Un nouveau système d’information douanier voit le jour en Algérie
22 février 2019
Par Hakim Berdjoudj, directeur d’études chargé du cabinet, Douane algérienneAméliorer la performance douanière passe nécessairement par l’amélioration du système d’information. Ce dernier devant être aligné au métier de la douane, un métier en permanente évolution au gré des modifications de l’arsenal juridique d’encadrement du commerce extérieur, cette amélioration doit être envisagée comme un processus constant et dynamique.
La Douane algérienne utilise encore actuellement un système d’information développé en interne et appelé système d’information et de gestion automatisée des douanes (SIGAD) depuis plus de deux décennies, sa première version ayant été déployée en 1995. Il constitue la seule source d’information sur le commerce extérieur de l’Algérie. Il informatise le processus de dédouanement et génère des statistiques sur le commerce extérieur de l’Algérie qui sont transmises régulièrement aux pouvoirs publics pour informer la prise de décision économique. Or, bien qu’il soit passé par plusieurs stades d’évolution, le SIGAD ne prend en charge que partiellement les activités de la Douane.
À la faveur d’un plan de réforme, la Douane a donc engagé la refonte du système de manière à garantir une interopérabilité avec les systèmes des intervenants dans la chaîne logistique du commerce international. Ce faisant, l’Administration des douanes, engagée dans une nouvelle dynamique de gestion, s’est employée, en exploitant les bonnes pratiques de certains pays leaders en matière de traitement de données et de système d’information, à reconstituer les processus métier et soutien, sous forme d’un cahier des charges fonctionnelles orienté client (usager de la douane).
Approche processus
Le « processus d’informatisation » engagé durant les années 90 a été développé sans prendre en compte une approche essentielle : l’approche processus. Apparue à la fin des années 80, il s’agit d’une méthode d’analyse ou de modélisation et d’une description méthodique d’une organisation ou d’une activité pour agir dessus. Cette approche permet, entre autres, de clarifier les rôles et responsabilités exercés, de comprendre les exigences du client, de rechercher la valeur ajoutée et d’identifier les gaspillages, et de diminuer les coûts et les délais des processus.
L’intérêt de l’approche processus réside dans le fait qu’elle contribue à l’appréhension des relations entre les différentes parties de l’organisation ; i.e. identifier d’abord les différents processus et leurs interfaces (comprendre la mécanique de l’organisation), ensuite maîtriser les processus (faire fonctionner l’organisation) et enfin optimiser les processus (améliorer le fonctionnement de l’organisation) tout en assurant la sûreté de leur fonctionnement.
Une clarification s’impose sans doute concernant le concept d’interfaces. Interface veut ici dire l’échange d’informations. Les interfaces sont les relations entre les processus. En établissant des règles d’interfaces, nous cherchons à améliorer des relations entre les différents sous-systèmes. Au sein d’une organisation, les services sont ouverts et les échanges d’informations se font dans tous les sens. Cette manière de faire garantit une souplesse de communication, mais perd en clarté. Pour rendre le système de communication performant, il faut améliorer ce modèle en le rendant « logique ».
Système d’information versus système informatique
Pour comprendre l’intérêt de cette approche pour la conception et le déploiement d’un système d’information, il est judicieux de distinguer le système d’information du système informatique. Le système d’information est « un système social de significations partagées » permettant de décider, d’agir et de coopérer par le traitement des flux d’information. Le système d’information est une partie intégrante du système opérationnel de l’organisation : il n’y a pas d’une part le métier et de l’autre son système d’information.
Le système informatique, quant à lui, n’est autre que la partie automatisée du système d’information. Autrement dit, c’est la traduction du workflow dans le langage informatique dans le but d’industrialiser l’information.
Reconstituer les processus métier et soutien
Dans le cadre de la refonte du système, des équipes pluridisciplinaires ont été chargées de la réorganisation ou reconfiguration des processus des douanes en vue d’aboutir à des processus dits « lean », littéralement « maigres », débarrassés de toutes les opérations inutiles et ne comportant que les tâches à valeur ajoutée pour le client au sens large.
Concrètement, il a été procédé, à un premier niveau d’analyse, à l’identification des macro-processus douane, en distinguant essentiellement les processus de pilotage stratégique, les processus métier et les processus soutien. Ensuite, chaque macro-processus a été décliné en processus élémentaires, lesquels ont été cartographiés en activités effectives, telles que pratiquées sur le terrain.
La cartographie est une photographie réelle de la situation à un instant donné. Pour faire une cartographie d’un processus, on reprend, à partir d’une observation pratique (entretien, enquête, chronométrage) réalisée sur les lieux du déroulement du processus, les différentes étapes du processus, la symbolique des faits (des étapes), les durées, les coûts, les distances parcourues, les fréquences de chaque étape et les liens (schématiquement) avec le ou les intervenants par étape. Il s’agit là d’un travail conséquent ayant fait intervenir une équipe pluridisciplinaire sur le terrain pour établir un diagnostic aussi réel que possible.
En outre, les règles d’échanges d’informations au niveau des points de contact identifiés lors de l’exercice de cartographie ont été élaborées, et ce, afin d’assurer la prise en compte du besoin du client d’un processus à un autre. À titre d’exemple, l’union nationale des transitaires et commissionnaires en douane algériens est constamment concertée avant la prise de décisions opposables aux tiers.
Ainsi, le nouveau système d’information de la Douane algérienne intégrera non seulement toutes les activités douanières mais permettra aussi un échange de données informatisées (EDI) avec tous les intervenants de la chaîne logistique du commerce international, y compris les autres départements et organismes publics intervenant dans le commerce extérieur.
Assurer le changement
Sur un autre registre, la réussite d’une telle démarche est tributaire d’un accompagnement de changement constitué d’actions sur le terrain avec les acteurs concernés pour les aider à s’approprier les nouvelles dispositions de l’organisation, leur nouveau rôle, leurs nouvelles pratiques. Cela s’est traduit notamment par des réunions de brainstorming, des séances de vulgarisation et de sensibilisation, une formation et un suivi permanent. Pour assurer ce suivi, un formulaire a été mis à la disposition des usagers sur le site web de la Douane pour permettre un retour d’information qui sera traité par la direction en charge de la communication.
Au-delà des réunions régulièrement organisées au sujet du système d’information des douanes, une « analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité » a été opérée en vue de gérer le risque en matière de déploiement du nouveau système. Cette méthode dite AMDEC permet à un groupe d’identifier et de traiter les causes potentielles de défauts et de défaillances avant qu’ils ne surviennent. La criticité est obtenue par une triple cotation : la gravité ou sévérité de l’effet du défaut ou de la défaillance, l’occurrence ou fréquence d’apparition de la cause, la détection (probabilité de non détection de la cause). Parmi les risques identifiés figuraient le manque d’adhésion du personnel et des utilisateurs du système, faute de formation et de maîtrise de l’outil, et leur incapacité à adapter leurs méthodes de travail.
Les effectifs ont été également renforcés par une trentaine d’ingénieurs et de techniciens supérieurs en informatique appelés à appuyer leurs collègues par de nouvelles méthodes. Pour ce faire, une consultation auprès des universités spécialisées a été opérée et les meilleurs diplômés en informatique ont été recrutés.
Les avantages du nouveau système
Le nouveau système d’information de la Douane algérienne sera déployé graduellement sur une période de trois années à compter de janvier 2019. L’ancien système et le nouveau auront à coexister durant la période de déploiement.
Le nouveau système d’information aura pour avantages notamment :
- de dématérialiser toutes les procédures douanières, et, ce faisant, d’éliminer le pouvoir discrétionnaire des agents des douanes, de garantir la transparence des opérations et de réduire le risque de collusion ;
- d’appliquer les méthodes de classification multicritères des risques de fraude pour contrôler moins tout en réalisant de meilleurs résultats et permettre ainsi à l’administration des douanes de jouer pleinement son rôle de protecteur de l’économie nationale tout en contribuant à la cohésion sociale ;
- de permettre d’instaurer une centrale de gestion des risques qui s’appuiera sur les bases de données dynamiques que le système générera et sur celles auxquelles il sera connecté ;
- de gérer la mobilité périodique aléatoire des agents des douanes, de suivre les carrières et le développement des compétences, de garantir le respect du code de conduite et de discipline et de sécuriser les dossiers individuels du personnel grâce à une gestion électronique des documents, et ce, pour assurer une gestion des ressources humaines sur la base de référentiels préétablis.
En guise de conclusion, il y a lieu de souligner les efforts entrepris en matière de formation. Les cadres de l’administration douanière en charge du dossier du système d’information ont bénéficié d’une formation en gestion de la chaîne logistique et l’administration s’attèle à organiser des cercles de concertation, rencontres qui permettront aux usagers du secteur privé de se familiariser avec les nouveautés qu’apportera le nouveau système d’information, l’objectif étant de garantir un déploiement et une migration rapide.
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