Panorama

Évaluation du processus de mainlevée du fret : le Brésil partage son expérience

24 février 2021
Par la Douane brésilienne

L’OMD insiste depuis longtemps sur l’utilité de l’étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée (Time Release Study, ou TRS) lorsqu’il s’agit de permettre à un pays d’évaluer la performance de son administration douanière, des organismes de réglementation aux frontières, des autorités portuaires, des opérateurs commerciaux et de divers fournisseurs de services, en matière de dédouanement. Dans cet article, la Douane brésilienne partage son expérience après la conduite de sa première étude.

Réaliser une étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée est un moyen efficace d’obtenir un large éventail d’informations et de connaissances sur le processus de dédouanement et le traitement des transactions commerciales par les différents acteurs concernés. Bien que l’OMD ait développé cet outil il y a plusieurs années déjà, la Douane brésilienne n’a lancé sa première étude qu’en 2019. À vrai dire, l’administration utilisait jusque-là une autre méthode pour mesurer le temps nécessaire à la mainlevée des marchandises. Cette méthode, tout en partageant un certain nombre de traits communs avec la TRS, n’était pas satisfaisante, car elle se concentrait uniquement sur le point de vue douanier et ne prenait pas en compte tous les acteurs associés au processus d’importation (par exemple, les services d’octroi de licences et les acteurs du secteur privé).

Après avoir procédé à deux évaluations fondées sur cette méthode, l’administration douanière s’est finalement tournée vers la TRS de l’OMD. Les précédentes tentatives d’évaluation de l’efficacité du dédouanement avaient préparé le terrain, et les décideurs étaient déjà sensibilisés à l’importance de recueillir des données sur le temps nécessaire à la mainlevée des marchandises. Ils étaient entre autres conscients de l’intérêt qu’il y a à mesurer la performance par rapport aux objectifs fixés dans les différents projets et à évaluer l’effet que les changements législatifs et administratifs avaient sur le comportement des acteurs commerciaux au fil du temps.

Difficultés

L’administration a rencontré de nombreuses difficultés lors de la préparation et de la réalisation de l’étude :

  • il lui fallait obtenir un appui de haut niveau, car la réalisation d’une telle étude nécessitait des ressources, ainsi que la capacité de donner des instructions à d’autres organismes et participants.
  • il manquait de personnel pour mener l’étude, et l’administration a dû libérer des agents de certaines de leurs fonctions pour leur permettre de se concentrer sur le projet TRS.
  • il a fallu établir un partenariat efficace avec les représentants du secteur privé qui participaient à l’étude pour s’assurer qu’ils se sentaient impliqués et recueillaient les données requises.
  • il a fallu modifier le système informatique des douanes afin d’avoir accès à toutes les données requises et de pouvoir les extraire.
  • certains organismes intervenant dans le dédouanement des marchandises éprouvaient des difficultés à recueillir les données requises.

Il est possible de mener l’étude dans des situations défavorables, mais la Douane brésilienne a préféré lancer sa première étude lorsque toutes les conditions nécessaires étaient réunies.

Méthode

L’étude a été menée à tous les points de passage frontaliers où le dédouanement a lieu. Seule exception à cette règle : le transport routier, pour lequel les données ont été recueillies aux deux principaux points d’entrée des marchandises, qui représentent environ la moitié du volume total des importations passant par cette voie. Les données portent sur le temps écoulé entre le moment où les marchandises entrent dans le pays et le moment où elles sortent effectivement de l’entrepôt douanier. Elles ont été recueillies pour trois modes de transport (maritime, aérien et routier) et quatre « canaux d’inspection ».

La Douane a recensé quatre flux principaux et décomposé le processus d’importation de chaque flux en différentes étapes afin d’identifier avec précision les responsables de chacune des procédures et, par conséquent, de pouvoir déceler plus facilement les possibilités d’amélioration des processus et des performances.

Compte tenu du degré de numérisation de la Douane brésilienne et des acteurs commerciaux, ainsi que de la masse de données à récolter et du nombre de points d’entrée concernés, il a été décidé que toutes les données devraient être recueillies par voie électronique. Les données ont été rassemblées à partir du système informatique de la Douane, puis partagées avec tous les acteurs qui participaient à l’étude, auxquels il a été demandé de les compléter. Au total, des données ont été recueillies sur plus de 300 000 déclarations, chiffre qui est tombé à environ 260 000 après quelques ajustements qui visaient à réduire le volume de données.

Des représentants des entités publiques et privées participant à l’étude préparent sa mise en oeuvre

Résultats

Les principales conclusions de l’étude sur les délais de mainlevée sont présentées à la figure 1. Le délai moyen de mainlevée des marchandises est de 7,4 jours. Les temps de dédouanement augmentent en fonction du canal d’inspection (vert, jaune ou rouge). Les processus d’importation qui présentent un risque douanier, sanitaire et/ou phytosanitaire plus élevé, ont des flux d’importation plus complexes. C’est dans ces processus, qui représentent moins de 3 % de l’échantillon, que l’on a constaté les délais les plus longs.

Le dédouanement, dont la responsabilité incombe à l’administration douanière, représente moins de 10 % du temps total mesuré. Les actions qui relèvent de la responsabilité d’agents privés, notamment des importateurs ou de leurs représentants (courtiers en douane), des transporteurs internationaux et des dépositaires, représentent plus de la moitié du temps total mesuré dans tous les flux analysés.

Les différents acteurs privés qui interviennent dans le processus d’importation semblent avoir de nombreux moyens d’accélérer la mainlevée des marchandises. Une action diligente de la part des importateurs et/ou de leurs représentants dans l’exécution des procédures d’enregistrement des déclarations, de livraison des marchandises après dédouanement et de remise des documents aux douanes brésiliennes et autres organismes compétents peut réduire le temps total de 40 % en moyenne.

On peut également revoir les indicateurs de performance élaborés pour évaluer l’effet des réformes et outils futurs. Ainsi, l’équipe de projet chargée de l’élaboration et de la mise en œuvre du Programme de guichet unique du Brésil, principal outil de modernisation et de simplification administrative pour le commerce extérieur brésilien, s’était fixé comme objectif de ramener de 17 jours (temps moyen nécessaire) à 10 jours le délai de mainlevée des marchandises dans le secteur maritime. L’étude montre que cette procédure prend 9,7 jours, ce qui signifie que l’on aurait pu fixer un objectif plus ambitieux.

Autres conclusions importantes :

  • les délais de traitement de certaines procédures diffèrent d’un bureau de douane à l’autre. Il faut trouver les raisons de ces disparités et élaborer des pratiques optimales pour harmoniser l’application des procédures.
  • le temps nécessaire aux importateurs ou à leurs représentants pour enregistrer la déclaration d’importation et le temps nécessaire pour leur livrer les marchandises représentent environ 80 % du délai moyen total nécessaire. La Douane brésilienne doit entamer un dialogue avec le secteur privé pour comprendre les raisons de ces délais.
  • la procédure d’importation repose toujours sur une série d’étapes séquentielles, ce qui allonge le délai de dédouanement. L’équipe du projet de guichet unique a cartographié le processus actuel, et la mise en œuvre du projet devrait donner lieu à des changements dans la procédure.
  • un déséquilibre a été constaté dans la répartition de la charge de travail entre les différents services douaniers. Il faut redistribuer les tâches entre les équipes nationales et régionales. Il convient à cet égard de tenir compte de l’infrastructure informatique disponible, puisque certaines tâches nécessitent l’accès à certains outils.
  • les organismes publics ne sont pas tous logés à la même enseigne s’agissant de l’infrastructure technologique et des services informatiques. La mise en œuvre du guichet unique règlera ce problème.

Opérateur économique agréé

Une partie de l’étude était consacrée au temps nécessaire pour dédouaner les envois d’importateurs ayant obtenu le statut d’opérateur économique agréé (OEA). Une autre partie traitait des envois dont la réglementation relevait de la responsabilité des autorités sanitaires et agricoles et dont l’importation nécessitait une licence avant ou après l’arrivée dans le pays.

L’étude montre que, là où les opérations normales prennent en moyenne 207,38 heures entre l’arrivée et la livraison du fret, les opérations concernant les OEA sont en moyenne 32,37 % plus rapides pour tous les modes de transport (140,25 heures). L’un des avantages offerts aux opérateurs certifiés OEA est le « dédouanement sur l’eau », une méthode de dédouanement spéciale pour le transport maritime qui permet l’enregistrement préalable de la déclaration d’importation. L’étude a montré que ces opérations maritimes avaient permis de réduire sensiblement les délais, de 72,47 % en moyenne. Toutefois, le recours au dédouanement sur l’eau est limité aux importations pour lesquelles aucune licence n’est requise ou pour lesquelles la procédure d’obtention de la licence est effectuée avant l’enregistrement de la déclaration. La décision du gouvernement de faire participer d’autres organismes gouvernementaux au processus de certification des OEA au moyen du « Programme intégré des OEA » est une chance, car elle permettra aux opérateurs certifiés comme « OEA intégrés » (du point de vue des douanes et de l’organisme d’approbation concerné par l’opération) de recourir au dédouanement sur l’eau pour les importations soumises à licence.

Transparence

Les résultats d’une étude TRS et de toute autre activité de mesure de la performance devraient être publiés. La norme 9.1 de la Convention de Kyoto révisée de l’OMD dispose ce qui suit : « La douane fait en sorte que toute personne intéressée puisse se procurer sans difficulté tous renseignements utiles de portée générale concernant la législation douanière. » Ce principe est réaffirmé dans les Directives de l’OMD sur la transparence et la prévisibilité, Directives qui citent les « résultats des mesures de la performance » parmi les informations que les douanes sont encouragées à publier.

Il convient donc de publier non seulement les résultats mais aussi les « expériences en matière de mesure des temps moyens nécessaires à la mainlevée, y compris les méthodes utilisées, les goulets d’étranglement identifiés, et toutes répercussions sur le plan de l’efficacité », comme indiqué à l’article 7 (paragraphe 6.2) de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges.

Au Brésil, la méthode employée et les résultats de l’étude ont été présentés lors d’un événementen ligne qui a réuni des représentants de haut niveau de diverses institutions nationales, d’entités du secteur privé et d’organisations internationales, dont l’OMD. Outre cet événement, un webinaire a été organisé pour les acteurs en quête d’informations plus détaillées. Les deux ont été visionnés par des milliers de personnes. Le rapport de l’étude, diverses présentations et l’ensemble des données brutes anonymisées de l’étude sont accessibles au public sur Internet. La publication des résultats peut se révéler un facteur de motivation très efficace pour tous les acteurs qui interviennent dans le processus de dédouanement des marchandises et permettre le respect des obligations de responsabilité et de transparence.

Avantages indirects

Les résultats de l’étude peuvent être utiles dans de nombreux domaines.

Recherche

L’ensemble des données de l’étude pourrait intéresser les milieux universitaires. En analysant les données brutes anonymisées, on pourrait faire de nouvelles constatations, voire réfuter certaines des conclusions, ou encore formuler de nouvelles recommandations.

Ressources humaines

Les chiffres sont un langage universel ; ils donnent une image intelligible et neutre de la réalité de terrain. L’étude reflète le travail des douaniers. Les données recueillies donnent aux gestionnaires et aux cadres un éclairage sur des situations et des pratiques qui n’étaient examinées que de manière hypothétique. L’étude a permis de lancer un dialogue dans le but de renforcer l’engagement et d’accroître le sentiment d’appropriation des projets. On pourrait apporter une réponse aux problèmes et aux besoins mis en évidence en adaptant les procédures, en fournissant des outils ou en dispensant des formations.

Partenariat douanes-entreprises

L’étude montre clairement que les actions et les améliorations des procédures par les agents publics ne suffisent pas étant donné qu’une grande partie des goulets d’étranglement relèvent de la responsabilité d’acteurs privés. Compte tenu de leur intérêt commun à assouplir la mainlevée des marchandises, les agents publics et les représentants du secteur privé devraient y voir une occasion d’améliorer leurs relations et de chercher ensemble des réponses aux questions soulevées dans l’étude.

Apporter des données tangibles à l’appui du débat politique

Les conclusions et recommandations de l’étude ont été incluses dans le plan d’action du Comité national de la facilitation des échanges (NCTF). Une étude technique est ainsi entrée dans la sphère politique et contribuera à façonner une réforme.

Au Brésil, outre le NCTF, il existe des comités locaux de facilitation des échanges (LCTF). Ceux-ci sont gérés par les services douaniers locaux et servent de forum pour examiner les initiatives de facilitation au niveau local et se pencher sur les problèmes qui se posent localement. Ces comités doivent en outre faire remonter au NCTF les questions qui nécessitent une décision ou une orientation au niveau national. Les données recueillies au cours de l’étude fournissent de nouvelles informations sur les réalités locales, et les comités locaux sont invités à examiner les mesures à prendre pour s’attaquer aux problèmes mis en évidence dans l’étude et suivre leur mise en œuvre.

Conclusion

La réalisation de l’étude au Brésil n’a pas été simple, mais les avantages qui en découlent pour les acteurs du commerce transfrontière, ainsi que pour le pays dans son ensemble, en valaient la peine.

L’étude est considérée comme un processus continu, et la Douane brésilienne s’est engagée à réitérer régulièrement l’exercice. Les principaux goulets d’étranglement recensés dans l’étude ont déjà été cartographiés et, comme indiqué précédemment, des solutions à moyen terme sont déjà en cours d’élaboration pour la plupart d’entre eux. Une fois ces solutions mises en œuvre, il sera important de mesurer à nouveau le processus de mainlevée pour évaluer les gains. Autrement dit, l’étude devrait servir de déclencheur et de point de référence pour l’évaluation de l’évolution de la situation. Espérons que les prochaines éditions de l’étude mettront en lumière ces progrès et améliorations.

En savoir +
ronaldo.sf.correa@rfb.gov.br
jackson.corbari@rfb.gov.br
jose.carlos-araujo@rfb.gov.br