Dossier

L’importance du SH pour le classement tarifaire : quelques réflexions de l’IFCBA

20 juin 2018
Par la Fédération internationale des associations des agents en douane

Le site de l’OMD nous indique que le classement tarifaire fondé sur le Système harmonisé (SH) permet à un monde utilisant plusieurs langues de parler un seul langage. Alors que nous célébrons le 30ème anniversaire de l’adoption officielle du SH en 1988, rares sont ceux qui mettraient aujourd’hui en question la valeur de cet outil universel, qui a amené une grande clarté au monde du commerce. Car avec 157 pays et territoires ayant ratifié la Convention sur le SH et utilisant donc le SH comme fondement de leur tarif douanier national, et une dizaine d’autres y recourant même s’ils n’en sont pas signataires, le SH est véritablement devenu le langage du commerce international.

Depuis son lancement il y a 30 ans, le SH est devenu non seulement la base de la désignation des marchandises, du calcul des droits et taxes et de la compilation de statistiques commerciales, mais il est également utilisé par d’autres organismes gouvernementaux, des organisations internationales et par le secteur privé à plusieurs fins. Ce langage logique, systématique et universel sert, par exemple, à l’élaboration de politiques relatives au commerce, au suivi de produits soumis à des contrôles, à la mise au point de règles d’origine spécifiques, à la détermination des taux de fret, au suivi des prix et au contrôle des quotas ainsi qu’aux travaux de recherche et d’analyse économiques.

Nous savons que l’intention de cet outil est d’apporter davantage de clarté mais que se passe-t-il lorsque les pays utilisent ce langage en lui apportant des variations nationales ? Que se passe-t-il en cas de différences dans l’application du SH ? Il est vrai que nous disposons d’outils tels que les Règles générales interprétatives (RGI) du SH, sorte de règles de grammaire, mais qu’arrive-t-il lorsque les administrations des douanes, les importateurs, les agents en douane et les juristes partagent le même langage mais en ont une interprétation différente ?

Les défis de l’interprétation

Nous savons qu’il peut y avoir des différences d’opinion en matière de classement tarifaire, au niveau international et national. Il existe de nombreux exemples d’affaires portées devant les tribunaux où l’interprétation différente du SH au niveau national a abouti à des recours intéressants.

Compte tenu du caractère complexe du classement tarifaire et de l’impact potentiel sur la conformité et le recouvrement des recettes, les pouvoirs publics dans le monde se sont donné plusieurs moyens pour apporter des orientations quant à l’interprétation à donner au SH. L’OMD elle-même a élaboré la norme 9.9 de l’Annexe générale de la Convention de Kyoto révisée pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers qui stipule que la douane communique des décisions anticipées, ou renseignements contraignants, afin que les importateurs puissent bénéficier d’une certaine prévisibilité concernant la classification tarifaire des marchandises avant leur importation.

Quelques administrations douanières ont également élaboré des lignes directrices sur le classement de certaines marchandises et d’autres publient une liste des articles qui feront l’objet d’un contrôle a posteriori ou d’une vérification de la conformité, soulignant les problèmes plus courants de classement erroné. Grâce à cette liste, les importateurs disposent d’un moyen pour renforcer leur propre conformité et, le cas échéant, pour procéder à une correction. Cette liste, qui établit, en somme, les priorités en matière de contrôle, peut servir de point de départ pour une discussion entre l’importateur, l’agent en douane et l’administration des douanes sur la façon d’améliorer la conformité en général.

En outre, l’OMD publie les Notes explicatives qui offrent aux utilisateurs l’interprétation officielle de l’OMD sur le SH. Bien qu’elles ne soient pas contraignantes dans tous les pays, elles sont largement utilisées dans la pratique pour renforcer la compréhension et l’application uniformes du SH dans le monde. Nous ne pouvons oublier les Notes légales, qui sont, quant à elles, contraignantes. Sans cet arsenal, comment savoir que les termes « vêtements et accessoires du vêtement pour bébés » font référence aux articles pour enfants en bas âge d’une hauteur de corps n’excédant pas 86 cm (position 61.11) ou que le Chapitre 10 ne comprend pas les grains qui ont été mondés ou autrement travaillés mais que le riz décortiqué, blanchi, poli, glacé, étuvé ou en brisures reste compris dans le 10.06 ?

Le Comité du SH de l’OMD (aidé du Sous-Comité de révision du SH) s’occupe non seulement de superviser le cycle de révision qui permet de mettre à jour le SH, mais également de régler les différends en matière d’interprétation du SH et d’élaborer des avis de classement, qui sont regroupés ensuite dans le Recueil du même nom. Le Comité émet également des avis de classement et des recommandations sur les nouvelles technologies, telles que les imprimantes 3D et les drones.

Régimes de pénalités

La mise en œuvre du SH par les administrations douanières nationales s’accompagne souvent d’un régime de sanction global pénalisant les classements tarifaires incorrects. De la perspective du secteur privé, s’il existe un régime de pénalités, alors il doit y avoir des paramètres clairs qui garantissent que les prescriptions et obligations soient bien comprises, ainsi qu’un mécanisme de recours ou une procédure d’appel. Par exemple, l’importateur ou l’agent en douane savait-il qu’un code SH incorrect avait été utilisé ? A-t-il choisi de ne pas tenir compte d’une décision ? Les pénalités peuvent être extrêmement lourdes de conséquences compte tenu du montant de l’amende et des droits et taxes supplémentaires éventuels à payer. L’importateur, n’ayant pas prévu ces frais au moment d’établir le prix des marchandises à la vente, peut y perdre toute sa marge bénéficiaire, voire plus.

Il est donc essentiel d’évaluer l’impact d’un système de pénalités sur la conformité en matière de classement. Il est raisonnable de supposer que si un opérateur est pénalisé financièrement pour une erreur commise en matière de classement tarifaire, la même erreur ne risque plus de se reproduire. Toutefois, il est tout aussi raisonnable de supposer que les administrations douanières imposent des sanctions pour un classement tarifaire incorrect uniquement après un examen minutieux, selon des paramètres clairs, et qu’il existe un mécanisme de recours simple et opportun contre la sanction, qui donne la possibilité à toutes les parties de faire valoir leur point de vue. Les pénalités ne devraient pas être considérées comme la seule façon de promouvoir la conformité et de décourager la non-conformité : les pays devraient constamment s’efforcer de trouver les meilleurs mécanismes possibles pour résoudre les différences d’opinion et pour éduquer toutes les parties intervenant dans le classement au titre du SH.

Gérer la révision du SH

Le SH n’a jamais été un instrument statique et il doit continuer à évoluer. Qu’arrive-t-il lorsque les changements sont apportés au SH et quelles en sont les incidences pour les entreprises et les administrations douanières nationales ? Le dernier cycle de révision vient de s’achever et un nouveau est en cours à l’horizon 2022. Les changements au SH ont une incidence sur les accords commerciaux, les exigences des organismes réglementaires et les décisions d’approvisionnement par les entreprises. Ils impliquent des modifications aux programmes d’éducation, aux systèmes informatiques, aux outils de communication et aux sites web.

La conversion représente un coût important pour les pouvoirs publics et pour le secteur privé. Un seul amendement au SH peut aboutir à des milliers de changements dans les bases de données des produits, en particulier pour les agents en douane ayant des centaines de clients qui importent une grande variété de marchandises. Une ligne tarifaire peut être fractionnée en deux ou plusieurs nouvelles lignes tarifaires, exigeant une reclassification manuelle de tous les produits, pour passer des anciens aux nouveaux codes. Notre expérience nous montre que la plupart des changements impliquent la subdivision d’un code du SH en trois ou quatre codes séparés, mais il est arrivé qu’une position tarifaire soit fractionnée en 10 codes !

Concernant la future version du SH 2022 et la mise en œuvre du prochain jeu d’amendements au SH, nous encourageons les Membres de l’OMD à tenir compte des besoins des entreprises au moment d’adapter les amendements de l’OMD aux priorités nationales et de parachever les nomenclatures nationales. Nous avons besoin de temps pour mettre à jour les bases de données existantes. Nous avons également besoin que les douanes et les autres organismes gouvernementaux concernés utilisent la technologie pour nous permettre de télécharger les informations de façon automatisée. Par exemple, si les codes SH peuvent être téléchargés dans la base de données d’un agent en douane, les marchandises soumises à un droit anti-dumping ou à la règlementation d’un autre département gouvernemental peuvent être facilement identifiées en temps voulu.

Par ailleurs, nous devons respecter la confidentialité de certaines informations commerciales sensibles tout en affichant clairement notre engagement en faveur de la conformité. Les agents en douane doivent informer les importateurs que, pour être conformes, ils devront permettre la soumission de certaines données même sensibles ou propriétaires afin d’établir le code SH correct.

Nomenclatures alternatives

En cette ère du « big data » (mégadonnées) et de l’analyse des données, que réserve l’avenir au SH ? Certaines idées circulent, comme donner accès aux renseignements spécifiques par pays qui sont disponibles et fiables et permettre une utilisation des catégories génériques de marchandises pour le classement des marchandises aux fins du recouvrement des recettes. Certaines discussions portent sur les systèmes alternatifs de nomenclature qui pourraient compléter ou remplacer le SH en fournissant des informations complémentaires sur les produits aux différentes parties. Par exemple, nous savons qu’un pays se penche actuellement sur la possibilité d’utiliser les normes GS1 afin d’améliorer les codes SH et de mieux identifier les marchandises importées. Il est important de veiller à ce que ces évolutions n’aboutissent pas à une augmentation des coûts, à une complexité inutile, à de possibles doublons et à un risque accru d’erreurs.

Pour conclure sur une note positive

Alors que la communauté commerciale mondiale fait le point sur les 30 premières années du SH, nous nous devons de féliciter l’OMD d’avoir créé ce langage universel qui a contribué à une efficacité accrue et à une meilleure gestion des recettes et qui a apporté plus de clarté pour les entreprises et les fournisseurs de services connexes. Nous rendons hommage à l’extraordinaire contribution des experts du SH travaillant au siège de l’OMD à Bruxelles et aux spécialistes de la nomenclature travaillant dans les administrations douanières, et nous nous réjouissons, d’ores et déjà, de fêter le prochain événement qui viendra marquer l’histoire du SH.

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ifcba@ifcba.org
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À propos de la Fédération internationale des associations des agents en douane

La Fédération internationale des associations des agents en douane (IFCBA) œuvre à la promotion et à la valorisation des agents et courtiers en douane partout dans le monde. Elle s’efforce de contribuer à l’amélioration des politiques et des pratiques douanières à l’échelon international, au bénéfice des agents en douane et de leurs clients, et de s’assurer que la profession reste au centre du système commercial international.