Panorama

Performance des guichets uniques : aperçu de l’exercice d’évaluation entrepris dans cinq pays d’Afrique

27 juin 2016
Par l’Alliance africaine pour le commerce électronique

Vingt ans et plus après la mise en place des premiers guichets uniques à Singapour et en Suède, ces systèmes sont toujours au cœur des stratégies de dédouanement aux frontières. Dans le monde entier, les experts du commerce les considèrent comme un moyen très pratique de rendre le dédouanement plus performant. Si le guichet unique n’est qu’une solution parmi tant d’autres pour faciliter les échanges, il est néanmoins très important. Cet article présente le projet entrepris par l’Alliance africaine pour le commerce électronique et visant à évaluer l’impact d’une architecture de guichet unique sur les opérations commerciales dans cinq pays d’Afrique.

Créée en 2009, l’Alliance africaine pour le commerce électronique (AACE) regroupe des opérateurs africains de guichet unique en vue de promouvoir ce concept au niveau national et régional et de créer une plate-forme d’échanges d’expériences concernant sa mise en œuvre. Elle compte actuellement dix-huit membres.

Les solutions de guichet unique appliquées par ces derniers, parfois depuis plus de dix ans, ayant atteint un certain niveau de maturité, l’AACE a décidé en 2014 d’en évaluer l’impact sur les processus transfrontaliers. Cinq pays ont été sélectionnés et l’AACE a opté pour un mécanisme d’évaluation par les pairs. Des représentants des pays sélectionnés – Cameroun, Ghana, Madagascar, Maurice et Sénégal – ont ainsi été amenés à examiner leurs systèmes respectifs avec le soutien d’experts de la Banque mondiale.

À propos des guichets uniques

La plupart des guichets uniques sont singuliers étant donné qu’ils ont chacun été développés pour répondre à des besoins et exigences spécifiques et sont adaptés à des contextes particuliers. Ils peuvent néanmoins se regrouper en plusieurs catégories. L’AACE a recensé trois grands modèles :

  • le guichet unique des formalités de dédouanement : forme qui correspond le mieux à la définition de la Recommandation n° 33 du CEFACT-ONU sur la création d’un guichet unique ;
  • le guichet unique de coordination de la logistique : aussi appelé « Cargo Community System » ou « Port Community System » et utilisé principalement dans les opérations portuaires, il veille essentiellement à la rapidité et à la fiabilité de la logistique, depuis l’annonce de l’arrivée du navire jusqu’à la livraison physique des marchandises au destinataire ;
  • le guichet unique des transactions entre entreprises (B2B) : c’est la forme la moins courante, utilisée souvent en complément des deux modèles précédents, pour mettre en contact les différentes parties prenantes à une opération commerciale.

À propos de l’évaluation

L’évaluation engagée par l’AACE visait à :

  • comprendre les différents modèles de guichet unique ;
  • identifier les concepts et les fonctionnalités similaires entre les modèles ;
  • identifier les points à améliorer ;
  • formuler des recommandations d’amélioration et d’évolution ;
  • recenser les enseignements qui s’en dégagent ;
  • établir une feuille de route pour un guichet unique régional.

Les guichets uniques des pays participants ont été évalués tout d’abord par rapport à l’objectif stratégique de facilitation des échanges et plus précisément de facilitation des formalités et d’échange d’informations. Les questions ont été formulées pour pouvoir s’appliquer à tous les pays et portaient sur les principaux aspects d’un guichet unique, à savoir :

  • l’étendue des services couverts (ce que fait le guichet unique) ;
  • le niveau d’utilisation des services de guichet unique (qui utilise ces services) ;
  • le niveau d’optimisation des processus (redéfinition des processus opérationnels) ;
  • les avis exprimés par les participants sur les changements entraînés par le guichet unique ;
  • l’impact du guichet unique sur le coût des opérations ;
  • le niveau de transparence.

L’évaluation s’appuyait également sur des indicateurs liés à la durée de traitement des importations et des exportations, ainsi qu’au transit, au transbordement et aux opérations logistiques. Le but était de mesurer les éléments suivants de bout en bout, d’après des données tirées du système informatique douanier et du système de guichet unique :

  1. processus d’importation de produits stratégiques d’un pays ;
  2. processus d’exportation de produits stratégiques d’un pays ;
  3. processus de transit du produit principal ;
  4. processus de transbordement d’un conteneur ;
  5. traitement logistique d’un conteneur.

 Mécanisme d’évaluation par les pairs

La méthode d’évaluation a comporté trois étapes :

Étape 1 : auto-évaluation du pays – chaque pays participant remplit le questionnaire qui lui est adressé.

Étape 2 : évaluation par les pairs – une équipe constituée d’experts internationaux et indépendants ainsi que de représentants des gouvernements a été chargée de valider les formulaires d’auto-évaluation ; la méthode utilisée se décompose en une suite d’activités, comme indiqué ci-après :

Étape 3 : démarche d’amélioration – les résultats des évaluations ainsi que les expériences de chaque pays, y compris leurs meilleures pratiques, ont été recensés et présentés aux pays membres de l’AACE lors d’une conférence. Chaque pays s’est vu remettre « une feuille de route pour amélioration » développée par les experts de la Banque mondiale et des pays participant à l’exercice.

Impact sur le commerce

L’évaluation montre que la mise en œuvre d’un système de guichet unique dans les cinq pays étudiés a eu un impact majeur sur les temps de traitement des opérations. Les autorités gouvernementales et autres acteurs concernés comme les banques ont pu accélérer les formalités de dédouanement. Les coûts des opérations ont baissé car les opérateurs commerciaux ou leurs représentants n’étaient plus obligés de se déplacer physiquement dans les agences concernées et de remettre des documents papier.

Les bénéfices principaux sont :

  • des temps d’attente moins longs pour la mainlevée des chargements ;
  • un traitement plus rapide par les organismes impliqués dans le processus de dédouanement ;
  • une baisse des coûts pour les entreprises et les services publics du fait de la dématérialisation des documents ;
  • un archivage plus facile des documents ;
  • de meilleures capacités en termes de statistiques et de traçabilité ;
  • un meilleur suivi possible des chargements et une meilleure information des entreprises sur l’avancement du dédouanement ;
  • une meilleure affectation du personnel à des fonctions plus valorisantes ;
  • de meilleurs moyens de dissuasion quant à l’utilisation de documents falsifiés, vu qu’il est plus facile d’authentifier les documents.

Quant au calcul du retour sur l’investissement engagé en matière de technologie, il sera traité lors du prochain cycle d’évaluation.

Points à améliorer

Les guichets uniques évalués n’ont pas encore révélé tout leur potentiel, principalement parce qu’ils ne portent que sur la présentation des données et sur le processus d’information. Les processus et services opérationnels ont été développés dans le but uniquement de remplacer les documents papier. Cette utilisation limitée s’explique eu égard au niveau de maturité et de préparation des organisations et des environnements commerciaux concernés. Si la dématérialisation représente un gain important en termes d’efficacité pour les utilisateurs finaux, elle n’a pas d’effet sur les autres contacts entre utilisateurs et services gouvernementaux et ne favorise pas la collaboration interne ni le partage d’informations entre administrations.

Concernant ce dernier point, les guichets uniques sont actuellement un moyen de soumettre les informations et les documents à la place des anciens procédés manuels utilisant des documents papier, mais peu de choses ont changé dans les processus décisionnels et le traitement interne opéré par les administrations. Les guichets évalués ne permettent pas encore aux organismes concernés d’établir une communication et une collaboration en interne pendant le dédouanement ni de s’échanger des renseignements stratégiques. Les données internes pourraient être encore davantage intégrées pour appuyer et éventuellement automatiser tout ou partie des décisions. Pour réduire les retards, on pourrait coordonner les inspections des marchandises et s’échanger les résultats de ces inspections et les évaluations des risques.

De même, les guichets uniques ne permettent que très peu de contacts entre une entreprise et une administration en dehors de la présentation des documents. Les cinq guichets uniques examinés ont les capacités de fournir l’état d’avancement des opérations et de faire en sorte que les acteurs concernés puissent s’échanger des messages. Mais ces services mériteraient d’être améliorés pour être encore plus profitables à l’utilisateur et pour que l’on passe à un environnement commercial complètement transparent et dématérialisé. Ils pourraient permettre, par exemple, à l’utilisateur de rechercher des informations préalables à une opération ou d’obtenir un éclaircissement de la part du service qui a rendu la décision, ou encore de bien communiquer avec les parties impliquées dans le processus décisionnel.

 

En savoir +
www.african-alliance.org
www.swguide.org
www.conferencesw.org