Interconnexion des systèmes douaniers : défis et possibilités pour les administrations des douanes de la SACU
19 mars 2018
Par Dalton Nxumalo, Chef de projet régional, projet Connect OMD-SACU and Mabuya Magagula, défenseur de la connectivité informatique au sein de la SACU, Administration fiscale du SwazilandLe manque d’interconnectivité des systèmes douaniers, couplé à des retards et à des imprécisions dans l’échange de données papier sur les transactions commerciales transfrontières entre administrations douanières, continue d’entraver les efforts de facilitation du commerce et d’intégration régionale au sein de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU). Cette situation débouche sur l’insatisfaction des opérateurs et génère des statistiques commerciales peu fiables, des controverses autour de la répartition des recettes communes entre États et des risques de fuite de revenus élevés.
Les enjeux sont élevés. Un système informatique commun permettrait de résoudre les problèmes liés aux données commerciales qui servent à déterminer la part des recettes de chaque État membre de la SACU. Les recettes communes de la SACU comprennent à la fois les droits de douane et les droits d’accises. Les droits de douane sont partagés sur la base des échanges intra-SACU (importations), tandis que les droits d’accises sont répartis sur la base du produit intérieur brut (PIB) des États membres, en pourcentage du PIB total de la SACU. De toute évidence, cela nécessite des statistiques commerciales fiables, surtout quant aux marchandises circulant entre États membres.
L’échange d’informations entre les États membres de la SACU est également essentiel pour lutter contre la fraude commerciale et créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de la région. Il s’inscrit enfin dans une vision plus large selon laquelle l’approfondissement de l’intégration économique est perçu comme un outil de développement et de rapprochement entre les peuples d’Afrique australe qui pourrait aboutir à l’établissement d’une communauté économique.
Outils
Les efforts que la région SACU déploie pour interconnecter les systèmes douaniers et mettre en place un échange électronique automatisé et en temps réel des données commerciales remontent à 2005. À ce jour, la région évolue toujours vers cet objectif tant attendu.
Au fil des ans, dans le contexte du projet « Connect OMD-SACU » financé par le gouvernement suédois, les États membres de la SACU ont élaboré avec succès un cadre permettant d’assurer l’interconnectivité des systèmes douaniers et l’échange électronique de données commerciales, dans l’esprit du concept de « Douanes en réseau international » de l’OMD. Les outils suivants ont ainsi été mis au point :
- deux ensembles de données, appelés « blocs utilitaires» dans le jargon de l’OMD : le bloc utilitaire « SACU », qui contient les données dont les douanes ont besoin pour le dédouanement, et le bloc utilitaire « Opérateurs privilégiés SACU », qui contient des données sur les sociétés participant au programme d’opérateurs privilégiés de la SACU ;
- une référence unique de l’envoi (RUE) pour la région, numéro de référence structuré que les administrations douanières de la SACU utiliseront pour « relier » ou apparier les données des déclarations d’importation avec les données d’exportation correspondantes échangées par voie électronique avec le pays exportateur ;
- un plan de connectivité informatique qui définit une norme technique pour la transmission effective des données de déclaration entre États membres de la SACU.
En outre, un bon nombre d’informaticiens et de fonctionnaires ont été formés à la définition de caractéristiques techniques de messages fondées sur le modèle de données de l’OMD. L’objectif consiste, entre autres choses, à permettre aux administrations douanières de la SACU de créer des messages électroniques harmonisés et standardisés et de réaliser leurs ambitions en matière d’interconnexion des systèmes informatiques.
Pour l’heure, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland utilisent le « système automatisé de données douanières » de la CNUCED (ASYCUDA World), l’Afrique du Sud utilise la solution Interfront Customs and Border Management (iCBS) et le Botswana utilise Crimson Logic. Un projet pilote d’échange de données a été mené entre l’Afrique du Sud et le Swaziland afin d’examiner l’interconnectivité des systèmes iCBS et ASYCUDA World (voir le graphique pour une vue d’ensemble du processus d’échange de données).
Ce projet a permis de confirmer qu’il était possible d’échanger quotidiennement des informations sur les importations/exportations entre les deux administrations des douanes : les deux administrations sont capables d’échanger les données en temps réel, moyennant un développement logiciel mineur de la part de l’Administration fiscale sud-africaine (SARS). Au cours du projet pilote, la Douane du Swaziland a utilisé les informations d’exportation provenant de la SARS pour établir une déclaration d’importation aux fins de la perception de la TVA.
Obstacles
Cependant, des problèmes législatifs et des inquiétudes liées à la protection des données, couplés à un mauvais alignement des priorités et du calendrier de la modernisation des systèmes douaniers, ont encore creusé les retards pris dans la concrétisation des ambitions régionales de la SACU en matière de connectivité informatique.
En mars 2017, la SACU a célébré l’entrée en vigueur de l’instrument juridique sur l’assistance administrative mutuelle (annexe E de l’Accord de la SACU de 2002). Néanmoins, l’annexe E elle-même exige de nouveaux accords de mise en œuvre au niveau bilatéral ou multilatéral, avec lesquels l’Union se débat actuellement.
La protection des données et plus particulièrement des informations à caractère personnel, à savoir toute information relative à une personne physique identifiée ou identifiable, pose particulièrement problème. Il convient d’assurer un degré de protection spécifique des données à caractère personnel afin de garantir le droit fondamental à la vie privée des individus, question qui se pose avec une acuité particulière lorsqu’on procède à un échange d’informations à grande échelle. Or, les législations nationales des États membres de la SACU ne sont pas nécessairement similaires, ni compatibles, et l’expérience a montré que la promulgation ou la ratification prenaient beaucoup de temps au niveau national.
Il convient de mentionner que l’actuel accord de la SACU, tel que modifié, dispose que les États membres doivent appliquer une législation analogue en matière de droits de douane et d’accises, sauf disposition contraire de l’accord. Mais, face à ces défis, la région comprend désormais la nécessité d’une « législation douanière unique » pour gouverner la SACU dans son ensemble. Le dispositif actuel, dans lequel chaque État membre a sa propre législation, n’est guère bénéfique en termes de facilitation des échanges et d’intégration régionale. Il est donc grand temps que les décideurs des États membres de la SACU envisagent l’élaboration d’une législation douanière unique, qui apporterait des avantages tangibles en matière de facilitation pour les opérateurs, tout en favorisant une intégration régionale plus poussée.
En savoir +
dalton.nxumalo@wcoomd.org
mbmagagula@sra.org.sz
La SACU compte cinq États membres – le Botswana, le Lesotho, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Swaziland – avec une population totale de plus de 61 millions d’habitants et un PIB combiné de plus de 500 milliards de dollars américains. L’histoire de la SACU remonte à 1910, ce qui en fait la plus ancienne union douanière au monde. En 2002, un nouvel accord a été négocié au sein de la SACU. Entré en vigueur le 15 juillet 2004, il a introduit un certain nombre de nouvelles dispositions qui n’existaient pas dans l’accord précédent, et a transformé l’union douanière en une nouvelle organisation mettant fortement l’accent sur les institutions et politiques communes. Pour approfondir l’intégration de la SACU, l’actuel accord de la SACU prévoit l’établissement d’une politique industrielle commune et d’une politique visant à réglementer les pratiques commerciales déloyales. Il prévoit également une coopération en matière d’agriculture et de concurrence. Il fournit en outre un mécanisme de négociation commun pour les négociations commerciales avec les tierces parties. Cet accord a été modifié le 12 avril 2013.