Cartographier l’informalité
21 février 2019
Le Global Informality Project vise à recueillir des informations sur les pratiques et les structures informelles partout dans le monde. Lancée en 2014 et disponible en ligne à l’adresse www.in-formality.com, la plateforme en ligne permet d’effectuer des recherches par région, pays, mot-clé ou type de pratique. Plus de 250 chercheurs de 70 pays participent déjà au projet en partageant leurs travaux, permettant ainsi aux lecteurs de mieux comprendre les règles tacites ou « les façons de faire » existantes dans leur pays ou région.
Ces pratiques sont présentées par groupes, selon leurs ressemblances, dans les deux volumes de la Global Encyclopaedia of Informality publiée par l’UCL Press en accès ouvert. Ces volumes incluent des pratiques qui sont courantes, familières et considérées comme allant de soi, mais aussi certaines dont il est embarrassant de parler. Il s’agit notamment d’échanges de cadeaux, de faveurs ou de contributions en contrepartie de services (volume 1) ou encore de systèmes d’aide sociale, de travail et de formes de cooptation (volume 2).
Le paradoxe des pratiques informelles réside dans le fait qu’elles restent invisibles pour un public étranger ou profane alors qu’elles sont omniprésentes. L’ouvrage montre à quel point ces pratiques, qui sont utilisées avec la plus grande dextérité par les initiés, sont profondément ancrées partout dans le monde. Le fait d’entretenir des liens informels avec les kumstvo (parrains) au Monténégro ou avec les hyvä veli (chers frères) en Finlande, ou encore des relations relevant de la vetterliwirtschaft (littéralement, de l’économie des « petits cousins ») en Suisse peut faire toute la différence pour un individu. Et pourtant, tout comme pour les relations de famille, ces liens sociaux contraignent autant qu’ils ne facilitent les décisions et les actions, comme le révèlent les articles sur la janteloven (l’aversion à l’individualité) au Danemark, en Norvège et en Suède, ou la krugovaya poruka (responsabilité commune) en Russie et ailleurs en Europe.
Le projet permet également de comparer les pratiques partout dans le monde et remet en cause les suppositions les plus courantes sur l’informalité, mettant particulièrement en perspective ses liens supposés avec la corruption, la pauvreté et le développement ainsi que la moralité et les régimes oppresseurs. Il met en exergue l’ambivalence et la complexité du fonctionnement des sociétés humaines. Le projet illustre aussi le potentiel d’un travail en « réseau de compétences » interdisciplinaire, qui se fonde sur le croisement des travaux de recherche menés par un ensemble de chercheurs travaillant sur plusieurs domaines. Alors que les méthodes axées sur une seule discipline tendent à se centrer de manière sélective sur les aspects politiques ou socioéconomiques, la perspective en réseau offre une vue approfondie de la complexité des forces en jeu.
Le projet pourrait intéresser les décideurs qui veulent imaginer des solutions qui soient bénéfiques pour tous, mais suffisamment pragmatiques, en particulier dans le domaine des échanges transfrontaliers dans les pays en développement. Le projet est appuyé par les fonds de recherche de l’UCL, du septième programme-cadre de la Commission européenne et du programme de financement européen Horizon 2020 pour la recherche, l’innovation et le développement technologique (ANTICORRP et INFORM).
En savoir +
www.in-formality.com
informality2014@gmail.com