Le SH face aux innovations technologiques
20 juin 2018
Par Beth Jenior, Conseil juridique, Bureau du commerce, Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) des États-UnisAlors que le secteur privé continue d’innover, le travail visant à amender le Système harmonisé ne s’achève jamais. Le présent article se penche sur l’origine et l’évolution des produits à diodes émettrices de lumière (LED) pour illustrer comment le Système harmonisé s’adapte aux évolutions des marchandises dans le temps.
Tous les cinq ans, après la conclusion du cycle de révision, chaque partie contractante à la Convention sur le SH est censée mettre en œuvre les amendements apportés au Système. Ces amendements sont le fruit des travaux de réunions du Comité du SH et du Sous-Comité de révision du SH. Toute partie contractante au SH peut soumettre une proposition d’amendement pour examen par ces deux organes de travail. Ces propositions reflètent souvent un problème soulevé au niveau national par un représentant du secteur industriel auprès de l’administration douanière du pays. Il se peut que ce représentant demande directement un amendement spécifique à la Nomenclature du SH afin de résoudre un problème particulier, ou qu’il demande une décision anticipée en matière de classement tarifaire qui pose, au final, un tel défi qu’il convient mieux d’essayer d’y remédier par le biais d’un amendement aux textes légaux.
Au début de chaque cycle de révision du SH, la Commission du commerce international des États-Unis (USITC), qui se charge de gérer les mises à jour de la Nomenclature tarifaire harmonisée des États-Unis, publie dans le Federal Register un appel à propositions en vue d’amendements éventuels au SH. Ce Registre est publié quotidiennement et reprend toutes les règlementations administratives, à l’état de projets ou de versions finales, des services fédéraux des États-Unis. En outre, le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) publie son propre journal, reprenant les décisions d’agences fédérales et les arrêts des tribunaux nationaux concernant le commerce. Par le biais du journal sont aussi publiés les thèmes particuliers à l’ordre du jour des organes de travail de l’OMD et les domaines où le SH pourrait, selon lui, être amélioré.
Histoire d’une évolution
L’industrie de l’éclairage des États-Unis a contacté la CBP et l’USITC lorsque les produits à diode émettrice de lumière (LED) ont fait leur apparition à l’ordre du jour du Comité du SH en 2012. Au cours des années qui ont suivi, nous avons rencontré régulièrement les représentants de l’industrie afin d’approfondir nos connaissances sur les évolutions de la technologie LED, ce qui n’a pas manqué de nous éclairer, littéralement, sur ces produits dans le cadre des amendements du SH à venir. L’origine et l’évolution des produits LED en font l’exemple parfait de la façon dont le SH peut s’adapter aux progrès technologiques.
Afin de comprendre les produits LED, il est utile de rappeler l’historique et l’évolution des ampoules électriques. Tout commence le 14 octobre 1878, lorsque l’inventeur américain Thomas Edison dépose son premier brevet pour une lampe à incandescence, soit l’ampoule électrique que nous connaissons tous. Vers 1880, la société d’Edison vend déjà ses ampoules au public. En 1892, la Edison General Electric Company fusionne avec son principal concurrent, la Thomas-Houston Company, pour former la General Electric Company. Les directeurs des deux compagnies conviennent qu’ils peuvent faire avancer l’industrie de l’éclairage plus rapidement s’ils travaillent ensemble. Vers 1904, les ingénieurs de la General Electric inventent une lampe à filament de tungstène qui dure plus longtemps et qui brille plus intensément que les premières ampoules à filament de charbon.
En 1939, les ingénieurs de la General Electric et de Westinghouse présentent les lampes et tubes fluorescents à la Foire internationale de New York ainsi qu’à l’Exposition Golden Gate de San Francisco. Le besoin d’illuminer de manière efficace les usines durant la Seconde Guerre mondiale contribue à l’expansion rapide de la technologie fluorescente. En 1967, les chercheurs à la General Electric inventent la première LED à spectre visible, sous la forme de diodes rouges. Les LED sont des dispositifs à semi-conducteur qui émettent de la lumière lorsqu’un courant électronique passe à travers elles. Les diodes jaune pâle et vertes sont inventées ensuite. Les entreprises continuent alors à améliorer les diodes rouges et leur fabrication, de sorte qu’elles commencent à apparaître comme indicateurs lumineux ou sur les affichages des calculatrices dans les années 1970.
Si l’industrie de l’éclairage élargit alors ses recherches et travaux sur les produits LED, leurs applications restent limitées. Les fabricants ne sont pas capables de produire une lumière blanche. Il faudra attendre pour cela l’avènement de la LED bleue. Au début des années 1990, soit près de 100 ans après le premier brevet déposé par Edison, les Professeurs Isamu Akasaki et Hiroshi Amano de l’Université de Nagoya, et Shuji Nakamura de la Nichia Corporation, découvrent en même temps le composant clé pour produire des LED bleues : le nitrure de gallium. Tous trois remporteront le Prix Nobel de physique en 2014 pour leur découverte.
Les LED bleues peuvent facilement être modifiées pour fournir une lumière blanche et leur invention a ouvert la voie à un déferlement d’avancées technologiques fondées sur la technologie des LED. Les LED bleues, rouges et vertes peuvent maintenant être combinées pour créer n’importe quelle couleur de lumière. Cette technologie a permis de mettre au point les écrans des téléphones portables, ordinateurs, télévisions, tablettes et de nombreux autres appareils électroniques utilisés couramment aujourd’hui.
Outre les progrès réalisés au niveau de la couleur de la lumière, les LED sont également plus efficaces du point de vue énergétique que l’éclairage traditionnel. Une lampe à LED blanche moderne convertit plus de 50 % de l’électricité qu’elle utilise en lumière. En comparaison, le taux de conversion d’une lampe à incandescence traditionnelle n’est que de 4 %. Les lampes à LED ont un cycle de vie de plus de 100.000 heures, contre 10.000 heures pour les lampes et tubes fluorescents et 1.000 heures pour les lampes à incandescence.
Amendement
À l’occasion de la 49ème session du Comité du SH en mars 2012, l’Union européenne (UE) a soumis une demande au Comité visant à classer certains types de lampes à LED, dénommées « ampoules » aux États-Unis et a présenté un projet d’amendement concernant ces produits.
Le délégué de l’UE a fait observer que les lampes étaient généralement classées sous la position 85.39, qui couvre les « lampes et tubes électriques à incandescence ou à décharge, y compris les articles dits phares et projecteurs scellés et les lampes et tubes à rayons ultraviolets ou infrarouges; lampes à arc ». Il a ajouté que le libellé du 85.39 ne couvrait pas les lampes et ampoules incorporant la technologie des LED et que la plupart des administrations classaient les lampes à LED au 85.43, qui est une position résiduelle couvrant les « machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre. » La fabrication et les ventes de lampes à incandescence ayant substantiellement baissé dans l’UE suite à l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation, et compte tenu de l’utilisation croissante des lampes à LED, il serait, selon lui, utile de les classer ensemble avec d’autres lampes couvertes par la position 85.39.
Malgré le calendrier serré pour achever les amendements pour la version 2017 du SH (le Comité du SH devant terminer les travaux sur ces amendements pour mars 2014), la majorité des délégués ont estimé que les lampes à LED devaient être incluses dans la Nomenclature dès que possible. Par conséquent, le Comité a décidé de soumettre un projet d’amendement au Sous-Comité de révision pour discussion tandis que lui-même continuait d’examiner le classement des lampes à LED à l’aune des textes du SH 2012.
Lors de la 43ème session du Sous-Comité de révision du SH en avril 2012, le Sous-Comité s’est penché sur deux propositions concernant les lampes à LED. La proposition de l’UE visait à ajouter « lampes à semi-conducteur, y compris les lampes et tubes à diodes émettrices de lumière (LED) » au libellé de position du 85.39, et à créer des sous-positions pour les « lampes et tubes à diodes émettrices de lumière (LED) » et pour les « autres » lampes à semi-conducteur. La proposition soumise par la Corée visait, quant à elle, à ajouter les termes « lampes et tubes à diodes émettrices de lumière (LED) » au 85.39 et à prévoir une sous-position spécifique pour y inclure ces mêmes lampes et tubes à LED.
Le délégué de l’UE a expliqué que la proposition de l’Union était rédigée dans des termes généraux à escient, dans le but de couvrir les produits tels que les diodes émettrices de lumière organiques (OLED) ou encore les diodes émettrices de lumière phosphorescentes (PHOLED) qui pourraient ne pas être comprises dans l’expression « lampes à LED ». Certains délégués se sont rangés à l’avis de l’UE. Le délégué de Corée a indiqué que l’expression « lampes à LED » pouvait s’entendre plus largement pour couvrir les produits OLED et PHOLED. Plusieurs autres délégués ont souscrit à cette interprétation.
Lors de la 44ème session du Sous-Comité de révision du SH en novembre 2012, le Sous-Comité a convenu de poursuivre ses travaux sur la base de la proposition de la Corée. Plusieurs délégués ont indiqué que les Notes explicatives du SH pourraient apporter quelques éclaircissements sur l’expression « lampes à LED » et indiquer qu’elle couvre les technologies à LED similaires, telles que les OLED et PHOLED. Les Notes explicatives constituant l’interprétation officielle du SH, le Sous-Comité de révision a envoyé une proposition au Comité du SH, qui a provisoirement adopté l’amendement pour inclusion dans la version 2017 du SH.
Gérer l’innovation continue
Il est important de rappeler que, puisque le secteur privé continue d’innover, le travail visant à amender le Système harmonisé n’est jamais terminé. Compte tenu du fait que les produits à LED sont fabriqués sous un vaste éventail de configurations, le Sous-Comité de révision travaille sur des amendements supplémentaires pour clarifier leur cassement en vue de la version 2022 du SH. En consultation avec leur industrie nationale, les États-Unis, l’UE et le Japon ont tous soumis des projets d’amendements à la Nomenclature du SH. Ces amendements couvrent les produits suivants : les modules à LED ou encore les lampes pourvues de dispositifs de connexion électriques autres qu’un culot (85.59), les assemblages de diodes émettrices de lumière individuelles (85.41) et les luminaires et appareils d’éclairage exclusivement conçus pour être utilisés avec des LED (94.05).
Voilà qui illustre bien la beauté et le défi qui caractérisent le cycle de révision du SH. Très bientôt, ces nouvelles technologies LED trouveront leur place dans les textes de la Nomenclature du SH. En tant que document vivant et évolutif, le SH continuera d’être mis à jour par les parties contractantes, et ce de façon continue, afin qu’il couvre les nouveaux produits et les progrès technologiques. Ainsi, la communauté douanière et commerciale internationale pourra se reposer sur la nomenclature du SH afin de garantir que les flux du commerce licite continuent de traverser les frontières internationales.
En savoir +
www.cbp.gov