Dossier

Contrôle des passagers aériens : comment le Brésil a changé la donne

20 mars 2018
Par Felipe Mendes Moraes, chef de la division des exportations et régimes douaniers particuliers, Bureau des douanes, Service fédéral des recettes, Brésil

En 2013, alors que le Brésil se préparait à accueillir la Coupe du Monde de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016, l’Administration douanière brésilienne s’était mise en quête de solutions pour améliorer le contrôle des passagers aériens, soucieuse de pouvoir gérer efficacement le flux des athlètes et des millions de touristes attendus à ces deux événements. La croissance remarquable du trafic aérien international au cours de la décennie précédente constituait déjà un réel défi pour les services des douanes, dont les techniques de ciblage traditionnelles ne semblaient plus adéquates pour faire face au risque de sécurité posé par les voyageurs.

Le Service fédéral des recettes du Brésil a alors consenti deux investissements majeurs : un système d’évaluation des risques permettant de traiter les informations passagers (« renseignements préalables concernant les voyageurs » et « dossiers passagers ») et un système de reconnaissance faciale des passagers (IRIS) ont été développés. En combinant les deux technologies, la Douane brésilienne est parvenue à décupler son efficacité dans la gestion des passagers internationaux.

Le déploiement de ces outils s’est effectué en coopération avec la Commission nationale des autorités aéroportuaires, ce qui a eu des répercussions non négligeables : les différents acteurs de l’environnement aéroportuaire, tels les compagnies aériennes, les gestionnaires d’aéroport, les services de la douane et de l’immigration ainsi que d’autres agences gouvernementales et régulateurs politiques ont noué un dialogue constructif. Ce dialogue a débouché sur la création du Comité national des autorités aéroportuaires (CONAERO) et de ses sous-comités techniques thématiques dans le cadre desquels des représentants de tous les acteurs de l’environnement aéroportuaire se rencontrent afin de débattre de questions liées au trafic aérien.

RPCV/PNR

Les données RPCV sont produites au moment de l’enregistrement. Elles incluent toutes les données du passeport ou de la carte d’identité nécessaires à l’identification du passager ou du membre d’équipage, ainsi que des informations générales sur le vol.

Les données PNR font référence aux dossiers tenus par les compagnies aériennes pour chaque vol réservé par un passager. La compagnie aérienne utilise ce dossier pour ses propres fins opérationnelles. Ces données permettent à toutes les parties du secteur de l’aviation (dont les agences de voyage, les transporteurs aériens et les agents de manutention des aéroports) d’identifier chaque passager et d’avoir accès à toutes les informations relatives à son trajet, à son vol de retour, aux éventuelles correspondances et à toute assistance demandée à bord.

Nouveaux outils d’analyse

Jusqu’en 2014, les douaniers en poste à l’aéroport s’appuyaient, pour sélectionner les passagers et bagages à contrôler, sur les résultats d’une analyse comportementale, d’un interrogatoire et d’une surveillance des bagages, mais aussi sur d’autres facteurs aléatoires.

La mise en œuvre de nouveaux outils d’analyse pour cribler les passagers en 2015 a totalement changé la donne, surtout s’agissant de l’identification des voyageurs susceptibles de correspondre aux profils des trafiquants de drogues. Entre 2014 et 2016, on a assisté à une augmentation de plus de 360 % des saisies de stupéfiants, un record dans l’histoire de la Douane (voir figure n° 1). Parmi les autres délits et infractions recensés, citons le transport de fonds non déclarés, l’acquisition illicite d’objets culturels et le trafic d’armes à feu.

Les défis de la collecte de données

Le système mis en place peut analyser les renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) et les données dites Dossiers Passagers (PNR), mais, compte tenu des réglementations strictes en matière de protection de la vie privée appliquées dans l’Union européenne (UE) qui empêchent les pays qui n’ont pas négocié d’accord bilatéral avec l’UE de recevoir les données PNR des pays européens, l’Administration des douanes brésilienne a dû se concentrer sur les données RPCV disponibles afin d’en faire le meilleur usage possible.

Les données RPCV sont essentiellement collectées au moment de l’enregistrement. La meilleure option, pour assurer une qualité des données optimale, consiste à rassembler par lecture optique automatisée les informations lisibles à la machine présentes dans de nombreux passeports. Il n’est toutefois pas rare que les données RPCV soient rapportées manuellement par le personnel chargé de l’enregistrement, avec le risque que ces informations puissent contenir des erreurs, voire être erronées.

Après avoir observé diverses caractéristiques intrinsèques des données RPCV au cours des deux premières années de mise en œuvre du système, le Service fédéral des recettes a mis au point un tout nouveau logiciel d’analyse des données RPCV. Utilisant une large palette d’algorithmes, ce logiciel est à même d’utiliser les messages électroniques contenant les données, d’identifier les voyageurs, de créer des archives propres à chaque passager et d’enregistrer des informations sur les mouvements transfrontières de chaque passager dans ces archives. Cette fonctionnalité permet au système de corriger automatiquement les données RPCV contenant des erreurs, comme un numéro de passeport erroné, de compléter les données manquantes et de résoudre d’autres problèmes susceptibles de fausser les conclusions de l’analyse de ces données.

Identification de certains passagers

Une fois les voyageurs sélectionnés aux fins du contrôle, l’une des tâches les plus délicates pour les douaniers consiste à les identifier et à les écarter sans entraver le flux des autres passagers. En 2016, la Douane brésilienne a déployé une solution sur mesure faisant appel à la technologie de reconnaissance faciale dans 14 aéroports internationaux. Deux caméras haute résolution ont été installées dans la zone « Rien à déclarer » de la douane de chaque aéroport. Les images captées par ces caméras sont traitées à l’aide d’un logiciel de reconnaissance faciale qui balaie le visage de la personne et recherche les correspondances éventuelles avec une bibliothèque de personnes réputées représenter un risque et devant être contrôlées ou empêchées de pénétrer sur le territoire brésilien.

Cette identification biométrique est effectuée sans intervention humaine, dans la file des passagers lorsque ceux-ci se déplacent à un rythme de marche normal. Si le système identifie un passager dont le visage correspond à celui d’une cible, un signal est envoyé aux douaniers en service, qui approchent alors la personne concernée et procèdent à une inspection.

Overview of the cameras and facial recognition system used by Brazilian Customs

Ce système, appelé IRIS, permet aux douaniers de facilement identifier les cibles repérées par le système d’évaluation des risques RPCV/PNR sans perturber le flux des passagers. La mise en œuvre du système en septembre 2016 a permis de réduire le nombre de passagers soumis à une inspection à l’arrivée tout en en augmentant les taux de contrôle positif.

Le tableau ci-dessous compare les résultats avant et après l’introduction du système à l’aéroport international de São Paulo (GRU) par lequel transitent 65 % de tous les passagers internationaux. La mise en œuvre du système IRIS a permis d’accroître la capacité générale d’arrivée du terminal de l’aéroport, car les files d’attente à la douane ont fortement diminué. Moins de personnes ont été contrôlées, mais le taux de déclarations a augmenté, de même que la quantité et la valeur des marchandises saisies.

Menaces pour la sécurité

La stratégie adoptée, basée sur une évaluation des risques et le recours au renseignement, permet aux douaniers chargés du contrôle aux frontières d’identifier les passagers aériens dont le nom figure sur une liste de surveillance ainsi que les passagers suspects. En ce sens, elle constitue également une mesure efficace pour empêcher le déplacement des combattants terroristes étrangers.

Afin de répondre aux risques de sécurité, une liste spéciale de personnes ciblées du fait de leur association avec une menace possible pour la sécurité a été établie. La Douane, le Département fédéral de la police et l’Agence brésilienne de renseignement sont tous responsables des données figurant dans cette liste. Si le système utilisé par la Douane identifie une personne ciblée, la police fédérale se charge d’identifier formellement le suspect avant de prendre les mesures utiles.

Le recours aux outils de reconnaissance faciale est aussi particulièrement efficace en cas d’utilisation de faux papiers, les caractéristiques biométriques de la cible demeurant inchangées. Plus généralement, la Douane fait office de « deuxième barrière » dans le cadre du contrôle national de l’immigration, en vue de préserver la sécurité du pays.

 

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felipe.moraes@receita.fazenda.gov.br

À propos de l’auteur

Felipe Mendes Moraes est actuellement responsable de la coordination, à l’échelle nationale, de tous les systèmes informatiques venant en appui aux activités nationales de contrôle des passagers et aux activités liées aux exportations brésiliennes et aux régimes douaniers particuliers.