Dossier

Vers un service international de transport ferroviaire du courrier postal efficace

20 mars 2018
Par Bilal Ahmad Khan, gestionnaire de programme Douanes et transports, Bureau international de l’Union postale universelle

Bien que le transport ferroviaire de marchandises puisse se révéler une solution plus rapide et moins onéreuse que le transport maritime et aérien, il reste très peu utilisé. Pour développer le transport ferroviaire des envois postaux, l’Union postale universelle (UPU) a mis sur pied un groupe de travail et entrepris plusieurs projets pilotes afin de mieux comprendre comment améliorer les performances du transport ferroviaire entre la Chine et l’Europe, et renforcer son utilisation par les expéditeurs.

La Chine est le principal pays d’origine des marchandises importées dans l’Union européenne (UE) et elle est actuellement l’un de ses marchés d’exportation à la croissance la plus rapide. Quelque 90 % des envois de fret entre la Chine et l’Europe sont aujourd’hui transportés par mer – un voyage qui dure environ 40 jours. Le fret aérien représente environ 9 % des envois et prend un seul jour. Bien qu’il puisse potentiellement offrir de gros avantages, la part du fret ferroviaire reste tout juste sous la barre d’1 % du volume total, et le transport prend environ 15 jours.

Les principaux facteurs pris en compte par les expéditeurs lorsqu’ils font leur choix parmi les différents modes de transport disponibles sont la fiabilité, la fréquence, la flexibilité, l’orientation client, la durée du transport et le prix. Au vu de la croissance des envois postaux acheminés entre la Chine et l’Europe (notamment en raison du succès du commerce électronique) et des avantages potentiels qu’offre le transport ferroviaire, l’UPU a mis sur pied un groupe de travail afin de mieux comprendre comment améliorer le transport ferroviaire entre la Chine et l’Europe, et d’augmenter son utilisation par les expéditeurs.

Groupe de travail

Le mandat de l’UPU est défini plus précisément dans la Stratégie postale mondiale d’Istanbul (le plan stratégique de l’Organisation pour la période 2017-2020) : il s’agit d’élaborer des procédures détaillées pour l’échange international des envois postaux par voie ferroviaire. Pour ce faire, l’UPU a mis sur pied un mécanisme de consultation avec les organisations ferroviaires internationales pertinentes et l’OMD, et organise avec ces mêmes partenaires des séminaires dans le but d’identifier et de diffuser les meilleures pratiques.

Parmi les organisations ferroviaires pertinentes figurent :

  • le Comité international des transports ferroviaires (CIT), une association de quelque 216 entreprises ferroviaires et transporteurs de passagers et/ou de fret  qui fournissent des services internationaux ;
  • le Conseil de coordination du transport transsibérien (CCTT), une association dont l’objectif principal consiste à promouvoir l’utilisation de la route transsibérienne ;
  • l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), à l’origine de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF), qui contient les Règles uniformes relatives au contrat de transport international ferroviaire des marchandises (CIM) et dont les membres sont principalement des pays européens ;
  • l’Organisation pour la coopération des chemins de fer (OSJD), regroupant des pays d’Europe de l’Est et qui a conçu l’Accord sur le transport international de marchandises par chemin de fer (SMGS) et l’Accord sur le transport international de voyageurs (SMPS).

Les travaux relatifs au projet ferroviaire postal ont débuté en juillet 2015. Initialement, une équipe de projet a été constituée, puis, en mars 2017, un groupe de travail chargé du transport ferroviaire d’envois postaux a été mis sur pied. Il comprend :

  • des opérateurs postaux du Conseil d’exploitation postale de l’UPU (CEP), à savoir l’âme technique et opérationnelle de l’UPU – Chine, France, Allemagne, Pologne et Fédération de Russie ;
  • des opérateurs postaux ayant un statut d’observateur au CEP – Belarus et Kazakhstan ;
  • des administrations douanières nationales – Chine, Allemagne et Pologne ;
  • des parties prenantes externes – l’OMD, la Commission européenne et les organisations ferroviaires susmentionnées.

Le rôle du groupe de travail est d’étudier des pistes pour harmoniser et simplifier les réglementations, normes et formalités postales, douanières et ferroviaires. Ceci suppose notamment de se pencher sur les solutions permettant d’augmenter les échanges de données préalables électroniques et d’améliorer ainsi la sécurité grâce à une gestion efficace des risques.

Bilan des travaux réalisés à ce jour

À ce jour, le groupe de travail a organisé 35 projets pilotes de transport ferroviaire d’envois postaux acheminés de Chine en Europe par différents itinéraires, sous deux régimes douaniers : l’Union douanière de l’Union eurasiatique et le code des douanes de l’Union européenne.

La majorité des projets pilotes ont été conduits sur des trains de marchandises, mais certains ont également été menés sur des trains de voyageurs. De plus, certains de ces projets prévoyaient un transport multimodal (ferroviaire, aérien, maritime et routier). Dans la majorité des projets, la Chine était le pays d’origine des marchandises transportées. Dans un avenir proche, la Poste chinoise, en consultation avec la Douane chinoise, organisera des projets pilotes pour les envois à destination de la Chine.

Au cours de ces projets, les opérateurs désignés (aussi appelés opérateurs postaux) ont échangé des données électroniques via le format de messages normalisé de l’UPU afin d’assurer le suivi des envois. Ces messages n’ont pas été transmis aux administrations douanières, mais cela est envisagé dans le futur. La Douane chinoise a également apposé des scellés électroniques sur les trains concernés.

Les opérateurs postaux ont transmis les données relatives aux envois électroniquement à l’entreprise de transport à l’aide du bordereau de livraison de l’UPU requis pour le « courrier de surface » CN 37 et, lorsqu’il était question de lettres, à l’aide de l’étiquette de récipient CN 34. Les colis nécessitent eux l’utilisation de l’étiquette CP 83. Le recours à ces bordereaux de livraison et étiquettes de récipient sont très importants car ils définissent un envoi comme étant un envoi postal, plutôt que comme du fret ou des marchandises.

À des fins douanières, deux types de « lettres de voiture communes pour le transport ferroviaire international », conçus l’un en vertu des Règles uniformes COTIF concernant le contrat de transport international ferroviaire de marchandises (COM) et l’autre en vertu de l’Accord de l’OSJD sur le transport international ferroviaire de marchandises (SMGS), ont été utilisés. Ces documents sont encore présentés sur support papier. Quant aux projets pilotes conduits sur des trains de voyageurs, un document ferroviaire intitulé « Billet pour train de voyageurs» a été utilisé.

Voie à suivre

Le groupe de travail planche actuellement sur des solutions possibles aux problèmes de transit rencontrés au cours des projets pilotes.

Il est arrivé par exemple que l’opérateur postal d’un pays de l’UE ne présente pas le bordereau de livraison CN 37 à l’administration douanière. L’envoi a alors été traité comme une cargaison générale et la procédure de transit externe T1 a été appliquée.

De plus, dans l’UE, lorsque des marchandises non communautaires sont expédiées par voie postale (y compris sous la forme de colis) d’un point à un autre du territoire douanier de l’Union, l’envoi et les documents l’accompagnant doivent porter une étiquette jaune. L’opérateur postal d’un pays de transit qui appose ces vignettes reste responsable des marchandises postales jusqu’au moment où celles-ci parviennent à un autre bureau d’échange ou au bureau de destination. La question de savoir si l’opérateur postal d’origine serait tenu d’effectuer des paiements à l’opérateur postal de transit pour l’apposition de ces vignettes est à l’examen.

Les membres du groupe de travail préparent également des « lignes directrices pour la mise en place d’un service de transport ferroviaire postal » précisant toutes les procédures à suivre de l’origine à la destination, y compris en transit. Ces lignes directrices, qui ne seront pas de nature contraignante, pourraient servir de modèle pour les opérateurs désignés et les compagnies ferroviaires dans d’autres régions du monde.

Avantages potentiels

Le transport d’envois postaux par train comporte de nombreux avantages potentiels.

Il pourrait être économique. Les opérateurs postaux disposeraient d’un mode de transport moins coûteux et seraient en mesure d’envoyer et de retourner des marchandises de manière plus économique (par rail plutôt que par avion). La réduction des coûts de transport profiterait également aux entreprises, et surtout aux micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Par exemple, l’un des gros clients de la poste chinoise souhaiterait livrer son produit dans un délai de 25 à 28 jours « de bout en bout », ce qui serait possible par voie ferroviaire si le processus de transport ferroviaire devenait fluide et stable.

En outre, le transport ferroviaire a le potentiel d’être plus rapide et plus fiable que les autres moyens de transport. Il offre la possibilité de transporter de gros volumes d’envois postaux difficiles à transporter par voie aérienne, ainsi que des articles qui ne peuvent être acheminés par avion pour des raisons de sécurité et de sûreté, comme les articles contenant des piles au plomb-zinc. En termes de sécurité, des solutions d’identification par radiofréquence (RFID) seront appliquées aux articles, ce qui permettra d’en assurer le suivi et la traçabilité de bout en bout, pour le bénéfice de toutes les parties prenantes.

Qui plus est, l’acheminement de courrier postal par voie ferroviaire est bon pour l’environnement, et cet aspect est important pour l’UPU. Il a d’ailleurs été ancré dans la Stratégie postale mondiale d’Istanbul adoptée en 2016. Acheminer le courrier par chemin de fer produit moins d’émissions de carburant et de carbone que l’avion, même lorsque les opérateurs postaux combinent transport aérien et transport de surface, une méthode appelée « service aérien lent » ou SAL (le courrier est transporté par voie aérienne du pays d’origine jusqu’au bureau d’échange, puis en surface du bureau d’échange au point de livraison dans le pays de destination). En ce sens, le projet ferroviaire postal de l’UPU s’inscrit dans la logique du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par les chefs d’État et de gouvernement et les hauts représentants au siège des Nations Unies à New York en septembre 2015 et fixant de nouveaux objectifs mondiaux de développement durable.

 

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