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Un nouvel ouvrage étudie les mécanismes de collaboration mis en œuvre pour assurer une protection plus efficace de l’environnement

16 février 2016
Par Mariya Polner, Conseillère en matière de politiques, Sous-Direction de la lutte contre la fraude de l'OMD

L’OMD figure parmi les très nombreux auteurs, venant d’horizons aussi différents que la politique, la lutte contre la fraude ou le monde universitaire, à avoir pris part à la rédaction de l’édition 2015 des Études Palgrave sur la criminologie verte intitulée « Environmental Crime and Collaborative State Intervention ». L’ouvrage explique comment des réseaux de collaboration se tissent dans un contexte de lutte contre la criminalité environnementale et examine les possibilités qu’ils offrent aux parties intéressées.

Tout au long de ces dix dernières années, la criminalité environnementale transnationale, concept qui fait référence à des activités telles que le transport et le déversement illicites de déchets toxiques, le commerce illicite d’espèces sauvages ou l’exploitation forestière illégale (et ce ne sont là que quelques exemples), a retenu l’attention des décideurs aux plus hauts niveaux. Elle a également ouvert la voie à l’émergence de plusieurs modèles de collaboration entre gouvernements, organisations non gouvernementales (ONG), le monde universitaire, le secteur privé, les agences de conseil, ou encore les parquets et tribunaux et la société civile.

L’édition 2015 des Études Palgrave sur la criminologie verte, intitulée « Environmental Crime and Collaborative State Intervention », revue par Grant Pink, University of New England (Australie) et Rob White, University of Tasmania (Australie), propose une description inédite des modèles de gouvernance adoptés par ces réseaux de collaboration, à tous les stades de leur développement. L’ouvrage fait la lumière sur les dernières avancées en matière de collaboration environnementale, expose les points de vue et expériences des principales parties prenantes, ainsi que les enseignements tirés.

Le rôle de la collaboration dans la lutte contre la criminalité environnementale est abordé dès les premières pages, l’accent étant mis, à la fois, sur les fondements théoriques de la collaboration par les réseaux et sur les définitions de la criminalité environnementale transnationale. Se fondant sur le caractère multidimensionnel et transnational de ce type de criminalité, les auteurs soulignent que, pour la combattre, toutes les parties intéressées doivent réagir de concert. Le distinguo entre trois grands modes de collaboration (horizontale, verticale et diagonale) fournit un cadre utile pour l’analyse des modèles de collaboration, qui sont tour à tour abordés dans les différents chapitres de l’ouvrage.

Plusieurs chapitres proposent une description des réseaux établis par les gouvernements nationaux et les organisations internationales. Parmi eux figure le International Network for Environmental Compliance and Enforcement (INECE), l’un des plus illustres réseaux intergouvernementaux qui a notamment permis de stimuler les travaux entrepris par les praticiens et les universitaires publiant dans ce domaine. Au fil de ses 25 années d’existence, l’INECE, qui était au départ un mécanisme bilatéral informel, est devenu un réseau mondial qui a influencé la création de plus de 20 réseaux centrés sur le renforcement des capacités des fonctionnaires à faire améliorer la conformité et à lutter contre la fraude.

Le présent ouvrage tire sa force du large éventail d’acteurs qui y ont participé. L’OMD, le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et INTERPOL ont transmis des études fouillées sur leurs méthodes de lutte contre la criminalité environnementale et sur les réseaux qu’ils ont érigés, parmi lesquels figurent le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC) – établi par l’OMD, le Secrétariat de la CITES, INTERPOL, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et la Banque Mondiale – et la National Environmental Security Taskforce – mise en place par INTERPOL pour favoriser la collaboration entre les parties intéressées, sur le plan national.

Un chapitre entier est consacré au rôle des autorités douanières dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages. Il analyse certaines limites des fonctions douanières et les initiatives prises pour pallier les carences identifiées, qui requièrent un degré élevé de collaboration, la mise en place de programmes de renforcement des capacités, l’organisation d’opérations régionales et mondiales, la conclusion de nouvelles alliances avec des ONG et d’autres partenaires institutionnels, ainsi que le développement de systèmes électroniques sécurisés pour l’échange d’informations, tels que l’outil ENVIRONET de l’OMD.

Plusieurs chapitres font état d’un fait intéressant : le rôle grandissant des ONG dans la protection de l’environnement. En effet, grâce à leur structure souple, leur voix forte et leur pragmatisme, elles se sont avérées être des catalyseurs de changement. Les ONG ont bien souvent fait office d’incubateurs et de stimulateurs des mesures plus amples prises par les gouvernements à l’encontre de la criminalité environnementale.

Basé sur l’expérience de l’Environment Agency (EA) au Royaume-Uni, le chapitre abordant le point de vue du procureur quant à la relation de collaboration avec les cours et tribunaux est également captivant, non seulement parce qu’il nous informe des dernières affaires traitées, mais également parce qu’il renseigne sur le rôle de l’EA dans les questions réglementaires.

Le chapitre sur la collaboration port-à-port intéressera plus particulièrement les agents de la lutte contre la fraude. Le Seaport Environmental Security Network, émanation de l’INECE créée en 2008 pour gérer les déchets dangereux et les déchets électroniques dans le contexte des ports maritimes, a réussi à promouvoir la coopération dans la prévention, la détection et la perturbation des flux de déchets dangereux et de déchets électroniques transitant par les ports. Les autorités douanières jouent un rôle central dans les ports maritimes et ont, par conséquent, été particulièrement actives dans ce réseau. Ce dernier se distingue par une vision assez souple de la collaboration, oscillant d’un modèle informel à des mécanismes établis officiellement et par sa dimension nationale, régionale et internationale.

Aux Pays-Bas, les partenariats entre, d’une part, l’Inspection de l’environnement et des transports (ILENT), responsable de l’inspection des transports de déchets, et, d’autre part, les services de lutte contre la fraude (notamment la Douane et la Police) ont été officialisés, afin de permettre à ces derniers d’exercer leurs prérogatives au nom d’ILENT. En Allemagne, c’est un autre modèle qui prévaut, régi par le principe de collaboration semi-structurelle entre les services, à tous les niveaux des infrastructures de transport (rail, route et voies navigables), tant à l’échelle locale que nationale.

Les trois derniers chapitres de l’ouvrage portent sur le rôle de la recherche, abordé sous l’angle de la collaboration. Les difficultés à quantifier et à appréhender le phénomène de la criminalité environnementale transnationale et ses répercussions peuvent saper l’efficacité des politiques et se traduire par un gaspillage des ressources disponibles pour combattre ce fléau. L’ouvrage aborde plus en détail le thème de la collaboration entre chercheurs et praticiens. Alors que ce type de collaboration existe dans bien des pays et qu’il bénéficie du soutien de diverses parties intéressées, un profond fossé sépare les universitaires des professionnels et leur collaboration ne va pas de soi. Si, généralement parlant, la coordination des travaux de recherche n’est pas une sinécure, le présent ouvrage réserve une large part aux études de cas fructueux de coordination de projets de recherche associant plusieurs partenaires.

L’étude tire son originalité de son format unique, à savoir, une étude des forces et des faiblesses des initiatives de collaboration menées au titre de la lutte contre la criminalité environnementale, sous l’angle de la gouvernance. Elle est elle-même le fruit d’un effort de collaboration, puisque les experts de plusieurs institutions (au moins deux) ont été amenés à travailler ensemble sur chacun des chapitres. Quand bien même les contraintes et les défis que posent l’instauration et la préservation des réseaux de lutte contre la criminalité environnementale diffèrent, l’une des conclusions primordiales est que la collaboration et la confiance mutuelle sont des conditions préalables majeures de la réussite de toute initiative.

Cet ouvrage peut être considéré comme une référence solide, aussi bien par les professionnels de l’environnement, que par les agents des services de lutte contre la fraude, les experts en développement, ou encore les chercheurs travaillant sur la gouvernance dans le domaine de l’environnement.

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www.palgrave.com