Retour aux sources : après 15 ans d’absence, le CBP réintègre le World Trade Center
27 juin 2016
Par Marcy Mason, journaliste couvrant les questions relatives au commerce pour le Service de la Douane et de la protection des frontières des États-UnisLe World Trade Center a toujours été présent dans la vie de Colleen Piccone. Ayant grandi à Staten Island au début des années 1970, elle avait contemplé, par-delà le port de New York, la construction des tours jumelles. Puis, jeune diplômée de la Brooklyn Law School, elle avait intégré le Service de la Douane, désormais Service de la Douane et de la protection des frontières (CBP), dans les bureaux situés au 6 World Trade Center.
« C’était mon premier emploi dans le domaine juridique », explique Colleen Piccone, aujourd’hui Associate Chief Counsel au CBP à New York. Elle occupa ce premier poste jusqu’au 11 septembre 2001. Ce jour-là, elle n’est pas présente dans le bâtiment. Elle est en route vers San Diego, où elle doit participer à une formation, lorsque, à l’annonce des attaques contre les tours, son avion est immobilisé à Las Vegas.
Sa collègue Nina Rohan, spécialiste des importations en poste depuis 21 ans au service de la Douane, était, elle, bien présente ce jour-là. Elle se souvient : « Nous avions un séminaire destiné aux membres du personnel travaillant avec le secteur du textile. Les participants venaient des quatre coins du pays. Alors que la réunion commençait, on a entendu un grand BOUM et les murs se sont mis à trembler. Le responsable du séminaire a plaisanté. « Je parie que vous ne saviez pas que New York est connu pour ses tremblements de terre ». Tout le monde s’est mis à rire, quand, soudain, nous avons entendu quelqu’un crier « Sortez! Sortez immédiatement ! ».
Denise Faingar aurait dû, elle aussi, être au bureau le 11 septembre 2001, si ce n’est qu’elle était souffrante ce matin-là. Denise, qui travaillait à l’époque sur le suivi des importations, se trouvait au domicile de sa mère à Long Island, tandis que cette dernière, qui travaillait également pour le Service de la Douane, assistait au séminaire. « J’étais terriblement inquiète, pour elle et pour tous mes collègues », se souvient Denise Faingar, aujourd’hui l’une des responsables de l’une des divisions chargées des marchandises nationales du CBP. Sa mère l’a appelée. Elle et ses collègues étaient sortis sains et saufs du bâtiment mais Denise n’en savait pas plus. « J’ai tenté de la contacter après l’effondrement de la deuxième tour, sans succès. Je ne pouvais rien faire d’autre qu’attendre, sans savoir ce qui se passait, c’était tout simplement insupportable », se remémore-t-elle.
Le service de la Douane n’a perdu aucun de ses membres dans cette tragédie, ce qui tient du miracle. Tout de suite après les attaques, certains fonctionnaires ont été affectés à Newark, d’autres à l’aéroport international JFK. Quelques semaines plus tard, le Service était relogé au centre de Manhattan, au 1 Penn Plaza. Pour la première fois en 212 ans d’histoire, le siège de la Douane ne se trouvait plus à Lower Manhattan. Même le bâtiment construit par les Britanniques avant l’indépendance des États-Unis se trouvait déjà dans la pointe sud de Manhattan. « Pratiquement tout le monde était d’avis qu’il fallait que le gouvernement revienne à Lower Manhattan », déclare Robert Perez, directeur des opérations de terrain du CBP à New York.
Finalement, en 2014, il a été décidé que le CBP réintègrerait le nouveau World Trade Center, et, cette année, après 15 ans d’absence, le bureau de New York du CBP a opéré un retour aux sources en s’installant aux 50e et 51e étages du 1 World Trade Center. L’immeuble, véritable monolithe de verre, a pu renaître des cendres du 6 World Trade Center. « Le bâtiment a été érigé sur les lieux mêmes de notre ancien bureau », déclare M. Perez. « Cela envoie un formidable message de résilience et confère un sentiment de fierté. Il s’agit de bien plus qu’un simple bâtiment ou de simples bureaux, mais aussi d’une représentation de nos valeurs et raison d’être. »
Pourtant, convaincre le personnel de revenir travailler dans un immeuble qui a été la cible d’un attentat n’est pas simple. « Nombreux sont ceux qui ressentent une crainte légitime mais je pense que c’était vraiment important pour nous de revenir, surtout en tant que membres du Département de la sécurité intérieure. Si nous ne revenons pas, qui le fera ? Très vite pourtant je me suis rendu compte que les réactions étaient partagées, » affirme Colleen Piccone. « Je suis très fière qu’en fin de compte environ 75% des employés du 1 Penn Plaza soient revenus. Tout le monde a eu le choix. Personne n’a été contraint de revenir. Tout s’est fait dans le respect des sensibilités de chacun. »
Todd Smith était réticent à l’idée de revenir sur les lieux de la tragédie. « Je dois avouer que j’avais un peu peur, » se souvient le Deputy Associate Chief Counsel qui était présent le 11 septembre 2001. « Dans un premier temps, il avait été dit que nous occuperions un étage inférieur, et puis nous nous sommes retrouvés plus haut dans le bâtiment. Il nous a vraiment fallu passer la phase du déménagement d’abord et de l’installation ensuite pour nous rendre compte que cet environnement est formidable. L’ambiance de travail est très agréable. Le fait de venir travailler ici chaque matin, cela ne me tracasse plus vraiment. »
Leon Hayward n’avait aucun état d’âme à l’idée de travailler dans l’immeuble. « Je savais, en voyant la manière dont ce bâtiment était construit, qu’il n’y aurait rien à craindre, » déclare le Directeur adjoint des opérations de terrain en lien avec le commerce et la sécurité du fret. En matière de sécurité, les concepteurs du bâtiment ont imaginé un dispositif à plusieurs niveaux. Par exemple, les véhicules n’ont pas le droit de circuler à proximité du bâtiment, il n’y a pas de parking souterrain, une zone de stationnement sera prévue à deux rues de l’immeuble et les véhicules de livraison seront systématiquement contrôlés. « Ils feront l’objet des mêmes types de contrôle que ceux que nous appliquons aux véhicules qui franchissent la frontière pour entrer sur le territoire, » explique Leon Hayward.
Des mesures de sécurité rigoureuses seront également appliquées à l’intérieur du bâtiment. Ainsi, outre le fait qu’un groupe d’ascenseurs dessert exclusivement les étages loués par les services du gouvernement, le CBP est allé plus loin et a décidé de programmer les ascenseurs. « Nous avons fait en sorte que seuls les membres de notre personnel puissent avoir accès à nos étages. C’est une exigence que nous avons imposée, » indique Robert Perez.
L’un des atouts du bâtiment est la vue qu’il offre sur les alentours. « De mon bureau, je vois tous les gratte-ciel de Manhattan ainsi que le fleuve Hudson débouchant dans le port de New York. Parfois, lorsque je regarde par la fenêtre et que je contemple ce paysage, c’est difficile de m’arracher à la vue et de me remettre au travail, » raconte Leon Hayward.
Son épouse, Rosemarie, spécialiste des importations, a, elle, eu des doutes. « Je me disais que je ne pouvais pas laisser mon mari y retourner sans y retourner moi-même, mais, à l’approche de l’anniversaire du 11 septembre, l’angoisse a commencé à me gagner. J’ai songé à demander à être transférée autre part, et puis je me suis dit que si je vivais en permanence avec ce sentiment de peur, cela reviendrait tout simplement à arrêter de vivre, » se remémore-t-elle. « J’ai décidé que je n’allais pas laisser la peur gouverner ma vie. Donc j’essaie de ne pas penser à l’endroit où je suis. Je me contente d’y aller, de faire mon travail et de rentrer chez moi. Je me dis que je dois simplement continuer à vivre et tenter de profiter de chaque jour qui passe. »
Nina Rohan aspirait à retourner sur place. « Pendant tout ce temps, je voulais retrouver Mon World Trade Center, mais, quand je me suis vue à l’intérieur du bâtiment, j’ai eu quelques états d’âme. Je ne m’attendais pas à éprouver de tels sentiments contradictoires, » avoue-t-elle. « Comme on dit, on ne peut jamais retrouver le chez-soi que l’on a quitté. On peut rentrer chez soi, mais ce ne sera plus tout à fait la même chose, les sensations seront différentes. »
Petit à petit pourtant, Nina Rohan retrouve une certaine routine. « Aujourd’hui, je m’arrête à l’épicerie du coin où j’avais mes habitudes et je prends un café. J’ai retrouvé mes marques, » déclare-t-elle. Et ce n’est pas tout. Les nouveaux bureaux du CBP sont épurés, modernes et équipés des technologies de pointe. « Le bâtiment compte énormément de fenêtres et est par conséquent très lumineux, contrairement à l’ancien qui était très sombre. Aujourd’hui, tout est nouveau, clair et spacieux, » affirme Denise Faingar. « En un mot, c’est un environnement très stimulant. »
Les quartiers alentour, même s’ils sont toujours en construction, sont également très animés. « La ville s’est ici embellie. Tout y est flambant neuf, » déclare Todd Smith. « On y trouve un grand nombre de beaux magasins et de bons restaurants. L’inconvénient, c’est qu’un sandwich me coûte désormais 12 dollars. Tout est ridiculement cher, mais la pause déjeuner est maintenant beaucoup plus agréable et, en cinq minutes, je peux quitter le quartier en traversant le fleuve Hudson. »
Le National September 11 Memorial, grande place publique située juste au sud du 1 World Trade Center, rappelle de manière solennelle les événements tragiques qui frappèrent la ville il y a 15 ans. Deux bassins carrés alimentés par des chutes d’eau s’écoulant le long des parois ont été conçus à l’emplacement exact des deux tours détruites. Tout autour se trouve un parapet portant l’inscription du nom de chacune des victimes des attentats de 1993 et 2001 qui ont visé le World Trade Center, le Pentagone et le vol 93 de la United Airlines. « Parfois, je vois qu’un drapeau ou une fleur a été posé à côté d’un nom. Je me fais alors un devoir de lire le nom de la personne qui a été honorée de cette manière, » déclare Colleen Piccone.
« Nous vivons dans un tel tourbillon médiatique que tout tombe très vite dans l’oubli. Etant donné notre mission, le mémorial nous rappelle à tous l’importance de ce que nous faisons. » Au-delà de ces considérations, le site revêt une signification particulière pour chacun. « En ce qui me concerne, la boucle est bouclée, » affirme Colleen Piccone. « Le World Trade Center a toujours fait partie de ma vie, c’est comme si je rentrais à la maison. »
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www.cbp.gov