La douane numérique ou les opportunités de l’ère de l’information
16 février 2016
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général, Organisation mondiale des douanesLe monde se numérise bien plus vite que ce que nous aurions pu imaginer et les administrations publiques passent à l’environnement « en ligne » tout aussi rapidement. Aujourd’hui, la technologie de l’information et de la communication est tout simplement omniprésente dans l’environnement douanier. De l’utilisation de la TIC dans la bureautique et d’Internet pour la publication et la diffusion d’informations, au recours à des systèmes de dédouanement automatisés aux fins des déclarations en douane, de la gestion des risques, de la validation et du traitement des informations jusqu’aux procédures d’approbation finale, la TIC a transformé la façon dont les douanes et les gouvernements fonctionnent.
Lors des dernières sessions du Conseil de l’OMD, le Président Zouhair Chorfi s’est attardé sur les changements rapides qu’a amené la TIC, soulignant qu’il était nécessaire de donner aux Membres de l’OMD une image globale de toutes les possibilités offertes par les technologies de l’information (TI), qui leur permettent notamment d’assurer un contrôle permanent des échanges transfrontaliers et d’incorporer les bonnes pratiques et les avancées internationales dans le domaine de la TI. Je ne peux que souscrire aux propos du Président, d’autant que « l’ère de l’information » fait aujourd’hui bel et bien partie intégrante de nos vies quotidiennes.
J’ai donc choisi le concept de la douane numérique comme thème de l’année à venir afin de réaffirmer l’importance de la TIC tant pour les administrations douanières que dans le programme de travail de l’OMD. La douane numérique s’entend comme le recours aux systèmes numériques afin de percevoir et de préserver les droits de douane, de contrôler la circulation des marchandises, des personnes, des moyens de transport et de l’argent, et de sécuriser le commerce transfrontalier contre la criminalité, y compris contre le terrorisme international qui continue de frapper les populations à travers le globe.
L’initiative de la douane numérique vise à remplacer les procédures douanières basées sur les documents papier par des opérations électroniques, afin de créer un environnement douanier plus efficace et moderne en phase avec les évolutions au niveau mondial. En nous centrant, en tant que communauté douanière, sur la douane numérique, nous lançons un signal clair : celui de notre aspiration à continuer de développer des solutions et des services numériques afin de faciliter la vie des opérateurs commerciaux, des autres services gouvernementaux présents aux frontières et des douaniers ; celui de continuer à adopter des technologies nous permettant d’élargir notre champ de compétences, notamment en ce qui concerne les gros volumes de données, d’augmenter notre efficacité et de réinventer avec d’autant plus de créativité la façon dont nous opérons.
Outils, instruments et applications de l’OMD
L’OMD a entrepris un exercice de cartographie afin de se faire une idée plus précise de ses outils, instruments et applications qui touchent à la TIC, les regroupant sous plusieurs grands intitulés, à savoir :
- Leadership – Guide sur les technologies de l’information pour les cadres supérieurs ; Recueil sur le guichet unique, volume 1 ;
- Base légale – Convention de Kyoto révisée ; Modèle d’accord bilatéral d’assistance mutuelle administrative en matière douanière ; Directives aux fins de l’élaboration d’un accord/arrangement de reconnaissance mutuelle ;
- Modernisation et réforme – Directives de la Convention de Kyoto révisée sur l’application de la technologie de l’information ; Recueil sur le guichet unique, volume 2 ; Recommandation sur la dématérialisation des documents justificatifs ; Recommandation concernant la transmission et l’authentification par voie électronique des renseignements douaniers et autres renseignements exigés à des fins réglementaires, etc. ;
- Protection de la société – Recueil sur la gestion des risques ; Système de ciblage du fret de l’OMD ; ensemble des outils du Réseau douanier de lutte contre la fraude (CEN) ; IRIS ; IPM ;
- Communication – Recommandation relative à l’utilisation des sites sur le World Wide Web par les Administrations des douanes ; Utilisation des sites de réseaux sociaux par les Administrations des douanes ;
- Interopérabilité et échange/intégration régionale – Recommandation concernant une référence unique de l’envoi (RUE) ; Modèle de données de l’OMD et Recommandation relative à son utilisation ; Directives RPCV/PNR et Recommandation relative à leur emploi ; Directives relatives à la gestion de la chaîne logistique intégrée, etc.
Ces grands intitulés nous permettent de mieux jauger la diversité de la palette d’instruments et d’outils existants. Toutes ces thématiques se renforcent mutuellement et donnent un aperçu des ressources disponibles susceptibles d’appuyer les programmes de modernisation et de réforme axés sur la TIC.
Guide pour les cadres supérieurs
La cartographie des outils et instruments va de pair avec le travail entrepris par l’OMD avec le « Guide sur les technologies de l’information pour les cadres supérieurs », qui a été élaboré à la façon d’un petit manuel visant à aborder de façon succincte les aspects fondamentaux des évolutions en matière de TIC, et ce, à l’intention des cadres supérieurs des administrations douanières ainsi que des fonctionnaires directement responsables des projets TIC.
La numérisation offre de nombreuses possibilités mais il peut se révéler difficile pour certains pays d’établir les priorités en matière de projet TI et d’adopter de nouvelles façons de travailler. Le Guide sur les TI aborde le thème de la planification stratégique, décrivant la méthodologie et les outils utiles dans ce domaine, et souligne à quel point il est nécessaire que les projets TI se fondent sur des processus opérationnels qui tiennent compte des normes internationales et qui soient pertinents en terme d’efficacité et de niveau de risques. Il rappelle également l’importance d’une bonne gestion du changement et d’une analyse approfondie des systèmes existants et passe en revue les différentes phases de mise au point et de déploiement des projets TIC ainsi que les enjeux en matière de suivi et de supervision.
Enfin, le Guide s’attarde sur les questions de gouvernance en matière de TIC. Il est essentiel de bien établir les responsabilités et de les formaliser. Par ailleurs, les cadres supérieurs doivent pouvoir créer une environnement qui soit propice à la collaboration entre le personnel en interne et les parties prenantes en externe et être capables de garantir la réussite du déploiement des projets TIC à travers la prise de décisions éclairées.
Se tenir au courant des tendances, suivre les pratiques
Comme je l’ai dit plus haut, le paysage technologique change rapidement et certaines tendances phares se dégagent telles que l’informatique en nuage, les technologies mobiles, les méthodes d’analyse approfondie et la gestion de l’information. Chacune de ces technologies a un impact différent sur le rôle des douanes et offre de nombreuses opportunités pour poursuivre les efforts de connectivité entre administrations des douanes d’une part, et entre ces dernières, les opérateurs commerciaux et les autres autorités présentes aux frontières.
Dans les mois à venir, une partie de notre travail consistera à suivre et à disséminer les bonnes pratiques dans des domaines aussi divers que la gestion du changement, les politiques de ressources humaines ou encore la gestion de l’information. Par conséquent, j’invite tous les Membres de l’OMD à partager leurs expériences sur la façon dont ils s’adaptent à l’environnement numérique, dont ils tirent parti du potentiel des TI et dont ils déploient et utilisent les technologies numériques afin d’atteindre leurs objectifs et de répondre aux attentes des opérateurs commerciaux, des acteurs du secteur du transport et de la logistique et des gouvernements.
Conclusion
Le présent numéro vous donne un aperçu de la façon dont certaines administrations douanières ont adopté les nouvelles technologies numériques. Il donne également la parole à quelques experts sur des thèmes spécifiques comme la gestion des données, les initiatives du secteur privé pour promouvoir la dématérialisation et l’intégration des plateformes tout au long de la chaîne logistique. Je suis donc certain que notre choix d’articles sur cette question passionnante et de vitale importance contribuera à accélérer le processus de numérisation à travers la communauté douanière tout en continuant de promouvoir la connectivité, l’interopérabilité et la collaboration entre toutes les parties prenantes intervenant dans le monde du commerce.