Panorama

Les États-Unis et le Royaume-Uni, unis contre la fraude

3 mars 2015
Par Susan Holliday, Bureau des Affaires publiques de la CBP

Tout commence aux États-Unis au printemps 2013, lors du contrôle d’un véhicule importé. L’expert de l’Administration des douanes et de la protection des frontières (CBP) ayant effectué le ciblage observe un comportement inhabituel de la part de l’importateur, s’apparentant au jeu du chat et de la souris : au lieu de présenter le véhicule, un Land Rover Defender, à l’entrée aux États-Unis, il le réintroduit en Angleterre, son pays d’origine.

L’expert de la CBP contacte alors l’attaché de la CBP à Londres, lequel avertit ses collègues des services de lutte contre la fraude britanniques pour qu’ils examinent le véhicule à son arrivée. L’inspection va révéler qu’il avait vu juste : le numéro d’identification du véhicule (NIV) avait été manipulé et le véhicule assemblé à partir de pièces volées, indices évidents de fraude.

Cet incident a intrigué les Britanniques. Ils avaient en effet constaté récemment de nombreux vols de Defenders, modèle de Land Rover qui n’est pas adapté au marché américain car il ne répond pas aux normes de sécurité et d’émission en vigueur aux États-Unis. Si un dialogue avec les Américains sur les chargements illégaux de véhicules pouvait réduire la criminalité au Royaume-Uni, alors ils étaient partants.

« Opération Atlantic »

Cette saisie réalisée en juin 2013 va permettre d’amorcer des discussions entre les États-Unis et le Royaume-Uni sur la manière dont pourrait être établi un échange officiel d’informations. Après avoir signé une lettre d’intention, les deux pays décident de lancer «l’ Opération Atlantic » en avril 2014.

La CBP et les autres agences fédérales américaines travaillent côte à côte au Centre de ciblage et d’analyse des opérations commerciales (Commercial Targeting and Analysis Center, CTAC) depuis 2009. Les onze agences partenaires représentées au sein du CTAC savent d’expérience qu’en s’échangeant des informations sur les fabricants et les expéditeurs de produits suspects, elles ont plus de chance de stopper les flux de produits dangereux et illégaux. La communauté douanière a d’ailleurs reconnu la pertinence du modèle : en 2014, l’OMD a déclaré le CTAC comme un exemple de meilleure pratique pour les gouvernements.

Lorsqu’il a été question de travailler avec les Britanniques pour lutter énergiquement contre l’importation de véhicules illégaux, plusieurs agences membres du CTAC se sont montrées très enthousiastes. L’Administration nationale pour la sécurité routière (National Highway Traffic Safety Administration, NHTSA), l’Agence pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA) et le Service de l’immigration et de la lutte contre la fraude douanière (Immigration and Customs Enforcement, ICE) se sont immédiatement ralliés à la CBP.

La NHTSA a tout  de suite demandé au CTAC de cibler les Land Rover Defenders en raison des problèmes de sécurité que pose l’importation de ces véhicules qui ne répondent pas aux exigences de certification américaines, notamment aux normes concernant les ceintures de sécurité, les essais de choc, les airbags et l’éclairage.

La raison pour laquelle nombre de personnes s’ingénient à manipuler le numéro d’identification du véhicule qu’elles souhaitent importer tient à la législation en vigueur. Les véhicules de moins de 25 ans « doivent répondre aux normes fédérales américaines sur la sécurité des moteurs, aux normes de l’EPA sur les contrôles des émissions et à la loi américaine sur la propreté de l’air », explique Chris Polashock, responsable des importations à la CBP pour le Port de Newark au New Jersey.

Les véhicules de plus de 25 ans ne sont pas soumis aux normes de sécurité, et ceux de plus de 21 ans ne sont pas soumis aux exigences de l’EPA. En revanche, les véhicules de 21 ans au moins dont le moteur a été remplacé doivent répondre aux exigences de l’EPA sauf s’ils ont un moteur plus récent ou équivalent, certifié par l’EPA.

Les importateurs tentent d’utiliser ces règles à leur avantage. Ainsi, une Mini Cooper avec un châssis de 2003 et un moteur de 1999 peut avoir un NIV de 1988 sous le capot. Un NIV ancien donne l’impression que le véhicule a plus de 25 ans et qu’il peut donc être importé en toute légalité.

« Il peut y avoir des pièces volées et des pièces qui ne sont pas légales », explique Gordon Roberts, inspecteur en chef au service du renseignement sur la criminalité en matière de véhicules de l’Association des officiers supérieurs de la police du Royaume-Uni (ACPO). Ces véhicules d’origine inconnue et remplis de pièces prélevées sur d’autres voitures sont un « fléau pour les automobilistes », poursuit M. Roberts. Ces voitures et leurs pièces ne peuvent pas être revendues dans le pays ou à l’étranger. Leur seule destination légale est la destruction ou la casse.

« Nous nous intéressons particulièrement à l’Austin Mini et au Land Rover Defender », indique Brenda B. Smith, Commissioner adjointe au Bureau du commerce international de la CBP. La destruction de ces véhicules très convoités peut susciter la colère des passionnés d’automobile qui ne comprennent pas le danger qu’ils représentent sur la route.

Pousser le partenariat plus loin

Lors d’une conférence à Washington D.C. début décembre 2014, les représentants américains et britanniques de « l’Opération Atlantic » ont pu s’échanger pour la première fois des informations, en personne, en discutant autour d’un café. Ils ont discuté de l’état actuel de leurs échanges et envisagé de nouvelles tactiques de ciblage pour 2015 afin de continuer à lutter rigoureusement contre les importations illégales de véhicules.

En 10 mois, la collaboration bilatérale engagée dans le cadre de l’opération a permis de mettre terme à des activités criminelles dans les deux pays. Les agents chargés de l’Initiative de la CBP pour la sécurité des conteneurs, postés aux ports britanniques de Felixstowe et de Southampton, travaillent régulièrement avec leurs homologues britanniques. Ils appliquent les protocoles de ciblage de la CBP et identifient les conteneurs pouvant présenter un risque terroriste. Ils alertent ensuite les autorités britanniques qui inspectent les véhicules et vérifient les NIV dans les bases de données britanniques et européennes de véhicules volés, avant qu’ils n’embarquent sur des navires à destination des États-Unis. Les véhicules manipulés, volés ou exportés illégalement peuvent ainsi être pris dans leurs filets.

De leur côté, des agents du Royaume-Uni alertent leurs collègues américains de « l’Opération Atlantic » pour qu’ils inspectent, à leur arrivée, les véhicules douteux déjà en route vers les États-Unis. Les deux équipes s’échangent fréquemment des informations sur les entreprises ou individus suspects lors de conférences téléphoniques ou par courriel.

Cet échange de données officialisé se distingue de la collaboration entre les agences fédérales des États-Unis. Le Royaume-Uni n’a pas accès aux bases de données américaines, d’où l’importance d’une coopération et de contacts réguliers sur les personnes et les entreprises traitant des marchandises illégales.

La collaboration entre le CTAC et la police des frontières du Royaume-Uni (UK Border Force, UKBF), responsable des contrôles douaniers et des contrôles d’immigration sur les personnes et les marchandises entrant au Royaume-Uni, est tout à fait pertinente selon Tim Coward, responsable du ciblage des conteneurs au niveau national, à la Direction Renseignement de l’UKBF. «  Nous avons besoin de leurs informations sur les importateurs suspects », dit-il, « et ils ont besoin de nos données sur les exportateurs suspects ».

« Prenez leurs données et les nôtres, rassemblez-les et nos cibleurs pourront creuser jusqu’à ce qu’ils trouvent comment les voitures sortent », confirme Nick Shrubshall, sergent-détective par intérim au Service du renseignement sur la criminalité à l’égard des véhicules de l’ACPO britannique.

Les partenaires américains et britanniques ont également discuté des moyens de couper court à une autre tendance récente parmi les exportateurs qui enfreignent la loi : le démontage de véhicules pour les expédier sous forme de pièces détachées. « C’est un secteur en pleine croissance », explique Gordon Roberts, Detective Chief Inspector à l’ACPO, « les véhicules sont désossés et répartis dans des caisses différentes pour leur exportation aux États-Unis. »

Il est illégal d’importer un véhicule en pièces détachées, et donc de déclarer le contenu du chargement comme étant des « pièces », voire des « rebuts », puis de le remonter à son arrivée aux États-Unis. Les expéditeurs qui veulent éviter d’être détectés envoient les véhicules démontés en plusieurs chargements, en provenance de ports différents ou d’entreprises différentes. Ici encore, l’échange d’informations permet de mieux cibler et contrer l’activité illégale des deux côtés de l’océan.

Élargir l’engagement international

« L’opération a abouti à des interventions impliquant des véhicules d’une valeur totale de plus d’un million de dollars US », explique M. Roberts, « et le Royaume-Uni a procédé à des arrestations et traduit en justice les personnes soupçonnées d’avoir falsifié l’identité de ces véhicules. »

La CBP envisage actuellement des partenariats équivalents avec d’autres pays pour lutter contre la fraude commerciale. « Nous poursuivons activement notre engagement avec les services douaniers et organismes de réglementation étrangers afin de profiter de l’expertise collective du CTAC et de lancer des opérations spécifiques de lutte contre les importations  posant des risques en matière de sécurité», explique Ed Ryan, expert en chef en commerce international au Bureau du commerce international. « Plus nous pourrons nous unir à d’autres nations et viser des cibles communes, plus nous réussirons à fermer les usines d’où sortent les produits qui violent nos lois. »

En savoir +
www.cbp.gov