Focus

Perspective d’une société de courtage sur la marche à suivre en matière de modernisation

27 juin 2016
Par Dana L. Lorenze, première vice-présidente, Affaires douanières, Expeditors

Les possibilités

Alors que les travaux visant à une facilitation des échanges et à une gestion des risques douaniers sophistiquée rendent possibles un rapprochement des cadres douaniers et des efforts de modernisation – pensons par exemple à la mise en œuvre de guichets uniques régionaux -, il est essentiel d’informer secteur public et secteur privé des avantages qu’ils pourraient retirer d’une participation active à ces efforts. Ce n’est qu’au moyen d’une telle sensibilisation que nous pouvons espérer réussir à réunir les myriades d’innovations politiques, opérationnelles et juridiques nécessaires pour tirer le meilleur parti des opportunités qui s’offrent à nous.

Il est plus probable que l’on parvienne à garantir la conformité des échanges et à les faciliter si les agents en douane, les opérateurs multinationaux, les douanes et les organismes gouvernementaux participants disposent d’un cadre stratégique dans lequel inscrire durablement ces initiatives. Compte tenu de leurs contacts réguliers avec tous les maillons de la chaîne logistique, de leur expérience opérationnelle et de leur connaissance de divers systèmes et outils destinés à gérer la complexité des déclarations en douane dans différents pays, les agents en douane possèdent un point de vue unique. Étant l’un de ces agents, Expeditors shouhaite partager quelques réflexions sur la marche à suivre en matière de modernisation.

Quelques mots tout d’abord sur notre entreprise : Expeditors est une société de logistique mondiale qui emploie plus de 15 300 professionnels dans plus de 331 bureaux répartis sur les six continents. L’entreprise répond aux besoins de plus en plus complexes du commerce international en offrant des solutions personnalisées et des systèmes d’information intégrés. Ses services comprennent le courtage en douane, la consolidation et l’envoi de fret par la voie aérienne ou maritime, l’assurance des marchandises, le transport dans des délais fixés, la gestion de commandes, l’entreposage et la distribution.

Avantages

Les opérateurs actifs dans plusieurs pays sont confrontés à un défi : répondre à leurs obligations en matière de conformité et de service tout en maintenant leurs coûts au niveau requis. Les préoccupations mondiales en matière de sécurité et les différences qui existent dans les pratiques et procédures des douanes et autres agences gouvernementales compliquent la tâche des opérateurs. Une évolution vers un cadre et des procédures douaniers plus uniformes permettrait au secteur privé de gérer la conformité de leurs transactions sur la base de règles communes claires et cohérentes.

L’automatisation est une composante importante de l’élaboration d’une procédure douanière commune et peut grandement contribuer à l’adoption d’une approche de la gestion des risques de nature à faciliter les échanges et à améliorer la perception des recettes, la conformité et la sécurité.

Afin de justifier commercialement les investissements induits par la participation aux efforts de modernisation, le secteur privé devra apporter la preuve d’un retour quantifiable. Un tel retour inclura vraisemblablement une réduction des ressources manuelles et des frais administratifs, ainsi qu’une plus grande prévisibilité, ce qui aidera les opérateurs à réduire leurs frais d’inventaire et leurs fonds de roulement, mais aussi, à terme, à accroître leur rentabilité. Toutefois, les opérateurs doivent être conscients du fait que les efforts de modernisation prendront du temps et qu’ils devraient suivre une approche par étapes. Une approche progressive, basée sur la patience, leur permettra de s’assurer, à terme, que les procédures en douane ont été simplifiées et que les inefficiences n’ont pas été amplifiées par l’automatisation.

Du point de vue du secteur public, les avantages d’un cadre douanier commun et des efforts de modernisation sont relativement évidents. S’agissant de l’efficacité de la coordination aux frontières, les douanes apparaissent comme l’indispensable autorité de contrôle des échanges internationaux. Elles constituent souvent le guichet unique du gouvernement pour la réception et la diffusion des données et informations liées aux importations et exportations. Les administrations douanières ont tout à gagner d’une modernisation et de l’application d’un cadre commun pour l’automatisation, qui leur permettront de réaliser une évaluation des risques plus précoce, de renforcer efficacement leurs capacités et de mieux percevoir les recettes.

Besoins

Si nous entendons évoluer vers un cadre douanier commun et plus moderne, il nous faudra une stratégie partagée pour la mise en place de modèles de données cohérents, uniformes et bien délimités entre les régions. Une norme et une structure de données communes limiteraient la redondance. Nous aurons également besoin de ressources compétentes, issues des secteurs privé et public, pour gérer les problèmes politiques et réglementaires, les exigences en matière de programmation, l’analyse des opérations, la formation, la diffusion de l’information, la recherche des erreurs, la modification des procédures et la communication à tous les niveaux.

La mise en place de programmes de guichet unique et programmes pour les opérateurs dignes de confiance demande un investissement en temps et en ressources de la part de toutes les parties. Les chances de réussite sont plus grandes lorsque le cadre peut être mis en œuvre progressivement, et que les parties prenantes effectuent des tests, des analyses et des contrôles de l’état d’avancement à chaque étape.

Du point de vue public, il doit y avoir un mandat clair, sincère et sans ambiguïté des gouvernements. Pour que les améliorations soient durables, il nous faudra aussi une voie à suivre et un programme de travail clair et pratique, assorti d’échéances intermédiaires et doté des ressources suffisantes.

Pour lever les obstacles potentiels, il importe de bien comprendre que les avancées technologiques vont parfois plus vite que les politiques ou les réglementations, ou à un rythme trop rapide pour permettre aux parties prenantes de s’y préparer. Les parties prenantes devront aligner politiques, réglementations, données et fonctionnalités système à ces avancées et continuer ce travail constamment à divers niveaux.

En cas de désaccord sur la hiérarchisation des données, de blocages ou de problèmes de calendrier, une communication brouillonne entre les parties prenantes peut faire grimper l’addition ou allonger considérablement les délais associés à la mise en œuvre. La situation est d’autant plus délicate lorsque les parties prenantes poursuivent des politiques et des missions conflictuelles, ou lorsque les ressources ne sont pas adéquates.

En somme, nous croyons que la réussite des efforts de modernisation consentis par le secteur public et le secteur privé à l’échelle mondiale et régionale est conditionnée par plusieurs éléments :

  • il doit exister un impératif de changement ;
  • les différents organismes compétents doivent coopérer, et le gouvernement doit donner le mandat de recueillir des données et de les partager entre les douanes et les autres organismes gouvernementaux participants ;
  • comme expliqué plus haut, le secteur public et le secteur privé doivent coopérer de façon intensive ;
  • tous les acteurs doivent reconnaître la nécessité d’investir dans des technologies modernes ;
  • les acteurs doivent mettre au point une approche flexible et progressive ;
  • il convient de s’assurer que la technologie est fiable ;
  • il faut aligner les politiques, réglementations, procédures et technologies à tous les niveaux du secteur commercial et du secteur public.

Bien sûr, la gestion des risques ne se traduit pas toujours par des processus plus simples, et la technologie n’est pas la panacée. Il arrive que des cargaisons soient retenues suite à des discordances dans les systèmes. Il n’est pas facile de lever ces blocages dès lors que peu de personnes savent comment résoudre des problèmes complexes au niveau des systèmes ou des procédures, ou si l’on ne comprend pas plus en profondeur la cause première du vrai problème.

Les acteurs devront s’abstenir d’imputer au nouveau système des maux qui lui préexistaient mais étaient jusque-là réglés manuellement, notamment dans le cadre de procédures manuelles mises en place par les agences frontalières de nombreux pays. Enfin, le secteur public devra soutenir le recensement des procédures à l’échelle du pays et des agences avant que les systèmes puissent être mis en œuvre.

Appel

Malheureusement, tous ne s’entendent pas sur la nécessité d’un cadre douanier plus uniforme. Il y a encore beaucoup de détails à régler, mais le jeu en vaut la chandelle. Nous devons passer au crible les politiques, réglementations, procédures et technologies, mettre en place des projets pilotes et effectuer des tests sous contrôle à chaque étape du processus, dans l’ensemble des régions et agences gouvernementales concernées, afin de nous assurer que la technologie soit perçue comme une amélioration.

Les agents en douane hautement qualifiés sont idéalement positionnés pour appuyer les efforts de modernisation des douanes, car ils se situent à l’interface entre les secteurs public et privé et comprennent parfaitement, à ce titre, les responsabilités et procédures douanières, de même que les problématiques des chaînes opérationnelles et logistiques susceptibles d’influer sur les échanges. Nous sommes convaincus que ce point de vue unique est absolument nécessaire pour créer un cadre douanier commun fructueux et mener à bien les efforts de modernisation entrepris.

Les lecteurs qui le souhaitent peuvent obtenir les références de cet article en s’adressant directement à l’auteur, Dana L. Lorenze.

 

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