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Adieu paperasserie, déroulez le tapis rouge: comment le Programme brésilien d’OEA a fait passer les régimes douaniers à la vitesse supérieure

21 février 2019
Par Fabiano Coelho, coordonnateur Douane-Parties prenantes, siège central de la Douane brésilienne

Le Programme d’opérateur économique agréé (OEA) brésilien peut sans doute être considéré comme l’un des plus avancés et des plus performants au monde. Dès son lancement, en effet, le Programme s’est distingué par quelques traits saillants. Par exemple, un cabinet de consultants de renommée internationale a participé à sa conception, des entités du secteur privé désireuses d’adhérer au programme ont apporté leur soutien technique et financier et des hauts dirigeants de l’équipe de direction de la Douane et du gouvernement fédéral y ont apporté leur appui.

Au Brésil, le programme d’OEA a une valeur institutionnelle stratégique et sa mise en œuvre est suivie directement par le cabinet du Président. La dernière phase de sa mise en place sera terminée en 2019. L’OMD ayant dédié cette année à la mise en place de « frontières SMART pour des échanges commerciaux fluides et le mouvement sans entrave des personnes et marchandises », la Douane brésilienne a estimé que le moment était particulièrement opportun pour lever le voile sur l’histoire du succès de son programme d’OEA.

Sécurité et conformité

Le programme brésilien d’OEA se fonde sur les dispositions du Cadre de normes SAFE de l’OMD pour sécuriser et faciliter le commerce international mais il ne se centre pas uniquement sur la sécurité de la chaîne logistique. Deux types de certification sont proposés : la certification OEA-Sécurité et la certification OEA-Conformité.

La certification OEA-Sécurité suppose que les importateurs, exportateurs, transitaires, agents de fret, sociétés de transport, exploitants d’aéroport/de port et d’entrepôts sous douane aient adopté des processus métier qui démontrent clairement que les risques associés à la sécurité matérielle des marchandises tout au long de la chaîne logistique ont été minimisés.

La certification OEA-Conformité, qui comprend deux niveaux (1 et 2), s’applique uniquement aux importateurs et exportateurs et vise à garantir la conformité par rapport aux obligations fiscales et douanières en encourageant le contrôle continu des opérations douanières à travers la gestion des risques, conformément aux principes énoncés dans les normes ISO 31000.

Le programme d’OEA est pleinement aligné sur l’article 7.7 de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui porte sur les régimes d’opérateurs agréés et stipule que l’aspect sécurité de la chaîne logistique est un des éléments à prévoir dans un programme OEA mais qu’il n’est pas obligatoire. Le programme d’OEA incarne une approche moderne des contrôles douaniers et frontaliers et offre une vaste gamme d’avantages aux participants, tels que des temps réduits pour la mainlevée des marchandises, des taux plus bas d’inspections en douane, la possibilité de soumettre des déclarations avant l’arrivée et de demander la mainlevée immédiate des marchandises, ainsi qu’un canal de communication directe avec la Douane afin de résoudre les problèmes ou de poser des questions.

Mise en œuvre par étapes

La mise en œuvre du Programme brésilien d’OEA s’est effectuée en plusieurs étapes : la certification OEA-Sécurité a été lancée en 2014, et la certification OEA-Conformité en 2015. En 2016, des mesures ont été prises pour négocier les premiers accords de reconnaissance mutuelle (ARM), et, en 2017, un concept pangouvernemental appelé « statut administratif unique d’OEA » a été mis au point, l’idée étant que d’autres services publics nationaux, à commencer par les autorités chargées de l’agriculture (MAPA) et de la santé (ANVISA), utilisent le concept d’opérateur de confiance pour toutes les prescriptions en matière de licences et les autres exigences règlementaires.

Tout au long du processus de mise en place, le Programme d’OEA a fait l’objet d’une évaluation continue de la part des parties prenantes, y compris du secteur privé, de l’équipe de consultants externe, de l’équipe de projet, des responsables douaniers et de la communauté des opérateurs du commerce extérieur en général. Le processus de certification, la portée des avantages et les grands problèmes que les OEA rencontrent encore lorsqu’ils mènent des activités de commerce extérieur font constamment l’objet d’échanges de vues et de discussions. En 2018, quatre forums techniques ont été organisés avec la Douane, les OEA et d’autres interlocuteurs de la Douane afin de renforcer la philosophie et les avantages étayant le Programme.

Plus de 220 entreprises ont été agréées jusqu’à présent et un nombre équivalent a entamé le processus de certification. D’ailleurs, le plus grand défi auquel la Douane brésilienne est confrontée aujourd’hui a trait à la gestion du nombre croissant de demandes d’agréments.

À l’heure actuelle, les OEA soumettent plus de 20 % des déclarations à l’importation et près de 15 % des déclarations à l’exportation. Compte tenu du nombre de plus en plus grand d’entreprises certifiées, la Douane prévoit que 50 % des transactions brésiliennes de commerce extérieur émaneront d’opérateurs certifiés au titre du Programme d’OEA en 2019.

Avantages

Le succès du Programme brésilien d’OEA a eu une grande incidence sur la Douane brésilienne. Des améliorations claires ont été constatées au niveau de ses capacités de gestion des risques et la charge de travail des unités chargées du dédouanement s’est sensiblement réduite. En outre, plus la part des activités de commerce extérieur des OEA s’accroît, plus il devient facile de gérer les risques avec des effectifs réduits. Au cours des quatre dernières années, la charge de travail a diminué de plus de 30 % dans ce domaine et quelque 100 douaniers en charge des dédouanements ont pu être redéployés vers d’autres activités.

Les avantages et les résultats sont encore plus sensibles pour les OEA. À l’exportation, le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises des OEA est inférieur à celui des opérateurs non agréés à hauteur de 65 % en moyenne ; en d’autres termes, les temps nécessaires à la mainlevée pour les OEA sont inférieurs de deux tiers par rapport à ceux des autres opérateurs. À l’importation, la différence est encore plus patente : le temps moyen pour la mainlevée des marchandises d’un OEA est inférieur de 81% par rapport aux autres opérateurs, soit cinq fois plus rapide.

Le taux de vérifications documentaires et matérielles a également diminué, contribuant à une prévisibilité accrue des transactions. Le nombre d’inspections pour les OEA est inférieur de 77,5 % à l’exportation et de 74,5 % à l’importation par rapport aux opérateurs non agréés. En moyenne, un OEA est soumis à quatre fois moins de vérifications, tant à l’importation qu’à l’exportation.

Les OEA peuvent également demander à la Douane de leur fournir les codes tarifaires de leurs marchandises à l’avance, l’administration étant tenue de répondre dans les 40 jours suivant la réception de la demande (les opérateurs non agréés peuvent également demander une décision anticipée en matière de classement tarifaire mais l’administration n’est contrainte par aucun délai) et les exigences en matière de données relatives à l’admission temporaire ont également été réduites. De plus, la mise en place récente d’un mécanisme de déclaration avant l’arrivée et de mainlevée immédiate des marchandises a généré des bénéfices encore plus importants pour les opérateurs. Les coûts d’entreposage, quant à eux, ont presque disparu et la prévisibilité a atteint des niveaux sans précédent.

Petites et moyennes entreprises

Les auteurs du Programme brésilien d’OEA ont certes voulu servir les intérêts des plus grands opérateurs du commerce extérieur du Brésil mais ils ont également souhaité attirer les petites et moyennes entreprises (PME). À cette fin, des séminaires d’information ont été organisés partout dans le pays, auxquels ont pris part plus de 6 000 participants à ce jour. Les PME déjà agréées sont, pour la plupart, des agents de fret et des sociétés de transport et la majorité d’entre elles ont reçu la certification OEA-Sécurité.

La mise en place d’un processus d’agrément simple et transparent, la disponibilité des informations et la promotion de la nouvelle approche et de la philosophie du Programme restent les meilleurs outils pour susciter l’intérêt des entreprises envers le Programme, quelle que soit leur taille. Un site web détaillé a ainsi été créé afin de fournir tous les renseignements nécessaires sur la marche à suivre pour devenir OEA, y compris le texte législatif afférent, les formulaires de candidature, des vidéos explicatives, la liste des exigences et, bien sûr, un lien vers la plateforme en ligne où les sociétés peuvent déposer leur demande et les documents connexes.

Défis

La mainlevée accélérée des marchandises aux frontières constitue sans nul doute le principal avantage que les entreprises recherchent lorsqu’elles rejoignent le Programme d’OEA. Au fur et à mesure que le Brésil revoit et améliore ses procédures de commerce extérieur, tous les opérateurs, agréés ou non, pourront bénéficier d’une réduction du temps nécessaire pour le dédouanement et la mainlevée des marchandises, ce qui pourrait rendre le Programme moins attrayant. De nombreux pays offrant des niveaux élevés de facilitation des échanges sont confrontés à ce même défi.

Afin de le relever, le Brésil se penche pour l’heure sur une nouvelle liste d’avantages à accorder aux OEA. Ils incluent notamment le paiement différé des taxes, redevances et impositions, une mesure qui devrait être mise en œuvre une fois que le nouveau système d’importation sera pleinement opérationnel, et la possibilité de soumettre une déclaration en douane unique pour toutes les importations sur une période donnée.

Accords de reconnaissance mutuelle

La Douane brésilienne essaie également d’accroître le nombre d’ARM. Un ARM existe avec l’Uruguay depuis 2016 et plus de 10 autres initiatives sont en cours, chacune à différents stades de maturité. Certains accords en sont seulement à la phase initiale des négociations, comme l’ARM avec la Chine et Hong Kong, Chine ; d’autres sont à un stade bien plus avancé, voire en passe d’être conclus, comme dans le cas de l’ARM avec le Mexique.

De plus, des plans de travail ont été convenus avec la Bolivie, le Pérou et les États-Unis, ainsi qu’entre les pays du bloc commercial du Mercosur, dont le Brésil est membre avec l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Les pays du Mercosur sont également en train de discuter des détails d’un plan de travail avec les pays de l’Alliance du Pacifique, composée du Chili, de la Colombie, du Mexique et du Pérou.

Démarche pangouvernementale

La coopération avec d’autres services gouvernementaux dans le processus de certification des OEA fait également partie des priorités sur lesquelles travaille la Douane brésilienne. L’objectif est de développer un « statut administratif unique d’OEA » en offrant aux entreprises les moyens de garantir qu’elles répondent bien aux exigences des autres autorités dont les compétences incluent le contrôle direct du commerce extérieur.

La Douane brésilienne ne ménage pas ses efforts pour attirer d’autres organismes présents aux frontières afin qu’ils prennent part au Programme d’OEA. À cet effet, elle a publié une brochure expliquant la procédure pour rejoindre le Programme et la façon d’appliquer la gestion des risques dans ce cadre. Elle a aussi élaboré une plateforme en ligne, connectée au guichet unique brésilien, où les agences gouvernementales ayant rejoint le Programme peuvent contrôler et gérer les demandes de candidature au « statut administratif unique d’OEA ».

Conformément à ce modèle, chaque autorité de contrôle doit définir ses propres critères pour l’octroi du statut d’OEA et indiquer les avantages qu’elle est disposée à assurer à ce titre. Une fois que les modalités, la méthodologie et les critères ont été convenus, l’acte règlementaire est signé entre la Douane et l’autorité concernée.  Jusqu’à présent, un tel cadre règlementaire a été conclu avec le Ministère de l’Agriculture, l’Agence de l’aviation civile et l’Armée. L’Agence sanitaire et phytosanitaire s’est également montrée très intéressée.

Dans les limites de ses compétences, chaque service doit garantir que le candidat respecte les règlements et obligations conjointement établis. Les candidats souhaitant obtenir le « statut administratif unique d’OEA » peuvent consulter les conditions d’accès sur la plateforme en ligne. Les documents fournis par la partie intéressée sont ensuite partagés entre les services et entités publics prenant part au Programme brésilien d’OEA.

Chaque service doit définir les avantages ou les mesures de facilitation qui seront octroyés aux entreprises bénéficiant donc du statut administratif unique d’OEA), mais des niveaux différenciés d’avantages peuvent être établis en lien avec le degré de sécurité ou de conformité démontré. Le rôle de ces services est également plus limité par rapport à la Douane. Par conséquent, ils ne certifieront et surveilleront que les exportateurs ou importateurs dont les activités entrent dans leur domaine de compétence.

Un Programme gagnant-gagnant

Une étude[1] réalisée récemment par la Confédération nationale des industries du Brésil indique que les avantages octroyés aux entreprises agréées OEA leur ont déjà permis d’économiser 1,5 milliard de dollars des États-Unis et que ces économies sont vouées à s’accroître au cours des prochaines années, pour atteindre 17 milliards de dollars des États-Unis en 2030. Cet argent est censé être réinjecté dans les activités de ces entreprises, leur permettant de s’agrandir et de s’améliorer, ce qui, à terme, devrait aboutir à une plus grande création d’emplois. L’étude indique également que, d’ici à 2030, le Programme aura contribué à hauteur plus de 50 milliards de dollars des États-Unis au produit intérieur brut.

En éliminant progressivement la paperasserie et en déroulant le tapis rouge aux entreprises certifiées, le programme brésilien d’OEA profitera à l’économie du pays dans son ensemble.

En savoir +
fabiano.coelho@rfb.gov.br

[1] http://www.portaldaindustria.com.br/publicacoes/2018/11/impactos-economicos-da-implantacao-do-programa-operador-economico-autorizado-no-brasil/