Focus

Agents en douane : quelques réflexions sur l’enquête de l’OMD et au-delà

27 juillet 2016
Par la Fédération internationale des associations des agents en douane

A l’heure actuelle, le recours aux agents en douane suscite un très grand intérêt dans le monde, intérêt suscité notamment par la valeur ajoutée que ces professionnels peuvent apporter afin de rendre le mouvement des marchandises plus efficace et rentable et de garantir le recouvrement des recettes tout en protégeant l’intérêt public.

Pourtant, les agents en douane dans le monde passent une grande partie de leur temps à expliquer ce qu’ils font. Ce n’est pas que le métier soit difficile à expliquer, mais il n’est certainement pas compris de la même façon par tout le monde tant les exigences posées à quiconque veut accéder à la profession et les services rendus dans le cadre de cette activité professionnelle varient selon la législation nationale. Ce qui fait et ce que fait un agent en douane dépend de nombreux éléments, comme la règlementation de la profession, le contexte dans lequel évoluent les entreprises dans le pays, le rôle des autres prestataires de services de logistique, ainsi que d’un élément aussi fondamental que la position géographique du pays concerné.

Si des différences existent ainsi entre agents en douane dans le monde, ils ont également bien des choses en commun. En témoigne le succès de la Fédération internationale des associations des agents en douane (IFCBA) qui s’est développée pour devenir un acteur de premier plan.

Étude de l’OMD

Lorsque, l’année dernière, l’OMD a annoncé que l’une de ses priorités était de mener une enquête sur les agents en douane, ces derniers s’en sont félicités. Nous avons ensuite été ravis d’apprendre qu’un nombre significatif de Membres de l’OMD avaient participé au sondage et avaient partagé avec enthousiasme leurs connaissances et expériences en matière de règlementation et de pratiques.

Les réponses apportées dans le cadre de l’enquête et leur analyse constituent une énorme contribution au recueil des connaissances sur les agents en douane et viennent confirmer l’importance que revêt le sujet tant pour les administrations douanières que pour le secteur privé. Des questions intéressantes, qu’il convient d’approfondir, y sont mises en lumière. Au sein de l’IFCBA, nous avons été ravis de constater que les résultats de l’enquête correspondaient aux retours d’information et aux priorités que nous avaient communiqués nos membres qui opèrent sur les plus grandes places commerciales du monde, y compris celles de pays en développement.

Règlementation de la profession

De fait, l’analyse des résultats de l’enquête de l’OMD et les observations contenues dans le rapport viennent renforcer les principes énoncés dans le modèle des bonnes pratiques de l’IFCBA en matière de règlementation de la profession d’agent en douane, modèle approuvé il y a sept ans après de nombreux travaux de recherche et de débats. A l’époque, le recours aux agents en douane avait fait l’objet d’importantes discussions au sein de l’Organisation mondiale du commerce, alors que l’Accord sur la facilitation des échanges était en cours d’élaboration. En 2009, l’IFCBA avait clairement exprimé sa position de principe : « l’IFCBA appuie l’établissement par les autorités compétentes de régimes de licences pour les agents en douane axés sur la transparence, la responsabilisation et la cohérence ». Elle avait, par ailleurs, fourni des orientations sur des questions essentielles à la mise en place d’un cadre pour l’octroi de licences, comme :

  • le champ d’application de l’activité (c’est-à-dire ce que les agents en douane licenciés peuvent faire et que de tierces parties ne peuvent faire) ;
  • les conditions d’entrée dans la profession (acquisition de connaissances à travers un enseignement, examen à l’appui) ;
  • les conditions régissant la pratique de la profession ;
  • le rôle des associations nationales des agents en douane.

Chacun de ces domaines se ventile en plusieurs niveaux. Au cœur de ce cadre réglementaire, une conviction : l’intérêt général est servi au mieux par une règlementation publique des agents en douane.

Avantages

Les gouvernements, dans de nombreux pays, passent par une période de changements profonds, s’accompagnant de révision et de modernisation complètes de leur cadre législatif. Ils doivent aussi faire face aux défis posés par une fragilité financière et se voient pressés de réduire leur déficit et de procéder à des coupes sombres dans les dépenses, ou autrement dit d’en faire plus avec moins de moyens. Plus que jamais, il apparaît clairement que les administrations douanières n’ont pas la capacité de traiter les demandes individuelles de milliers d’entreprises qui importent ou exportent des marchandises, et que la plupart des sociétés n’ont pas la capacité de gérer directement les exigences des douanes et d’autres services publics qui interviennent dans le mouvement transfrontalier de leurs marchandises.

L’existence même d’agents en douane agréés permet non seulement aux gouvernements de répartir leurs maigres ressources de façon plus efficace mais aussi d’économiser les deniers publics. Il existe de nombreux exemples qui illustrent dans quelle mesure les agents représentent un transfert net de coûts du secteur public vers le secteur privé du simple fait qu’ils reprennent à leur compte des fonctions telles que l’encodage, la gestion et l’analyse de données de milliers de clients et se chargent de communiquer les informations sur les exigences règlementaires, pour le moins complexes, à ces mêmes interlocuteurs.

Les agents en douane occupent également une position unique qui leur permet d’être en mesure d’aider les administrations douanières à s’améliorer, notamment à faire appliquer les règlementations plus efficacement, à développer des programmes qui optimisent le recours aux technologies et à faire appliquer les normes de sécurité de la chaîne logistique.

Enfin, le rôle et les priorités des douanes se sont élargis pour inclure à présent la sécurité des frontières. Les agents en douane peuvent être considérés comme étant les « opérateurs de confiance » originels, régis à travers des mécanismes comme la vérification des antécédents de sécurité, l’examen de la solvabilité et le contrôle des connaissances et de l’expertise dans le domaine du courtage. Par ailleurs, ils participent aux programmes d’OEA ou d’opérateurs de confiance et peuvent contribuer à construire une chaîne logistique mieux sécurisée et donc plus sûre.

Connaissances, capacités et alignement stratégique

Au cours de la dernière décennie, le contexte commercial international semble avoir changé du tout au tout. Les marchés se sont élargis au-delà de toutes les espérances suite à la prolifération des accords de libre-échange et les opérateurs commerciaux sont confrontés à une pression compétitive qui exige de leur part qu’ils se concentrent sur leur activité principale et prennent des décisions stratégiques sur la façon de gérer au mieux cette même activité. Or, il est important de comprendre comment fonctionnent les frontières pour prendre les bonnes décisions en matière d’investissement, prévoir le chiffre d’affaire et évaluer la compétitivité d’un pays sur la scène internationale.

En matière de courtage, trois éléments sont particulièrement importants si nous nous projetons dans l’avenir : consolider les connaissances des agents en douane, renforcer les capacités des administrations et procéder à un alignement stratégique.

La connaissance est fondamentale pour les agents en douane dans la mesure où elle constitue leur atout par excellence qui leur permet d’apporter une valeur ajoutée aux clients. L’IFCBA déploie des efforts pour essayer de mieux comprendre la façon dont la question de la connaissance est appréhendée, tant au niveau de l’entrée dans la profession que dans la mise à niveau des compétences tout au long de la carrière. Nous pensons que le potentiel existe pour un partenariat avec les administrations douanières en matière de définition des contenus de cours et de transmission du savoir lors de formations. Un tel partenariat engendrerait de nombreux avantages, au-delà du simple octroi des licences de courtage, notamment en matière de gestion de la conformité ou de gestion des risques. Les associations nationales d’agents en douane ont, bien entendu, leur pierre à apporter à l’édifice afin de renforcer les capacités et de consolider le socle de connaissances relatives à la profession.

Nous nous rendons bien compte qu’il reste encore beaucoup à faire pour renforcer les capacités autour de la question des agents en douane et de la règlementation de la profession. L’IFCBA a collaboré à plusieurs initiatives de renforcement des capacités en Amérique latine et en Asie, en partenariat avec l’Agence des services frontaliers du Canada, la Banque mondiale et l’OMD. A travers ce travail, nous avons compris à quel point il est essentiel de bien appréhender les défis rencontrés au niveau national et les différences en matière de priorités, et d’offrir une vision de l’intérieur et un appui dans des domaines tels que la formation, les outils-métier (par exemple les accords entre importateurs et agents), les différents modèles de coopération avec les parties prenantes et les procédures aux frontières, notamment la gestion coordonnée des frontières et le guichet unique. Les résultats de l’enquête de l’OMD sont source de nombreuses idées quant aux travaux futurs que nous pourrons entreprendre pour accroître et renforcer les capacités des Membres de l’OMD dans ces domaines.

Reste la question de l’alignement stratégique des objectifs de l’OMD, de ses Membres et des associations d’agents en douane, que ce soient les associations nationales ou l’IFCBA. Un tel alignement serait très positif.

Coopération avec les parties prenantes et partenariat avec la douane

Les agents en douane représentent également le point de départ naturel de tout travail visant à engager une coopération avec les parties prenantes. Les agents en douane dans de nombreux pays entretiennent une relation bilatérale forte avec leur administration douanière mais aussi avec les autres services gouvernementaux et autres parties prenantes. La position et le rayonnement qui caractérisent la profession d’agent peut être un atout certain pour ouvrir et faciliter le dialogue mais également pour mobiliser la volonté politique.

Futures activités de recherche

L’IFCBA soutient le lancement de futures activités de recherche. Un travail de collaboration avec l’OMD permettrait d’apporter un éclairage plus pointu sur les bonnes pratiques et de dégager des orientations. Les domaines suivants sont des thématiques susceptibles de faire l’objet d’un travail conjoint :

  1. la différence entre enregistrement des agents en douane et règlementation de la profession ;
  2. les mécanismes octroyant aux professionnels le mandat d’agir au nom d’un importateur ou exportateur ;
  3. l’étendue de la pratique – quelles sont les tâches que les agents agréés peuvent assumer ?
  4. la logique étayant la règlementation sur la profession d’agent en douane ;
  5. les conséquences liées au fait que des tierces parties non agréées agissent en tant qu’agents en douane ;
  6. l’autorité de réglementation : la douane ou une autre autorité publique?
  7. le recours obligatoire aux agents en douane ;
  8. les exigences pour les entreprises qui procèdent à leur propre dédouanement de marchandises sans passer par un tiers ;
  9. les éléments essentiels à l’octroi d’une licence : connaissances, solvabilité, informatisation ;
  10. les conditions pour le renouvellement de la licence ;
  11. les tendances chiffrées concernant les agents en douane et le recours aux professionnels du courtage douanier ;
  12. l’étude des possibles liens existant entre le recours aux agents en douane et la conformité ;
  13. les agents en douane et la coopération avec les parties prenantes.

La possibilité de prendre régulièrement des « instantanés » concernant les pratiques des agents en douane représente toujours une source indispensable d’informations et l’IFCBA y procède de temps à autre. Du reste, nous essayons constamment de mieux comprendre les besoins du métier mais aussi ceux des clients. Nous ne perdons jamais de vue le fait que les agents en douane ont une vision plus détaillée des besoins des petites et moyennes entreprises (catégorie à laquelle ils appartiennent bien souvent eux-mêmes).

Un dernier aspect digne d’intérêt a trait à la valeur ajoutée de l’agent en douane qui mériterait une étude approfondie à l’avenir. D’autres travaux devront être entrepris si nous voulons mieux comprendre pourquoi la plupart des importateurs au monde utilisent les services des agents en douane et dans quelle mesure ces derniers peuvent contribuer à la facilitation des échanges et à la prospérité nationale.

Perspectives

L’IFCBA a fêté son 25e anniversaire l’année dernière, au moment même où les agents en douane suscitaient un intérêt renouvelé de la part de l’OMD et de ses Membres. Nous nous réjouissons de poursuivre notre collaboration afin d’explorer ensemble des questions riches en enseignements et de développer de nouveaux axes de bonnes pratiques. Nous encourageons les pays ne comptant pas de véritable communauté de professionnels du courtage en douane à se pencher sur la possibilité d’en établir une. L’IFCBA a été créée pour répondre aux besoins de ses membres et pour aider à promouvoir la profession des agents en douane et leur valeur ajoutée. A travers leurs activités, nos membres facilitent la croissance économique en apportant davantage d’efficacité et de conformité dans le flux des marchandises, au bénéfice de toutes les parties.

 

En savoir +
http://ifcba.org