De l’utilisation des bases de données pour évaluer les risques : l’expérience de l’Equateur, de l’Inde et du Kenya
14 février 2016
De l’utilisation des bases de données pour évaluer les risques : l’expérience de l’Equateur, de l’Inde et du Kenya
L’OMD reçoit de la part de ses Membres de nombreuses demandes d’assistance au titre du développement et de l’utilisation de bases de données en matière d’évaluation. L’Organisation reconnaît que de telles bases de données constituent souvent un outil utile, notamment pour les pays en développement qui n’ont pas encore mis en œuvre des contrôles a posteriori efficaces et qui se heurtent à des difficultés liées au manque de conformité des opérateurs économiques et à l’étendue du secteur informel.
Il convient toutefois de souligner que ces bases de données ne doivent être utilisées qu’en tant qu’outil d’évaluation des risques et que leur développement doit se concevoir dans un cadre plus large de gestion des risques, incluant l’évaluation des risques liés à d’autres aspects de l’opération d’importation/exportation. Il est également important que les opérateurs conservent les documents commerciaux adéquats pouvant être présentés à la douane en cas de demande d’une preuve de paiement des biens importés.
Toute administration qui envisagerait de développer une base de données devrait avant tout consulter les « Directives concernant l’élaboration et l’utilisation des bases de données nationales en matière d’évaluation servant d’outil d’évaluation des risques », ainsi que les « Directives pratiques aux fins du contrôle de l’évaluation » figurant dans le Dossier recettes. Ces dernières offrent notamment des exemples de pratiques actuellement mises en œuvre par les Membres, tout comme cet article qui examine la manière dont les administrations des douanes en Equateur, en Inde et au Kenya utilisent leur base de données en matière d’évaluation douanière afin de faciliter le travail d’évaluation des risques.
Mise en place
Le choix du logiciel et du matériel utilisés pour une base de données en matière d’évaluation est du ressort de chaque administration. Toutefois, quelque soit le système utilisé, il s’agira d’extraire des données clés relatives aux importations à partir de la base de données de dédouanement.
La Douane indienne s’est lancée dans la conception d’un tel outil, appelé Base de données nationale en matière d’importation (National Import Database ou NIDB), en juin 2004. L’objectif était de développer une base de données électronique regroupant en temps réel les informations sur les importations passant par l’un des bureaux de douane du pays. Toutes les données relatives à l’évaluation y sont donc compilées quotidiennement à partir des déclarations d’importation. Les données propres aux marchandises considérées comme sensibles sont ensuite analysées à l’aide d’un logiciel dans le but de définir les valeurs unitaires, les valeurs moyennes pondérées de marchandises identiques, le montant des écarts en pourcentage et des valeurs extrêmes, ces données étant complétées par des informations sur les prix internationaux.
L’analyse consiste à constituer des groupes (clusters) de marchandises identiques ou similaires et à calculer, sur la base de formules mathématiques et à l’aide d’outils statistiques, des prix représentatifs dans le but d’identifier les transactions dont la valeur déclarée peut être sujette à caution. L’objectif n’est pas de rejeter automatiquement les valeurs déclarées mais de faciliter la procédure de vérification. Les données, dûment analysées et visées par la Direction de l’évaluation (DOV) de la Douane indienne, sont ensuite envoyées à tous les agents chargés de l’évaluation qui pourront dès lors les utiliser aux fins de détection des cas de sous-évaluation et de fraude.
La qualité des données d’importation saisies est essentielle pour une évaluation fiable des risques. En Equateur, afin de garantir la qualité des données, un groupe de spécialistes vérifie ou « nettoie » les données extraites de la base de données de dédouanement. Certaines transactions sont exclues lorsque, par exemple, les descriptions de la marchandise ne sont pas assez précises, les prix variant sensiblement pour des marchandises correspondant à un même classement tarifaire en fonction de la marque, de la taille du conditionnement, de la qualité et du pays de fabrication. En outre, au cours d’une inspection physique des marchandises, celles-ci sont photographiées et les clichés sont stockés sous forme numérique, accompagnés des données relatives au prix du produit concerné, ce qui offre un moyen de comparaison supplémentaire.
La Douane équatorienne conçoit actuellement un projet destiné à améliorer la manière dont sont décrites les marchandises dans la déclaration en douane. Ce projet consiste à élaborer, pour certains produits, des catalogues que pourraient consulter des importateurs ou des exportateurs au moment de remplir leurs déclarations en douane.
Pour résoudre des problèmes similaires liés à l’impossibilité d’analyser ou de comparer certaines importations lorsque les renseignements relatifs à la description des marchandises ou aux unités de quantité, entre autres, sont présentés sous une forme non normalisée ou non uniforme, la Douane indienne a intégré à sa base de données en matière d’évaluation douanière un module de reconnaissance qui permet de résoudre certaines incohérences. Il permet d’identifier un article même s’il est décrit de différentes manières. Par exemple, « Stainless Steel » (acier inoxydable) peut apparaître sous la dénomination « Stain Less Steel », « stainlesssteel », « S S », « SS » ou encore « S.S. ». En l’absence d’une telle fonctionnalité, un ordinateur lira ces « entrées » comme des articles différents et créera des groupes (clusters) différents constitués des mêmes marchandises. Ce module permet également de classer une même marchandise selon des caractéristiques spécifiques pouvant avoir une influence sur le prix – par exemple, la marque, le modèle, la qualité, la taille, la couleur. L’interface qui offre la possibilité d’interroger la base de données et de visualiser les résultats a également été modifiée pour la rendre plus conviviale. L’outil a, enfin, été doté d’un module de suivi des activités, permettant l’émission de rapports types, plus performant.
Module de gestion des risques
Une fois la base de données mise en place et les données saisies, l’administration doit concevoir une procédure aux fins de son utilisation. Certaines administrations ont choisi d’intégrer leur base de données en matière d’évaluation douanière à leur module de gestion des risques, comme le recommande l’OMD.
En Inde, la Direction générale chargée de l’évaluation (DGOV) s’est associée à l’équipe nationale responsable de mesurer les risques pour concevoir la stratégie à adopter en matière de valeur en douane, dans le cadre du développement d’un Système de gestion du risque à des fins de dédouanement du fret à l’importation et à l’exportation. La base de données en matière d’évaluation a été intégrée au Module de gestion des risques (RMM) grâce à une interface appelée « corridor d’évaluation » qui permet d’extraire certains éléments de la base de données, comme les informations détaillées concernant le type de marchandises importées, des indicateurs de respect des obligations fiscales et autres indicateurs clés aux fins de l’évaluation. Ces éléments viennent alimenter le RMM en tant qu’ « exigences de conformité obligatoires ». Ce n’est que lorsqu’un partenaire ne se conforme pas à ces exigences que le système de traitement de la déclaration s’interrompt et que celle-ci est transmise à un agent pour examen. En outre, sur la base de renseignements/éléments plus spécifiques émanant de la base de données, certains envois sont également réorientés vers un agent.
Afin de mesurer la performance des outils utilisés par la DGOV, il a été décidé d’intégrer un module de compte-rendu dans le système indien de gestion des risques. Le niveau de facilitation fourni a été choisi comme principal étalon de mesure de la performance des outils relatifs à l’évaluation. On a constaté à cet égard une augmentation du niveau de facilitation, la Douane indienne s’engageant d’ailleurs à faire encore mieux à l’avenir.
La Douane équatorienne évalue également la performance du groupe de spécialistes chargés d’identifier les paramètres et variables de risque et de les saisir dans le système de gestion des risques en matière douanière. Un retour d’information direct est assuré une fois par mois par les agents responsables de l’exécution des contrôles, et, le cas échéant, des ajustements sont apportés aux paramètres de risque.
Coopération internationale
C’est de manière tout à fait indépendante que la Douane indienne a développé tant sa base de données en matière d’évaluation douanière que son système de gestion des risques. Ayant accumulé une riche expérience en matière de conception, de maintenance et d’utilisation de ces outils, elle a ensuite pu aider d’autres pays à mettre en place leur propre système.
Le Kenya fait partie des pays à avoir bénéficié de ce savoir-faire. Cette coopération fructueuse a commencé en 2006 et a mené, en 2009, au déploiement d’une nouvelle base de données en matière d’évaluation, conformément aux principes de l’OMC, dans la mesure où celle-ci permet à l’Administration fiscale du Kenya (KRA) d’atténuer les effets négatifs induits par le système subjectif de prise de décisions en matière d’évaluation, qui est contraire aux principes de l’Accord de l’OMC sur l’évaluation en douane.
Le système Simba 2005 (S2005), qu’utilisait à l’époque la Douane kenyane, ne pouvait prendre en charge ni la gestion d’une base de données efficace ni la gestion d’un corridor d’évaluation. Ayant appris que la Douane indienne disposait d’un tel système, l’administration du Kenya a contacté la DOV. Cette dernière a réagi positivement à cette initiative et des représentants de la KRA se sont rendus sur place afin de comprendre comment la base de données en matière d’évaluation avait été déployée en Inde. Divers sujets, dont l’infrastructure, l’utilisation, le renforcement des capacités, l’assistance technique, ainsi que d’autres domaines de coopération, ont fait l’objet d’échanges de vues et ont ensuite donné lieu à un accord.
Dans un second temps, une équipe de la DOV s’est rendue au Kenya afin de procéder à une évaluation de la situation et à une analyse des besoins. Il s’en est suivi le développement d’une base de données adaptée aux besoins de la KRA. La base de données a été développée, téléchargée, testée, a fait l’objet d’un essai pilote et a été déployée à la fin de l’année 2008, après confirmation qu’elle répondait aux besoins de l’époque de la Douane.
Un Protocole d’accord (PDA), qui est toujours en vigueur aujourd’hui, a été signé entre la KRA et le Centre for Development in Advanced Computing (C-DAC) qui s’est chargé de la conception du système au nom de l’autorité douanière sous la supervision de la DOV indienne. Comme le prévoit le PDA, les trois parties se consultent de temps en temps sur de possibles améliorations du système ou sur la définition de nouveaux objectifs pouvant faire l’objet d’un accord.
La base de données en matière d’évaluation a été intégrée dans le système Simba 2005. L’unité de contrôle a posteriori (PCA) utilise ces renseignements à des fins d’analyse de risque, dans le but d’améliorer le niveau de conformité volontaire et de recouvrement des recettes potentiellement perdues. La Douane indienne ayant joué le rôle de coordonnateur de projet, la méthodologie adoptée par la KRA est similaire à celle du système mis en place en Inde.
La KRA est en passe d’acquérir un système automatisé de gestion des risques qui sera relié à la base de données en matière d’évaluation. En attendant, les profils de risque à des fins d’évaluation douanière sont définis par des fonctionnaires, notamment du département Valeur et Questions tarifaires ainsi que des unités responsables de la lutte contre la fraude et des contrôles a posteriori.
A la suite du déploiement de la base de données en matière d’évaluation, et à l’instar de ce qui s’est produit en Inde, le Kenya a vu les niveaux de conformité s’améliorer. L’Equateur a également renforcé l’efficacité de ses contrôles en matière d’évaluation en douane, tant au niveau du dédouanement qu’au niveau des contrôles a posteriori.
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