Focus

Contrôler la sécurité des produits en période de COVID-19

25 février 2021
Par Anna Abbinante, Direction de la lutte contre la fraude et des contrôles douaniers, Agence italienne des douanes et des monopoles

Système de surveillance du marché

En Italie, la responsabilité de la surveillance du marché incombe au Ministère du développement économique et à d’autres organismes sectoriels, tels que le Ministère de la santé qui est chargé d’évaluer la conformité des dispositifs médicaux, et l’Agence italienne des médicaments et l’Institut pour la sécurité au travail qui sont tous deux chargés d’évaluer la conformité des équipements de protection individuelle (EPI).

Les organismes chargés de cette surveillance doivent veiller à ce que les produits en circulation soient régulièrement soumis à des contrôles, sous la forme de l’examen de la documentation relative au produit et/ou (le cas échéant) de contrôles physiques et de tests de laboratoire. Cela étant, l’autorité responsable des contrôles des produits qui entrent dans l’Union européenne, en ce qui concerne leur conformité aux exigences de qualité et de sécurité, est l’Agence italienne des douanes et des monopoles (ci-après la « Douane » ou la « Douane italienne ») qui peut suspendre la mise en circulation de produits quand elle soupçonne qu’ils sont dangereux et/ou qu’ils ne sont pas conformes à la législation, ou qu’ils ne répondent pas aux exigences relatives à la documentation et au marquage.

Lorsque la mise en libre pratique est suspendue, la Douane italienne doit immédiatement en informer l’organisme de surveillance du marché compétent qui dispose de trois jours ouvrables pour effectuer une enquête préliminaire et décider si les produits peuvent être mis en libre pratique ou doivent être retenus pour des contrôles supplémentaires de sécurité et de conformité. La décision finale de l’organisme de surveillance du marché est ensuite notifiée à la Douane qui libère, saisit ou renvoie les marchandises, selon le cas.

La Douane a mis à jour en 2019 le manuel des procédures afin de s’assurer que tous ses bureaux appliquent les mêmes procédures et de garantir l’uniformité et le haut degré de qualité des contrôles aux frontières. Les agents des douanes trouvent dans ce manuel des instructions détaillées sur la manière d’effectuer les contrôles, y compris celles qui concernent les exigences de sécurité et de conformité des produits.

Une coopération étroite existe entre la Douane italienne et les organismes de surveillance du marché. Compte tenu de la diversité des produits soumis aux exigences de sécurité et de conformité, évaluer la conformité d’un produit peut être difficile. La coopération se traduit donc également par l’organisation de sessions de formation pour les agents des douanes par divers organismes spécialisés. Elle est particulièrement solide entre la Douane et le Ministère du développement économique : un agent des douanes est détaché dans ce ministère en tant qu’agent de liaison. Le Ministère facilite le travail de la Douane en envoyant des informations sur les catégories de produits à haut risque, les opérateurs économiques ou les fabricants à haut risque et toute autre information pertinente qui facilitera l’identification à la frontière des produits suspectés d’être dangereux ou non conformes. En outre, le personnel du ministère soutient les agents d’inspection lors des contrôles physiques et apporte des conseils et des réponses rapides sur les questions techniques. Cette coopération a été formalisée par un accord entre les deux organismes. Les autres organismes de surveillance du marché travaillent également avec la Douane sur la base d’accords similaires. En outre, les associations de titulaires de droits apportent un soutien technique aux organismes publics lorsque cela est nécessaire.

COVID-19

Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé l’Italie début 2020, la Douane italienne a dû renforcer ses contrôles sur les marchandises considérées comme essentielles dans la lutte contre le virus, dans le but de stopper l’importation de produits illégaux, non autorisés et dangereux, susceptibles de mettre en danger la santé publique. Elle a signé un nouvel accord avec le Ministère du développement économique pour renforcer les contrôles douaniers sur les équipements de protection individuelle et les dispositifs médicaux, ainsi que sur les masques. Pour assurer l’efficacité de la lutte contre la fraude, une série de mesures a été adoptée.

Premièrement, les autorités ont renforcé l’analyse des risques sur certains types de marchandises. Il a été demandé à l’attaché des douanes à l’ambassade d’Italie en Chine de fournir des données et des informations sur les entreprises autorisées à fabriquer des produits liés à la COVID-19 ainsi que sur les entreprises impliquées dans des pratiques frauduleuses. Pour ce faire, l’attaché a établi une ligne de communication directe avec la Douane chinoise et avec la Chambre de commerce chinoise en Italie. La Douane italienne a également élaboré des profils de risque sur la base de renseignements recueillis au niveau national, ainsi que de renseignements venant d’autres pays, de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et de l’OMD.

Deuxièmement, à titre temporaire, les autorités ont étoffé pour certains produits la liste des documents qui doivent obligatoirement accompagner les déclarations en douane et ont parfois exigé des certificats supplémentaires, dans le but de garantir le haut niveau de qualité des produits destinés à être utilisés aux fins de la santé publique et par les citoyens. Par exemple, une déclaration relative à la destination finale des marchandises était exigée. Cela permet à la Douane italienne d’accélérer les contrôles sur les importations destinées aux services privés et publics essentiels, tels que les hôpitaux, les maisons de retraite, les autorités de protection civile et les organismes militaires[1].

Troisièmement, des formations spécialisées ont été dispensées aux agents des douanes chargés du dédouanement et de l’inspection des marchandises. Divers services de la Douane italienne ont été invités à apporter un soutien exceptionnel aux agents de terrain afin d’accélérer les procédures de contrôle. Des équipes au sein des autorités de surveillance du marché (Ministère du développement économique, Ministère de la santé et Institut pour la sécurité au travail) ont détaché des agents pour évaluer la conformité des produits aux normes européennes et nationales selon la procédure normale. Le laboratoire chimique de la Douane a également travaillé dur pour augmenter sa capacité de soutien, notamment pour évaluer la qualité des masques dont les importations ont connu une croissance exponentielle. Les titulaires de droits et les organismes privés ont fait de même, et ont même aidé à évaluer les informations fournies sur les documents et les marchandises elles-mêmes.

Quatrièmement, les contrôles sur les marchandises ciblées ont été multipliés et des instructions spécifiques ont régulièrement été données aux douaniers afin de renforcer l’efficacité et l’efficience des contrôles sur documents et des inspections physiques. Par exemple, des instructions supplémentaires ont été fournies concernant les procédures existantes pour l’envoi d’échantillons à l’organisme chargé de fournir des avis ou conseils techniques, pour la demande d’une assistance technique aux laboratoires de chimie, pour la manipulation des marchandises, pour la collecte sûre d’échantillons et pour la communication d’informations et de données à des fins d’analyse des risques.

Cinquièmement, les autorités ont renforcé les contrôles quant à la validité du marquage CE et quant aux déclarations de conformité. Ces contrôles nécessitent de consulter les « organismes notifiés » désignés pour effectuer les procédures spécifiques d’évaluation de la conformité et pour délivrer les certificats de marquage CE[2]. La liste des organismes notifiés désignés figure dans le système d’information NANDO de la Commission.

Sixièmement, le savoir-faire du personnel de laboratoire et leurs installations ont été mis à la disposition d’autres États membres de l’Union européenne qui avaient besoin d’évaluer la qualité des masques mais qui ont peu d’expérience dans ce domaine. Les résultats des analyses sont partagés au moyen du mécanisme existant d’échange d’informations entre les États membres de l’UE (sauf si une autorité judiciaire restreint l’accès aux informations, auquel cas une autorisation spéciale est requise).

Par ailleurs, compte tenu du contexte d’urgence, la Douane a également dû veiller au respect des mesures temporaires de contrôle des exportations que le gouvernement italien avait adoptées afin de garantir la disponibilité sur le marché national de tous les biens et produits nécessaires à la lutte contre la propagation de la COVID-19.

Résultats

Le tableau 1 indique le nombre de produits saisis entre janvier et octobre 2020, dont la plupart ne respectaient pas les normes en vigueur et étaient dangereux pour les utilisateurs. En général, les déclarations d’importation s’accompagnaient de faux certificats de conformité CE.

Les contrôles douaniers ont déclenché des vérifications et des enquêtes supplémentaires. Des descentes ont été effectuées dans des locaux d’entreprises et des entrepôts où l’on supposait qu’étaient stockés des produits non conformes, des contrefaçons et d’autres produits illégaux. Plusieurs négociants et sociétés se sont révélés être des opérateurs peu fiables et leurs représentants légaux ont été dénoncés aux autorités judiciaires compétentes comme auteurs présumés de crimes contre la santé publique. Les enquêtes en cours se concentrent sur la criminalité organisée impliquant le commerce de produits et de médicaments illégaux et contrefaisants.

Au port d’Ancône, en juillet 2020, 24 020 paires de lunettes ont été saisies. Le certificat CE, un faux, avait été émis par une société chinoise non autorisée qui avait été signalée par l’OLAF. Une enquête pénale est en cours. Les marchandises ont été détruites car elles étaient considérées comme dangereuses pour les utilisateurs.
À l’aéroport de Bergame, en août 2020, 6 500 masques ont été saisis et détruits. Le certificat CE était un faux.
À l’aéroport de Malpensa, en mai 2020, la Douane a saisi 5 180 unités de chloroquine, un médicament utilisé principalement pour prévenir et traiter le paludisme, mais également pour traiter les patients atteints de la COVID-19. L’importateur n’avait pas l’autorisation requise de l’autorité sanitaire.

Perspectives

Bien qu’aucun kit de test COVID-19 n’ait été saisi, la Douane italienne examine la chaîne d’approvisionnement de ce produit et recueille des renseignements auprès d’autres pays et du secteur privé pour renforcer les indicateurs de risque. On notera qu’il n’existe pas de normes concernant la composition de ces kits et que les autorités ne peuvent donc les saisir que s’ils contiennent des produits dangereux ou interdits, ou en raison d’infractions aux normes d’étiquetage et d’emballage.

Les vaccins font également l’objet d’un examen minutieux avec l’aide des fabricants et des distributeurs. Le principal risque à ce sujet est la vente de faux vaccins sur Internet. La manière la plus efficace de lutter contre ce phénomène est de sensibiliser le public à la politique de distribution des vaccins et au danger que représentent ces produits. La Douane italienne a travaillé dans le passé sur des campagnes de communication qui mettaient en avant le danger que représentent les jouets et médicaments illégaux et auxquelles ont pris part des personnalités, telles que des chanteurs et des acteurs. Une nouvelle campagne sur les faux vaccins sera bientôt lancée, et la Douane italienne travaille également avec l’Agence italienne des médicaments et les professionnels de la santé pour faire passer le message.

En savoir +
anna.abbinante@adm.gov.it

[1] Le champ d’application des marchandises n’est pas toujours spécifié dans les descriptions de produits de la nomenclature douanière. Voir article qui suit : La sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale : déterminer les chaînons manquants pour libérer le plein potentiel de la coopération.

[2] Une fois cette évaluation effectuée et la certification reçue, les fabricants peuvent apposer le marquage CE sur leurs produits et les mettre légalement sur le marché de l’UE. Le marquage CE n’est pas obligatoire pour tous les produits.