison, destinataire, prix payé pour le transport, détails du paiement, mode de livraison et données de suivi (numéro de suivi et transporteur/opérateur postal), et, éventuellement, montant des taxes dues à l’importation et des frais administratifs associés si ces montants sont compris dans le prix établi à l’acheteur. La nature de l’acheteur (entreprise ou consommateur final) peut également être indiquée, selon les circonstances et les conditions contractuelles. Une coopération étroite et un engagement avec des vendeurs et détaillants en ligne pourraient ainsi présenter un avantage pour la douane dans la mesure où elle obtiendrait ainsi des données extrêmement fiables. Mais un tel partenariat exigerait, en échange, des conditions facilitées de la part de la douane ainsi que des garanties sur la confidentialité des données.

Qualité des données

La qualité des données – en termes d’exactitude et d’intégralité – est un autre aspect clé de la gestion des risques, des contrôles de sécurité, des contrôles d’admissibilité et d’autres décisions à prendre par les autorités de contrôle aux frontières. Dans une déclaration, l’absence d’informations ou la présence d’informations illisibles, incomplètes ou incorrectes peuvent influer sur l’analyse des risques et sur le traitement, le dédouanement et la mainlevée des marchandises par la douane. Or, de nombreuses personnes envoyant des articles à l’international sont des expéditeurs occasionnels, souvent peu sensibilisés aux exigences de qualité des données.

Infrastructure informatique

Les différents niveaux de développement en termes d’infrastructure informatique et d’utilisation d’Internet nécessiteront davantage d’efforts de la part des parties prenantes et appelleront une coordination plus efficace entre pays et organismes donateurs afin de combler ce que l’on appelle la fracture numérique.

En savoir +
facilitation@wcoomd.org