Panorama

Repenser la formation : visite au Centre de formation national de la Douane des Pays-Bas

20 juin 2018

La plupart des administrations douanières disposent aujourd’hui d’une école où est enseigné le corpus douanier. Certaines ont un centre de formation dédié à la formation pratique continue des agents tout au long de leur carrière. C’est sur l’un de ces centres et son rôle critique que se penche cet article, son objectif étant de faire réfléchir à la problématique de la formation ainsi qu’aux perspectives d’avenir qu’offre la technologie.

Les cours dispensés à l’École des douanes permettent d’acquérir les connaissances nécessaires à la pratique du métier, de parcourir les aspects théoriques des divers sujets à maîtriser, mais très peu leurs aspects pratiques ou opérationnels. Selon Kees Visscher, Manager du Centre de formation national de la Douane néerlandaise pour le secteur maritime et terrestre, il existe un véritable enjeu autour de la construction des compétences, c’est-à-dire de la capacité d’agir efficacement dans un type défini de situation, capacité qui s’appuie sur des connaissances, mais ne s’y réduit pas.

Kees parle d’expérience. Avant de prendre la tête du centre de formation de Rotterdam, il avait occupé diverses fonctions d’encadrement, puis avait été chargé de former et de coacher le personnel d’encadrement travaillant au port. Ces années passées à former le personnel l’amènent à un constat: les douaniers aux Pays-Bas montrent des niveaux de compétences très variés. Si certains font preuve de capacités élevées, d’autres manquent de savoir-faire, ce qui a un impact évident sur la qualité de leur travail journalier.

Prémices

Très tôt, Kees a l’idée de créer un centre de formation qui permettrait de transmettre le savoir-faire opérationnel et d’évaluer les compétences et la conduite des agents. En 2004, un collègue revenant d’une visite au centre de formation d’Halifax, au Canada, lui décrit le centre et ses aménagements. Kees réalise que son rêve de créer une telle structure à Rotterdam peut devenir réalité. La Direction générale adhère à l’idée et le Centre de formation régional de Rotterdam voit le jour en 2006.

Des formateurs sont recrutés parmi les douaniers en poste selon leur motivation et leur capacité à communiquer, à imaginer et à innover, et en fonction de qualités telles que le dynamisme, le bon sens et la bienveillance. La mise en situation est essentielle à la formation, les formateurs doivent développer des jeux de rôle et des exercices pratiques auxquels eux-mêmes participent.

Le centre nouvellement créé dispose d’une salle de formation, d’ordinateurs. À l’extérieur, une rangée de conteneurs est utilisée pour divers exercices, mais le climat est rude aux Pays-Bas. Kees commence donc à envisager la construction d’une nouvelle structure qui permettrait non seulement de former les douaniers quelle que soit la situation climatique, jour et nuit, mais aussi de les faire évoluer dans un environnement reproduisant au plus près les conditions réelles de travail. Il s’agirait aussi de pouvoir les filmer durant les exercices développés par l’équipe de formateurs afin de rendre les sessions d’évaluation post-formation plus intéressantes et efficaces.

Une analyse détaillée sur le projet est élaborée et soumise à la Direction générale. Les travaux débutent en 2014 et, bien qu’il reste un peu à faire, les premières formations sont organisées dès la fin 2017.

Un centre unique en son genre

Le centre est un grand bâtiment de 2000 mètres carrés divisés en plusieurs salles. La section dédiée à la formation des douaniers à proprement parler comprend:

  • une salle de 850 m2 répliquant un parc à conteneurs où se déroulent toutes sortes de formation allant du contrôle des portes et à l’inspection physique du conteneur et de son contenu aux exercices de fumigation ;
  • un entrepôt qui permet de tester les aptitudes des douaniers à contrôler les inventaires et à identifier les produits suspects, les emballages non réglementaires, etc. ;
  • une pièce de 500 m2 dédiée à la fouille des véhicules où sont stockées des voitures de toute gamme et de tout gabarit auxquelles viendra s’ajouter prochainement un bus ;
  • enfin, tout un espace où ont été reproduites différentes salles d’un bateau : cabine d’équipage, entrepôt sous douane, salle de réunion du capitaine et salle des moteurs.

Les différentes salles sont équipées de caméras vidéo et d’un système de sonorisation qui permet de créer une ambiance sonore réaliste. Dans la salle des moteurs, outre les bruits des moteurs, la température peut monter jusqu’à 30 degrés.

Les caméras permettent de suivre la formation depuis la salle de contrôle, d’étudier au plus près les comportements des participants et, une fois l’exercice fini, de leur repasser les images si besoin lors du débriefing.

Les formateurs, qui doivent s’informer continuellement des méthodes de dissimulation et des modes opératoires afin de développer des scénarios crédibles, disposent d’un atelier où fabriquer le matériel nécessaire à la formation: caches, étiquettes, reproductions d’objets ou du moins de leur forme. Une imprimante 3D figure parmi les dernières acquisitions. Elle permettra de reproduire des objets difficiles à se procurer, le crâne d’une espèce de singe menacée, par exemple, qui pourrait être placé dans la cabine d’équipage.

Une partie du bâtiment est réservée au Centre de formation en cynotechnie qui dispose d’un vaste terrain en extérieur ainsi que d’une salle pour l’entraînement à la détection de substances et d’une pièce reproduisant l’intérieur d’une maison pour apprendre aux chiens à se mouvoir dans un tel environnement.

Nouvelles recrues

Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne aura des répercussions sur les activités douanières des Pays-Bas. On estime que les déclarations d’exportation des Pays-Bas vers la Grande-Bretagne augmenteront de 4,2 millions et les déclarations d’importation de 752 000. La Douane néerlandaise entend recruter et former de nouveaux agents. Certains passeront par le centre de formation dans les mois qui viennent.

Outre les nouvelles recrues, tous les douaniers de terrain et experts techniques travaillant dans l’environnement portuaire devront suivre tous les ans une formation de quatre jours au centre. Ce dernier pourra également accueillir des délégations étrangères et continuera à coopérer avec l’OMD, dans le cadre du Programme de contrôle des conteneurs par exemple.

Formation du futur

Kees envisage à présent de recourir à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée. Ces deux technologies sont distinctes : alors que la réalité virtuelle crée une simulation totalement immersive, la réalité augmentée superpose au monde réel des images 3D, des légendes et d’autres éléments qui améliorent la perception par l’utilisateur de son environnement.

La technologie de réalité virtuelle s’est avérée un atout majeur pour certaines industries telles que celles de la santé ou l’industrie pétrolière. Les compagnies pétrolières ont commencé à utiliser cette technologie pour former leurs employés à évoluer sur les plates-formes pétrolières. Les hôpitaux utilisent la réalité virtuelle pour guider les praticiens dans des procédures telles que la réanimation cardio-respiratoire ou l’insertion de cathéters Foley.

Un ordinateur, des capteurs et un casque suffiraient pour être transporté dans un entrepôt ou sur un terminal portuaire, ou encore à Madagascar pour y découvrir la faune et la flore. Pour démontrer l’intérêt du concept, Kees a organisé une formation au tir de défense pour un groupe de douaniers chargés de faire des perquisitions à domicile à l’aide d’une simulation à 360° développée par une compagnie privée en cooopération avec le ministère de la défense néerlandais et l’organisation néerlandaise de recherche scientifique appliquée.

Les douaniers ont trouvé l’entraînement trés efficace et très réaliste. Bien qu’ils soient déjà bien entraînés, ils ont ressenti des poussées d’adrénaline durant l’exercice. La technologie offre la possibilité de revisionner les images pour analyse, de rejouer autant de fois qu’on le veut, de développer une multitude de scénarios et d’environnements. En outre, dans le cas de l’entraînement au tir, les questions de sécurité ne se posent pas et il n’est pas nécessaire d’acheter des balles.

Un des obstacles à cette technologie est son coût. Les appareils de réalité virtuelle sont encore relativement chers et requièrent l’utilisation et l’installation d’ordinateurs équipés de puissantes cartes graphiques. Qui plus est, développer un système de formation en réalité virtuelle est en lui-même onéreux. Il y a également d’autres préoccupations : la technologie se heurte encore à la difficulté de restituer le sens du toucher et du retour de force, et les appareils peuvent désorienter les utilisateurs qui peuvent ressentir un certain malaise après l’utilisation de la réalité virtuelle.

Quant à la réalité augmentée, elle permettrait de former plus facilement à certaines tâches comme l’inspection d’un véhicule. Chaque partie du véhicule pourrait être visualisée sous tous ses angles, et démontée d’un geste de la main.

Conclusion

Comme beaucoup, Kees est persuadé que les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée joueront un rôle majeur dans les formations de demain. Il travaille actuellement à la mise au point d’un business case pour trouver les fonds nécessaires au développement d’un petit jeu de réalité virtuelle qui servirait de pilote. Toute administration ou organisation intéressée à se joindre à ses efforts est vivement invitée à le contacter.

En savoir +
communication@wcoomd.org