Dossier

Commerce électronique, sécurité, GCF, échanges illicites et recettes : aperçu des sujets abordés lors du Conseil de l’OMD

27 juin 2016
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général, Organisation mondiale des douanes

Au cours des 126ème/127ème sessions du Conseil de l’OMD, qui se sont déroulées en juillet de cette année, les chefs des administrations douanières représentant les 180 Membres de l’OMD ont débattu de plusieurs thématiques de première importance telles que le commerce électronique, la coopération douane/police, la coopération douane/administration fiscale, la protection du patrimoine culturel et les recettes. Dans le présent article, je passerai en revue chacun de ces sujets.

Commerce électronique

La croissance du commerce électronique et les défis présents et futurs qui y sont associés, en termes de facilitation des échanges, de sécurité de la chaîne logistique, de protection de la société et de recouvrement des droits et taxes, ont changé le panorama commercial actuel, transformant profondément la donne pour les douanes. Ces défis concernent tout particulièrement les transactions transfrontalières de marchandises de faible valeur d’entreprise à consommateur et de consommateur à consommateur.

Dans le cadre de ses travaux les plus récents, l’OMD a procédé au recueil des expériences et des pratiques des Membres dans ce domaine et a lancé différentes activités en collaboration avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union postale universelle (UPU) et autres parties prenantes concernées.

L’Organisation a, par ailleurs, créé un groupe de travail pluridisciplinaire sur le commerce électronique dont la première réunion, qui s’est tenue en septembre 2016, a réuni une large palette de parties prenantes: administrations des douanes, organisations internationales partenaires, services postaux et de messagerie, marchands en ligne, plateformes de commerce électronique et prestataires de services de paiement. Pour avancer, l’OMD entend accorder la priorité d’une part à la promotion de la mise en place d’une interface électronique entre la poste et la douane à l’échelon national (sur la base de normes conjointes de messages OMD-UPU), et d’autre part à l’identification d’orientations sur le travail futur à accomplir.

Le commerce électronique est un environnement riche en données qui exige de solides capacités pour les traiter. L’année 2016 étant dédiée à la promotion de « la Douane numérique », le Conseil a aussi discuté comment s’investir pleinement dans un environnement plus numérique et établir un modèle opérationnel capable de gérer des données volumineuses venant de tout le paysage industriel. Deux orateurs de haut niveau du secteur privé sont venus précisément parler de ce défi : un représentant de Microsoft qui a mis en avant l’importance du recours au « cloud » (nuage) afin de pouvoir accéder aux données agrégées, tandis qu’un représentant de GS1 a souligné la nécessité d’utiliser des normes afin de connecter les parties prenantes et de partager les données.

Sûreté/sécurité

La sécurité des frontières devient un enjeu de plus en plus sérieux pour les pays du monde entier. La Résolution de Punta Cana, adoptée par l’OMD en décembre 2015, met en évidence le rôle de la communauté douanière dans la lutte contre le terrorisme. Les activités de l’OMD à cet égard comprennent l’établissement d’un dialogue politique avec les Nations Unies et le G7, associé à des activités menées sur le plan opérationnel dans les cinq domaines clés visés par le Programme de l’OMD sur la sécurité, à savoir le contrôle des passagers, le programme Global Shield, le programme d’application des contrôles aux échanges de nature stratégique, le projet relatif aux armes légères et de petit calibre, et le financement du terrorisme.

J’espère que la stratégie mondiale de l’OMD sur la sécurité constituera de plus en plus une source d’inspiration pour les stratégies régionales de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, j’encourage les Membres de l’OMD à participer activement aux travaux du Groupe de travail virtuel sur la sécurité et à partager les mises à jour de leurs politiques et leurs bonnes pratiques. Sur la question de l’échange d’informations, je souhaite faire en sorte que l’OMD joue un rôle encore plus actif en la matière, par le biais d’entités telles que le Centre d’information et de renseignement (I2C) et le réseau mondial des Bureaux régionaux de liaison chargés du renseignement.

Coopération Douane/Police

La coopération douane/police s’inscrit dans le cadre de la gestion coordonnée des frontières telle que promue par l’OMD. L’OMD entretient depuis longtemps une relation de coopération avec INTERPOL, fondée sur un protocole d’accord signé en 1998, et d’ailleurs son Secrétaire général, Jürgen Stock, est venu d’adresser au Conseil cette année. Il n’en est pas moins vrai qu’au niveau national, il s’est souvent révélé difficile de dépasser les défis associés au recoupement des activités et des mandats entre la douane et les forces de l’ordre.

Eu égard à cet état de fait, l’OMD a présenté au Conseil un projet de Manuel sur la coopération douane/police qui, dans sa forme actuelle, sera encore étoffé pour y inclure les expériences des Membres et les différents mécanismes de coopération existants. Tout en tenant compte du fait que la législation nationale et le cadre juridique institutionnel revêtent une importance certaine dans les relations douanes/police, le but de ce manuel est d’apporter des suggestions et des recommandations aux administrations douanières qui souhaitent renforcer leur coopération avec les autorités policières. A cet égard, un outil de diagnostic a été développé pour permettre aux Membres de procéder à un état des lieux concernant la coopération douane/police dans leur pays.

Le manuel relève également les opportunités existantes pour renforcer la coopération entre les deux services et décrit concrètement de possibles domaines de coopération afin de permettre aux deux autorités d’atteindre leurs objectifs stratégiques et tactiques. Il n’est pas possible d’appliquer une solution « taille unique », mais le manuel entend présenter les différents outils qui pourraient être utilisés afin de renforcer les liens entre les deux instances. J’aspire à ce que le manuel serve de référence aux administrations qui envisagent de développer un cadre de coopération ou de renforcer les mécanismes existants entre la police et la douane sur la base de leurs responsabilités, de leur mandat et de leurs compétences respectifs, ainsi que de leur environnement propre et de leurs ressources opérationnelles.

Coopération Douane/Administration fiscale

Une autre question importante en matière de gestion coordonnée des frontières a trait à la coopération douane/administration fiscale. À ce sujet, l’OMD a présenté ses travaux au Conseil en mettant l’accent sur la nécessité d’adopter une démarche pangouvernementale en vue de relever les défis inhérents à un contrôle efficace du commerce illicite, à la lutte contre la fraude fiscale, la fraude douanière, les flux financiers illicites et d’autres délits financiers.

Parmi ces travaux, figure l’élaboration des « Directives de l’OMD sur la coopération Douane/Administration fiscale » réalisée avec le concours des Membres, de l’OCDE, de la Chambre de commerce internationale (ICC) et d’autres parties prenantes. Les Directives ont vocation à fournir aux autorités douanières et aux autorités fiscales des orientations en vue de renforcer la coopération mutuelle et les mécanismes existants en matière d’échange d’informations pour aboutir à un renforcement de la facilitation des échanges et à une démarche effectivement coordonnée face aux délits fiscaux. L’OCDE a convenu de promouvoir les Directives auprès des instances chargées de la fiscalité via le Forum sur l’administration fiscale (FAF) et le Groupe d’action sur les délits à caractère fiscal et autres délits, ainsi que dans la prochaine édition du « Rapport de Rome pour une coopération interinstitutionnelle efficace pour lutter contre les délits à caractère fiscal et autres délits financiers ».

Protection du patrimoine culturel

Le trafic de biens culturels est une activité illicite des plus anciennes, mais il constitue à présent un risque croissant pour l’OMD et ses Membres, en particulier comme conséquence de la guerre civile en Syrie et en Irak. D’autres organisations adoptent des mesures prioritaires pour s’attaquer à ce fléau : par exemple, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté deux résolutions sur le trafic illicite des biens culturels en 2015. L’OMD est active dans ce domaine en offrant à ses Membres des possibilités de renforcer leurs capacités. Lors de ses sessions, le Conseil a adopté une Résolution concernant le rôle de la douane dans la prévention du trafic illicite des biens culturels, où la communauté douanière exprime son engagement à lutter contre ce type de délit.

Le Conseil a entendu une allocution par Mme Molly Fannon, Directrice du Bureau des relations internationales de la Smithsonian Institution. Mme Fannon a décrit l’importance que les objets culturels revêtent tant pour les individus que pour les civilisations, les premiers permettant aux derniers de s’autodéfinir, de retracer leur passé, d’appréhender leur présent et de se projeter dans l’avenir. Pour illustrer les risques de destruction de ces biens culturels, elle a par ailleurs montré une image de Palmyre, détruite par Daech en 2015. Dans ce cadre, elle a attiré l’attention des délégués sur le fait que, lorsque des groupes comme Daech détruisent ouvertement les sites relevant du patrimoine culturel, cela veut dire qu’ils en ont déjà préalablement retiré la plus grande valeur économique possible afin de financer leurs odieuses activités. Après sa présentation, Mme Fannon et moi avons procédé à la signature d’un protocole d’accord entre l’OMD et la Smithsonian Institution qui servira de base à une coopération renforcée entre nos deux organisations.

Dossier Recettes – Phase 3

L’OMD a également présenté au Conseil ses travaux actuels sur les questions de recettes, notamment la phase 3 du Dossier Recettes, qui se divise en deux parties. Dans le cadre de la première partie, le Secrétariat assurera la promotion et la mise à jour des outils existants, fournira une assistance aux Membres et évaluera l’impact de l’application des outils. La deuxième partie comprend un certain nombre de nouvelles initiatives couvrant des sujets tels que la coopération renforcée entre administrations douanières et fiscales, l’origine, le contrôle a posteriori, les « frontières fragiles », le contrôle des ressources minérales et les laboratoires des douanes.

Conclusion

L’OMD poursuit ses discussions et continue d’agir sur les questions critiques auxquelles est confrontée la communauté douanière mondiale et que j’ai mises en exergue dans le présent article. Les autres activités de l’OMD sont présentées de façon succincte dans les différents articles  ci-après, organisés par Direction de l’OMD. Vous y trouverez aussi des informations sur les sessions du Conseil 2016 qui, je crois pouvoir l’affirmer, ont été positives et dynamiques et ont clairement tracé la voie à suivre à l’avenir pour les Membres de l’OMD et la communauté douanière internationale dans son ensemble.