Dossier

Quelques mots à propos du thème de l’année

20 mars 2018
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général, OMD

Chaque année, le Secrétariat de l’OMD choisit un thème qui s’avère pertinent pour la communauté douanière internationale. Le slogan choisi pour l’année 2018 est « Un environnement commercial sûr au service du développement économique ». À ce titre, les Membres sont encouragés à examiner la manière dont ils peuvent créer un environnement propice pour les entreprises afin de favoriser leur participation au commerce transfrontalier. Ils sont, en définitive, invités à se pencher sur la façon dont ils peuvent servir au mieux les personnes et accroître les perspectives des entrepreneurs.

S’il est important que les gouvernements appuient les interventions spécifiques pour permettre aux entreprises d’être prospères, il est également essentiel de tenir compte de l’environnement extérieur dans lequel ces entreprises déploient leurs activités. Par « sûr », nous entendons un environnement qui soit tout à la fois habilitant, sécurisé, juste et durable. Un tel environnement aidera les entreprises, et en particulier les micro-, petites et moyennes entreprises (MPME), à élargir leurs activités et sera susceptible de favoriser leur participation au commerce international. Il les encouragera en outre à innover, à générer de l’emploi et à investir dans les ressources humaines, stimulant par là-même la croissance économique et augmentant le niveau de vie.

J’aimerais, après cette brève introduction, approfondir encore le concept d’un environnement commercial sûr, en particulier sous ses aspects principaux, à savoir son caractère « habilitant », « sécurisé » et « juste et durable ».

Les travaux de recherche factuelle, reconnus au niveau international, indiquent clairement que la douane peut contribuer à créer un environnement commercial plus « habilitant », ou, en d’autres termes, plus stable et plus prévisible, par exemple, en harmonisant les procédures ou encore en luttant contre la corruption, en renforçant l’éthique et en facilitant, de manière plus générale, le mouvement transfrontalier des marchandises, des moyens de transport et des personnes.

Garantir la sécurité constitue également un élément critique. Les entreprises légitimes requièrent une chaîne logistique sécurisée pour pouvoir prospérer mais certaines menaces émanent du commerce lui-même : citons, par exemple, l’envoi de marchandises illicites pouvant mettre en danger la santé, la sûreté et la sécurité des personnes. La lutte contre la criminalité transfrontalière, y compris le financement illicite du terrorisme international par le biais d’activités commerciales, nous incombe au premier chef et c’est là une responsabilité que la douane prend particulièrement à cœur dans ses efforts pour garantir un environnement « sécurisé ».

Enfin, la douane doit s’efforcer de construire un environnement qui soit « juste et durable ». L’importation de marchandises illégales, comme les biens enfreignant les droits de propriété intellectuelle (DPI) ou les produis licites qui sont passés en contrebande dans un pays pour éviter le paiement de droits de douane ou dont la valeur rapportée est faussée, par exemple, peut causer d’énormes dégâts à l’économie d’un pays. La question ne porte pas seulement sur les pertes financières tant pour les opérateurs commerciaux et les gouvernements : de telles activités peuvent également avoir un impact négatif sur la gouvernance, l’économie, le développement et la sécurité des citoyens partout dans le monde.

Pour le dossier de ce numéro du magazine, nous avons invité diverses personnes à présenter des initiatives ou projets qui contribuent à la création d’un environnement commercial sûr. L’idée est, comme toujours, de mettre en lumière les défis rencontrés, de communiquer sur des projets qui pourraient servir de source d’inspiration aux autres, et de partager les bonnes pratiques.

Le dossier débute par un article de la Douane chinoise sur une initiative pangouvernementale appelée « Programme incitatif conjoint pour les Opérateurs économiques agréés » et dans le cadre duquel les opérateurs économiques agréés chinois pourront bénéficier de pas moins de 49 mesures de facilitation, octroyées par la Douane chinoise mais aussi par d’autres services gouvernementaux.

Le thème de cette année fait écho à l’accent actuel mis par la douane sur la facilitation des échanges comme conséquence de l’entrée en vigueur de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur la facilitation des échanges. Dans ce numéro du magazine, la Douane indienne explique comment elle a mis en place l’une des dispositions de l’Accord, à savoir la création d’un Comité national de facilitation des échanges, et la manière dont elle a structuré ce comité, guidée par la volonté de transformer l’écosystème commercial indien en réduisant le temps et les coûts relatifs aux activités commerciales.

Assurer une coopération entre les services et agences, tant au niveau international que national, afin de garantir une compréhension mutuelle et de pouvoir lancer des actions coordonnées, est également critique pour faciliter le commerce. Le Pérou et le Chili ont tout récemment ouvert des centres de contrôle intégré des frontières et la Douane péruvienne nous présente le fonctionnement du nouveau dispositif voué à faciliter le mouvement des personnes, des bagages et des véhicules, exemple pratique de mise en œuvre du concept de gestion coordonnée des frontières.

Le magazine aborde également la question de la mesure de la performance. Procomex, une alliance d’entreprises et d’organisations du secteur privé brésiliennes qui vise à soutenir le processus de modernisation de la Douane, y explique pourquoi elle a décidé de reproduire l’enquête utilisée par la Banque mondiale pour évaluer les performances du pays en matière de facilitation des échanges transfrontaliers, et ce que cet exercice a révélé. Dans l’article suivant, les chercheurs Andrew Grainger et Duncan R. Shaw proposent une méthode permettant de mesurer la qualité de la facilitation des échanges, car c’est bien de la qualité de la mise en œuvre des mesures de facilitation que dépendront les avantages économiques.

Plusieurs articles traitent de la manière de gérer la croissance du courrier international due notamment à l’augmentation exponentielle des transactions émanant du commerce électronique. L’Union postale universelle présente le travail accompli pour accélérer le dédouanement des envois postaux transportés par voie ferrée entre la Chine et l’Europe, tandis que les douanes australienne et néo-zélandaise expliquent comment elles ont expérimenté le recours aux données électroniques sur les envois postaux pour évaluer les risques, cibler les envois suspects et accélérer le dédouanement.

À ce sujet, je voudrais rappeler au lecteur que l’OMD est en train de développer un Cadre de normes sur le commerce électronique transfrontière qui devrait être finalisé dans les prochains mois afin d’être adopté lors du Conseil de l’OMD de juin 2018. Ce nouvel outil de l’OMD vise à aider les administrations douanières à développer des cadres stratégiques et opérationnels pour mieux gérer les transactions émanant du commerce électronique. Il sera aussi utile à celles cherchant à améliorer leurs procédures et processus existants. Une stratégie de mise en œuvre et un plan d’action accompagneront le Cadre de normes de l’OMD, de même qu’un dispositif solide de renforcement des capacités qui visera à assurer la mise en œuvre rapide et harmonisée des normes édictées.

L’analyse des données est un autre thème cher à l’OMD. Deux articles dans ce dossier traitent de la collecte et de l’analyse des données pour lutter contre la fraude. La Douane du Malawi met en lumière les efforts entrepris pour lutter contre les flux financiers illicites sortant du pays par le biais d’une sous-évaluation des exportations et d’une surévaluation des importations, tandis que des chercheurs nous expliquent comment ils ont su tirer profit des données pour identifier les irrégularités dans les échanges commerciaux entre le Pérou et l’Équateur.

Un exemple d’utilisation des outils d’exploration des données et de la technologie est fourni par la Douane du Brésil. L’administration explique comment elle est parvenue à décupler son efficacité dans la gestion des passagers internationaux grâce au recours à un système d’évaluation des risques permettant de traiter les informations passagers et à un système de reconnaissance faciale.

Instaurer un dialogue fort avec les parties prenantes, notamment en assurant une communication ouverte et en entamant une collaboration effective et une consultation véritable, le but étant de promouvoir la conformité et d’ouvrir la voie de manière effective et efficace au changement, est une autre politique préconisée par l’OMD. Pour illustrer cet aspect, le dossier comprend un article écrit par le Secrétaire général de la TIACA qui y explique à quel point les préoccupations et objectifs de l’industrie du fret aérien et des douanes sont semblables et pourquoi il est important de ne pas fonctionner en vase clos.

Ce dossier se termine par un article qui questionne la manière dont nous lions sécurité et développement. Inspiré de l’expérience acquise dans le cadre des études de terrain entreprises en Afrique sub-saharienne depuis 2000 et des travaux de recherche anthropologique menés dans sept zones frontalières pouvant être considérées comme « fragiles », l’article défend l’idée que toute stratégie axée sur le développement devrait se pencher sur la façon d’appuyer les économies des zones frontalières.

Ce dernier article, et les autres également, nous rappellent que la construction d’un environnement commercial sûr est un projet ambitieux, et que, même avec les meilleures intentions, nous pouvons parfois ne pas comprendre les subtilités du fonctionnement d’une réalité complexe. Grâce au partage de connaissances et d’informations, soutenu par une recherche approfondie et une bonne communication, nous pouvons cependant contribuer à améliorer notre compréhension et à rendre l’environnement commercial plus sûr, au service du développement économique.

Pour conclure, j’aimerais remercier sincèrement tous les collaborateurs ayant participé à l’élaboration de ce dossier ainsi qu’en général tous les auteurs qui ont accepté de nous faire part de leur expérience sur différentes questions douanières à travers leurs articles. C’est avec enthousiasme et dévouement que nous avons travaillé sur ce nouveau numéro du magazine et nous espérons que vous en apprécierez la lecture.