Comment le Pérou a accéléré sa modernisation pendant la crise
21 octobre 2020
Par Marilú Llerena Aybar, directrice nationale adjointe des douanesLa pandémie de COVID-19 a entraîné au Pérou une contraction des volumes d’exportations et d’importations, ce qui a fait baisser les recettes fiscales. La crise n’a toutefois interrompu ni l’approvisionnement en marchandises jugées essentielles pour faire face à la pandémie, ni les importations et exportations vitales pour l’activité économique du pays. On a même constaté une hausse des exportations de certains produits péruviens non traditionnels, tels que les raisins frais, les avocats, les mangues et le gingembre, qui s’explique par les efforts de promotion des produits péruviens sur les marchés internationaux.
Si l’Administration douanière péruvienne (SUNAT) a pu rester pleinement opérationnelle, c’est principalement grâce aux progrès réalisés au fil des ans en matière de numérisation et de simplification. La pandémie nous poussant tous plus loin dans le monde numérique, l’Administration s’efforce maintenant d’accélérer et de renforcer l’évolution informatique en coopération avec des organismes publics et des acteurs du secteur privé, afin de consolider son statut de douane numérique.
Dans cet article, nous présentons certains des changements que nous avons mis en œuvre aux niveaux opérationnel et administratif pour atténuer l’impact de la crise sur les opérateurs économiques, ainsi que les faits les plus récents, et certains faits à venir, qui nous rapprocheront de la numérisation de tous les processus opérationnels, d’une plus grande visibilité des opérations commerciales et de la mise au point de systèmes interconnectés capables d’échanger des informations.
S’adapter à une nouvelle réalité
Les autorités ont pris différentes mesures pour assurer la continuité des opérations de commerce extérieur pendant la pandémie :
- la suspension des délais pour l’accomplissement des procédures douanières, afin d’éviter que les marchandises soient considérées comme légalement abandonnées, ainsi que la suspension des délais d’exécution des garanties financières ;
- l’annulation des infractions administratives[1] et des sanctions mineures, qui ont permis de réduire de 77 % le nombre total d’infractions ;
- l’adaptation de 17 procédures, par exemple la dématérialisation de tous les documents requis dans les régimes suspensif, temporaire, spécial et simplifié, ce qui permettra d’éliminer au total plus de 1,2 million de feuilles de papier par an ;
- la création d’un comptoir d’accueil virtuel chargé de traiter les demandes des entreprises.
Pour faciliter l’entrée des marchandises envoyées comme dons, les autorités ont en outre adopté un décret législatif qui a modifié les prescriptions auxquelles doivent se plier les organismes publics autorisés lorsqu’ils reçoivent ces marchandises de l’étranger. L’Administration des douanes a fourni une assistance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans ce domaine, et a suivi avec dynamisme le parcours des cargaisons depuis la soumission électronique du manifeste (et même plus tôt dans certains cas) jusqu’à l’arrivée des marchandises. Cette initiative a permis le dédouanement rapide de plus de 1 600 tonnes de marchandises au total, qui ont ainsi pu arriver rapidement aux populations les plus vulnérables.
Communication
Il a fallu communiquer rapidement et efficacement sur ces mesures, et l’Administration a donc ouvert des lignes téléphoniques supplémentaires pour répondre aux clients. Elle a également beaucoup utilisé les médias sociaux pour annoncer les nouvelles réglementations et communiquer directement avec les utilisateurs.
L’Administration a également renforcé sa communication. Entre juin et juillet 2020, elle a organisé trois webinaires qui ont attiré 270 000 participants et suscité plus de 3 000 commentaires. Quinze autres webinaires ont été consacrés à des sujets particuliers tels que le comptoir d’accueil virtuel, le dédouanement avant l’arrivée, l’opérateur économique agréé (OEA) et le système de dédouanement FAST ; ces webinaires ont réuni 2 200 participants.
Les vidéos ont été publiées sur le compte Twitter @SUNATOficial, qui compte plus de 670 000 abonnés. Enfin, l’Administration a créé un groupe WhatsApp de consultation du secteur privé.
Faits récents et à venir
L’un des défis que doit relever l’Administration des douanes péruvienne est de mener à bien le processus de numérisation. L’idée est non seulement d’utiliser des documents électroniques, mais aussi de mettre en place des processus plus simples et de renforcer l’échange d’informations avec tous les opérateurs du commerce extérieur.
De nouveaux processus sont en vigueur depuis le 31 juillet 2020 pour les exportations et depuis le 31 août 2020 pour les importations ; ils ont fait disparaître toutes les procédures sur papier (voir les figures 2 et 3). À l’importation, le propriétaire ou le destinataire qui confie le dédouanement de ses marchandises à un agent en douane peut, entre autres, transmettre le mandat par voie électronique. En outre, la procédure de classement des cargaisons dans les différentes filières de contrôle (rouge pour l’inspection physique des marchandises, orange pour l’examen des documents et vert pour l’absence de contrôle), qui n’était auparavant déclenchée qu’après la mise en garantie ou le paiement des taxes à l’importation, est aujourd’hui liée à la présentation des déclarations. L’administration a créé un site web pour les questions générales qui permet aux gestionnaires d’entrepôts temporaires et aux agents en douane de suivre le calendrier des inspections physiques et de la mainlevée des marchandises dont ils ont la charge, ce qui réduit les délais et les coûts des processus de mobilisation et de retrait des marchandises.
Enfin, le processus d’expédition de fret express (voir la figure 4) sera lancé fin novembre 2020 ; il permettra la transmission électronique des données relatives au fret, le dédouanement avant l’arrivée, la présentation en une seule procédure du manifeste et de la déclaration et l’utilisation de la garantie globale pour le paiement des taxes.
À l’exportation, les scellés électroniques de haute sécurité permettent un suivi complet du fret. L’expédition directe, des locaux de l’exportateur au port sans que la cargaison soit placée en dépôt temporaire, est aujourd’hui possible. Désormais, on peut transférer des marchandises d’une zone primaire[2] vers une zone secondaire sur présentation d’un code QR.
L’Administration a également amélioré le guichet unique pour le commerce extérieur (VUCE), un système intégré qui permet de gérer par la voie électronique les procédures d’autorisation de l’entrée, de la sortie et du transit des marchandises, de sorte que ce système puisse interagir avec d’autres systèmes informatiques. En plus d’offrir des mécanismes de dédouanement aux frontières et une approche plus coordonnée de l’intégration des processus commerciaux, le VUCE a déjà permis aux économies partenaires d’échanger des certificats phytosanitaires et des certificats d’origine harmonisés avec les autres membres de l’Alliance du Pacifique (Chili, Colombie et Mexique). Le guichet unique garantit désormais la connectivité avec les systèmes informatiques de nombreuses parties prenantes, parmi lesquelles les importateurs, les exportateurs, les organismes gouvernementaux et les fournisseurs de services commerciaux, ainsi qu’avec les guichets uniques ou les systèmes similaires d’autres pays.
Valoriser les ressources humaines
L’Administration investit non seulement dans la technologie mais aussi dans les personnes. Le recrutement, qui avait été mis en pause, a redémarré. L’Administration évalue les connaissances, les compétences, la psychologie et l’intégrité des candidats au moyen de plateformes en ligne et d’entretiens virtuels. Depuis la déclaration de l’état d’urgence le 15 mars 2020, 86 nouveaux agents des douanes juniors ont été recrutés, parmi lesquels 25 scientifiques des données qui renforceront les capacités des douanes en matière d’analyse des données et de renseignement.
L’Administration encourage également les agents expérimentés à suivre les 24 cours en ligne mis au point par son centre de formation. Plus de 2 000 agents (70 % du personnel des douanes) ont suivi au moins un cours cette année. Les agents de terrain contraints de rester chez eux pendant la pandémie, s’ils souffraient d’une affection sous-jacente augmentant le risque de maladie grave, ont également été autorisés à déclarer les heures de formation en ligne comme heures de travail.
En savoir +
mllerenaa@sunat.gob.pe
cvillarruel@sunat.gob.pe
[1] On entend par infraction administrative : la déclaration incorrecte de la marque, de la valeur, du modèle ou de l’état des marchandises, à condition que ces erreurs n’entraînent pas une augmentation de l’impôt ; le défaut de transmission des informations relatives au manifeste dans les délais prévus ou des erreurs dans la description des marchandises ou l’identification du propriétaire ; le défaut de fourniture d’informations ou de documents selon les modalités et dans les délais prescrits par l’Administration des douanes.
[2] Une zone primaire est une zone sous inspection et contrôle douaniers continus, où les marchandises en attente d’une destination douanière ou qui ont déjà reçu une destination douanière sont stockées sous le régime de la suspension des droits.