Comment les instruments numériques peuvent améliorer le respect des mesures SPS
24 février 2021
Par Francis LopezCompte tenu des inquiétudes croissantes que suscitent la sécurité alimentaire et la salubrité des aliments, ainsi que du besoin de lutter contre la faim et d’éliminer le gaspillage alimentaire, une révision des procédures pour la mise en œuvre de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires et l’adoption des technologies de l’information pour améliorer les flux de travaux seraient très utiles, tant pour les pays importateurs et exportateurs que pour les partenaires commerciaux.
L’Accord SPS et le processus de certification
L’objectif de l’Accord de l’OMC sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) est de permettre aux Membres de l’OMC d’exercer leur droit à « prendre les mesures sanitaires et phytosanitaires qui sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux », sans imposer d’obstacles inutiles au commerce. Il s’applique normalement au commerce ou au mouvement de produits animaux ou végétaux dans les pays et territoires douaniers, ou entre eux. L’Accord encourage par ailleurs les gouvernements à utiliser les normes, directives et recommandations internationales pour l’élaboration de leurs mesures SPS.
De nombreux pays exigent un certificat sanitaire ou phytosanitaire à l’importation, c’est-à-dire un document officiel délivré à l’exportateur par une autorité compétente du pays d’exportation qui certifie que les animaux et végétaux, ou leurs produits dérivés, ont été contrôlés et sont exempts de parasites ou de maladies. Les opérateurs doivent parfois répondre à d’autres exigences et introduire, par exemple, une demande de permis d’importation, déposer d’autres certificats relatifs à la santé et à la sécurité de la collectivité, et présenter les produits pour inspection par les services de quarantaine avant leur dédouanement aux fins de leur mise en libre pratique.
Les organes directeurs chargés des mesures SPS[1], sous les auspices de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ont normalisé le format et le contenu des données des certificats SPS sur support papier. Le certificat, qui suit toujours la même formule et est imprimé sur papier, est délivré à l’exportateur qui l’envoie à l’importateur pour qu’il le présente à l’autorité compétente du pays d’importation. Le graphique 1 présente le flux de travaux du certificat SPS depuis l’autorité du pays exportateur vers l’autorité du pays d’importation.
Numérisation des flux de documents
Les organes directeurs SPS ont élaboré des normes pour la numérisation des certificats SPS. La Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) a créé les certificats phytosanitaires électroniques (appelés les ePhytos) et offre une description du format et du contenu des ePhytos, ainsi qu’un mécanisme pour leur échange et des orientations concernant les codes harmonisés et les régimes en place. L’Organisation mondiale de la santé animale (OiE) a également élaboré des normes pour la certification vétérinaire électronique et la Commission du Codex Alimentarius pour les normes de sécurité alimentaire en a fait autant pour les aliments.
De nombreux pays ont réussi leur transition vers la certification SPS par voie électronique (notons ici que tous les experts sont d’accord pour dire qu’avant de passer à un système numérique, il convient d’abord de compter sur un système effectif de certification sur support papier, avec la capacité institutionnelle adéquate et une répartition claire des rôles et responsabilités). Cependant de nombreux pays n’acceptent encore aujourd’hui que des certificats papier à l’importation, alors que parmi eux, certains sont matériellement capables d’émettre des certificats électroniques. Dans ce cas, le certificat sera délivré sous format papier à l’exportateur, pour qu’il puisse à son tour le soumettre à l’importateur avec les autres documents. L’importateur déposera ensuite le certificat SPS papier aux autorités du pays d’importation.
Comme dans toutes les initiatives ayant pour objet de dématérialiser les procédures, les principaux problèmes rencontrés portent sur :
- la conclusion d’arrangements institutionnels entre parties impliquées dans l’échange transfrontalier de renseignements électroniques (régimes volontaires ou contraignants / participation de toutes les agences ou de quelques services préalablement définis, etc.) ;
- l’établissement d’un cadre légal d’appui qui reconnaisse officiellement les transactions électroniques ainsi que les formules électroniques d’authentification, et le choix de la partie responsable en cas d’erreur de traitement ou de procédure de résolution des différends ;
- la mise en place d’un concept opérationnel avec un modèle de recettes clairement défini ;
- le choix d’une norme pour l’échange de données informatisé (EDI), c’est-à-dire de protocoles de communication et d’une structure de document normalisés, afin de s’assurer que les systèmes informatiques ne se limitent pas uniquement à délivrer des certificats électroniques mais puissent également accepter et lire les certificats émis par d’autres autorités.
Pour résoudre certains de ces problèmes, en 2018, la CIPV s’est lancée dans le déploiement du Projet « ePhyto Hub », une plateforme centralisée des ePhytos, qui permet aux organisations nationales de protection des végétaux (ONPV) dans les pays d’exportation d’envoyer des certificats phytosanitaires par voie électronique vers une plateforme centrale (le « hub »), afin que les ONPV destinataires dans les pays d’importation puissent les récupérer. Les pays utilisant la plateforme n’ont pas besoin de conclure les accords bilatéraux qui seraient normalement exigés pour les systèmes de bout à bout. Un système générique ePhyto national, le GeNS, a également été mis au point pour les pays qui ne disposent pas des mécanismes nécessaires pour émettre des ePhytos et pour les envoyer au « hub ePhyto ».
Échanges transfrontaliers
Lorsque les services de réglementation présents aux frontières ont tous accès aux données à travers un guichet unique national, les douanes peuvent alors consulter les permis d’importation délivrés par les autorités de quarantaine et ces dernières peuvent avoir accès aux manifestes et aux données des déclarations de marchandises soumises par l’importateur. Dès l’arrivée des marchandises, les douaniers et les agents des services de quarantaine mènent tous deux leurs contrôles en vue du dédouanement des marchandises. Les douaniers se concentrent sur les données de la déclaration de marchandises et sur le classement tarifaire afin de percevoir les droits et taxes correspondants, tandis que les agents de quarantaine contrôlent la conformité des marchandises à l’importation par rapport aux mesures SPS, et en particulier les certificats SPS délivrés par les autorités du pays d’exportation.
La coopération et l’échange de données entre les services au niveau national sont des pratiques bien établies dans la plupart des pays. Toutefois, au-delà de l’échange des certificats électroniques, il reste encore à mettre en place des mécanismes effectifs de coopération entre les autorités des pays d’importation et des pays d’exportation.
Les autorités du pays d’importation demandent parfois à celles du pays d’exportation de remplacer le certificat SPS. Le certificat est refusé parce qu’il peut avoir été manipulé, parce qu’il est faux, qu’il a expiré ou qu’il n’est plus valable comme conséquence d’un changement intervenu dans les mesures SPS du pays d’importation. De telles situations peuvent aboutir à des frais de stockage supplémentaires pour l’importateur. Qui plus est, si l’importateur ne dispose pas de locaux adéquats pour l’entreposage des marchandises, ces dernières peuvent s’avarier et finir aux ordures.
Comme indiqué plus haut, dans un effort pour faciliter les contrôles et éliminer les retards inutiles pour la mainlevée des marchandises, les autorités émettrices de certificats SPS fournissent des certificats électroniques directement aux services de quarantaine, en utilisant des plateformes telles que le « ePhyto Hub » ou en offrant un accès à leur système informatique. Néanmoins, le commerce de produits agroalimentaires pourrait certainement bénéficier de la mise en place d’outils qui ouvrent la voie à un meilleur échange d’informations sur les règles et les certifications.
Améliorer la transparence et la conformité
Au-delà du besoin de faciliter l’échange de renseignements entre les autorités au niveau international, il est également fondamental d’assurer la transparence des mesures SPS et, encore une fois, les outils numériques pourraient complètement changer la donne.
Il convient à ce sujet de mentionner quelques initiatives dont le secteur privé s’est fait le fer de lance. Parmi elles, la Pan Asian E-Commerce Alliance (PAA), ou Alliance pan-asiatique pour le commerce électronique, se donne pour objectif de promouvoir la mise en place d’infrastructures informatiques sécurisées, fiables et apportant une valeur ajoutée pour améliorer la fluidité des échanges commerciaux partout dans le monde. La PPA a créé un concept de modèle d’échange collaboratif pour faciliter le commerce transfrontalier des produits agroalimentaires, modèle qui devrait permettre à l’autorité émettrice de la certification SPS et à l’autorité de quarantaine du pays d’importation d’échanger à la fois les données du permis, les données exigées aux fins du dédouanement ainsi que les données du certificat SPS.
Au cours d’une expérience pilote entre les ministères de l’Agriculture des Philippines et de l’Australie, le permis d’importation délivré par les Philippines a été mis à la disposition d’un exportateur basé en Australie, afin que ce dernier soit informé du type d’autorisation délivrée à l’importateur et des exigences spécifiques à remplir à l’importation en matière de certification et de procédures (par exemple, la validité du permis d’importation sur la base de la date de livraison obligatoire). En outre, le certificat SPS délivré par les Philippines inclut le numéro de référence du permis d’importation pour faciliter la vérification, éventuellement à travers un appariement automatisé des données du permis et du certificat, et pour s’assurer que le certificat SPS mentionné plus haut soit conforme.
Le processus établi durant l’expérience pilote a permis à l’exportateur d’éliminer les risques de non-conformité des marchandises par rapport aux mesures SPS du pays d’importation. Cette expérience montre que les projets de numérisation sont également l’occasion de revoir les procédures en place, de renforcer la transparence et d’améliorer la conformité.
En savoir +
flopez@intercommerce.com.ph
[1] L’Accord SPS de l’OMC reconnaît trois organisations de normalisation internationales : la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), la Commission du Codex Alimentarius pour les normes de sécurité alimentaire (Codex) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OiE) pour les normes de santé animale.